L'Ecrin des illusions

Chapitre 23 : Les Flammes de la Saint-Valentin (troisième partie)

4582 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/04/2024 14:58

Les quatre Gryffondor se retrouvèrent dans les rues animées de Pompéi. Les personnages du tableau vaquaient à leurs occupations, sans se soucier des bruits sourds se faisant entendre dans le lointain et encore moins, des jeunes sorciers. Jonathan, féru d'histoire, était aux anges. Un nouveau grognement résonna, ne déclenchant que quelques regards surpris de la part de certains personnages scrutant le ciel bleu avec perplexité.


- Où peut bien se trouver Violet ? demanda Charlie en se hissant sur la pointe des pieds.


À cet instant, un petit gloussement éclata dans la foule se pressant dans le marché. Ils aperçurent leur camarade. Violet leur adressait de grands signes de la main avant de disparaître parmi les étals débordant de victuailles. Les quatre compères se lancèrent à sa poursuite, en écrasant quelques sandales au passage. Jonathan ne parvenait pas à détacher ses yeux des rues de l'antique cité et manifesta son intention de rester un peu dans le tableau, dès qu'ils auraient retrouvé Violet, pour pouvoir parcourir la ville en toute quiétude. Ils quittèrent les ruelles grouillantes de monde et arrivèrent au pied du volcan. Celui-ci venait de s'éveiller et crachait un filet de fumée et de petits cailloux.


Protego ! s'écria le quatuor en chœur.


Leur bouclier magique leur permit de dévier les roches enflammées. Hazel abaissa sa baguette et laissa ses yeux s'élever jusqu'au sommet du volcan. Elle vit une flamme rougeoyante éclairant l'un des flancs du Vésuve. Sofia identifia un sort de Vermillieux et devina qu'il s'agissait d'un appel à l'aide émanant de Violet. Armés de leurs baguettes, en dépit des protestations de Jonathan trouvant la situation « étrange », ils entamèrent leur longue ascension du volcan, tout en se protégeant des nuages de cendres se répandant autour d'eux.


- Soyons prudents, chuchota Charlie. Rappelez-vous du dragon.

- Ce n'est qu'une peinture ! tenta de les rassurer Sofia. Le peintre n'a sans doute pas pensé au dragon...

- Une peinture, une peinture, c'est vite dit, grogna Jonathan. Ça me semble bien réel pourtant... pas vrai, Hazel?


Jonathan se tourna vers son amie afin de quêter son approbation. Hazel qui n'avait pas écouté l'échange entre ses compères, observait les horizons avec intérêt. Elle s'immobilisa et pointa son index vers la paroi du volcan : une grotte, immense, était creusée dans la roche. Une cachette suffisamment grande pour servir de nid confortable à un dragon. Un même frisson apeuré les parcourut. Jonathan se recula d'un pas, conseillant de retourner à leur point de départ afin d'avertir leurs professeurs, sans doute plus compétents qu'eux pour résoudre ce mystère. Hazel, avisant la petite flamme rouge brillant à l'entrée de caverne, refusa d'écouter le bon sens de Jonathan. Elle dégringola la pente, manquant de peu de se briser le cou lorsque son pied droit roula sous des petites roches. Sofia se précipita à sa suite et toutes les deux parvinrent à entrer dans la grotte.


Les deux amies échangèrent un regard horrifié en sentant l'odeur nauséabonde imprégnant les parois de la caverne. Elles illuminèrent le bout de leurs baguettes et eurent un mouvement de recul : sur un nid fait d'ossements de mammifères, reposait leur camarade endormie. Des morceaux de cadavres gisaient un peu partout dans la cachette. Elles s'approchèrent de Violet, Sofia se pencha pour lui prendre son pouls et poussa un soupir de soulagement.

- Elle n'est pas morte, simplement endormie.

Hazel examina le visage paisible de la Serdaigle.

- Un sortilège, tu crois ?

- Ou une potion...


Elles tentèrent de la réveiller mais leurs efforts se révélèrent vains. Violet dormait, marmonnant dans son sommeil et poussant de temps à autre, de bruyants ronflements. Les deux sorcières examinèrent leur camarade : comment pourraient-elles la sortir de cette grotte ? En la faisant léviter ? Charlie et Jonathan entrèrent dans la grotte. Jonathan avait le visage rouge et peinait de plus en plus à marcher. La souffrance se lisant sur ses traits inquiétait de plus en plus Hazel, même s'il tentait de faire bonne figure. Charlie explorait la caverne, tandis que Jonathan tenait conciliabule avec ses deux amies.

- Où doit-on aller ? murmura Sofia. Sortir Violet de cette grotte est une priorité... mais pour aller où ?

- C'est un tableau, répondit Jonathan. J'imagine qu'il nous suffit de retourner à notre point de départ.


La chaleur devenait de plus en plus insoutenable. Charlie suait à grosses gouttes et ne cessait de jeter des regards inquiets à l'entrée de la caverne, comme ses amis, il redoutait le retour de l'occupant des lieux. Hazel se pencha à nouveau vers Violet, comme si leur camarade pouvait leur apporter la solution ! Elle se surprit à regretter l'absence de Seren dans leur petite expédition : avec sa carrure, il aurait pu transporter Violet jusqu'au pied du volcan ! Soudain, son regard fut attiré par la curieuse petite pierre posée sur la poitrine de la jeune Serdaigle. Hazel s'en saisit et comprit qu'il ne s'agissait pas d'un bijou ordinaire : c'était le rubis en forme de pistil ornant le pendentif appartenant à sa mère ! Un morceau de la clef qui lui permettrait d'ouvrir l'écrin. Comment s'était-il retrouvé entre les mains de Violet ? Elle ne put s'interroger davantage. Un nouveau grondement, plus puissant que les précédents, déchira le silence de la caverne et fit vrombir les parois de la grotte. Les gaz du volcan se faufilaient à travers la roche et les tueraient très certainement, s'ils ne prenaient pas une décision rapide !


Hazel tourna la tête vers Charlie : pour tromper sa nervosité, il caressait son petit dragon de papier. Saisie d'une impulsion, la jeune sorcière glissa le petit rubis dans sa poche, s'approcha de son ami et lui demanda de lui confier son petit dragon. Un peu surpris, Charlie accéda à sa requête. Hazel s'agenouilla et posa la petite créature sur le sol. Le dragon déploya ses petites ailes en poussant des petits cris enfantins. Hazel avait dévoré bien des livres sur l'art de la métamorphose et les objets magiques depuis le tout premier cours de McGonagall. Elle s'était entraînée à métamorphoser des verres à pied en souris, des cuillères en couleuvres et, avec l'aide de Sofia, elle était même parvenue à agrandir la poche de son manteau ! La solution se trouvait juste son nez. Elle immobilisa le petit dragon à l'aide de sa baguette et ferma les yeux. L'image du dragon en papier s'imprima dans sa rétine. Elle l'étira en pensée, faisant grandir ses ailes encore et encore, ses pattes se mirent à pousser, ainsi que son corps et sa tête. Bientôt, le petit dragon en papier avait pris une taille plus que conséquente dans son esprit !


Elle ouvrit les yeux et posa sa baguette sur l'aile droite du petit dragon. Elle devait y aller en douceur, sans se presser, afin de ne pas louper son sortilège.

Amplificatum.

Hazel ramena la baguette avec douceur vers sa poitrine. Peu à peu, le petit dragon de papier grandit et prit bon nombre de centimètres. La jeune sorcière se redressa lentement, afin de ne pas briser le papier, et se recula en prenant mille précautions.

- Jonathan, Sofia, murmura-t-elle, mettez-vous de l'autre côté.

Les deux Gryffondor imitèrent son geste et, tout en étant aussi minutieux que leur amie, se mirent à déployer l'aile gauche du petit dragon devenu grand. Charlie se plaça à côté de Hazel afin de lui venir en aide. À force de patience et d'entraide, les quatre jeunes sorciers parvinrent à donner une taille plus respectable à la créature ! Une taille qui leur permettrait à tous de tenir sur son dos. Charlie, une fois le sortilège achevé, prit Violet dans ses bras et la déposa sur la créature. Sofia et Hazel aidèrent Jonathan à se hisser sur le dragon avant d'y grimper à leur tour. Hazel se tourna vers son amie qui venait de prendre les commandes de leur moyen de locomotion improvisé.

- À toi de jouer !

Sofia lui décrocha un regard complice avant de brandir sa baguette :

Wingardium leviosa.

Elle prononça son sort à la perfection, en imitant le ton de leur professeur de sortilèges.


Le dragon s'éleva de quelques centimètres et comprenant qu'il devait agir pour les tirer de ce bien mauvais pas, il battit des ailes et sortit de la caverne en crachant des flammes de contentement. Charlie, les bras repliés autour du cou de la bête, lui flatta l'encolure tout en lui criant des mots d'encouragement. Jonathan et Sofia paraissaient soulagés et prenaient même goût à cette balade imprévue. Hazel, quant à elle, se tenait sur ses gardes : elle avait l'impression que tout cela était facile, beaucoup trop facile... Comme si quelqu'un avait tenté de leur simplifier la tâche en remettant, comme par hasard, le petit dragon en papier à Charlie.


La jeune sorcière jeta un regard par-dessus son épaule et vit les parois du volcan se tordre sous l'effet de la pression exercée contre ses flancs. Un nouveau grognement, cette fois-ci s'apparentant à celui d'un animal, explosa dans les airs et une silhouette gigantesque s'éleva dans le ciel, masquant le soleil éclatant de ses longues ailes déployées. Le dragon poussa un nouveau cri, évacua une gerbe de feu avant de disparaître derrière les nuages.

- Un Sicilien à rayures ! cria Charlie avec terreur avant de presser ses talons contre les flancs du dragon de papier.

Le dragon rouge retomba en piqué et s'élança à la poursuite. Charlie et Jonathan exhortaient leur monture à accélérer la cadence. Le dragon les pourchassait en répandant des nuées de cendres et de roches brûlantes.

- Vite, plus vite, criaient les quatre compères au dragon.


Leur ennemi cracha une nouvelle gerbe de flammes, le feu prit dans l'arrière-train de leur créature de papier. Sofia et Hazel éteignirent le début de l'incendie mais le mal était fait. Leur dragon se consumait et ne tarderait pas à se réduire à un petit tas de cendres... Pourtant, leur dragon s'accrochait et conscient d'accomplir une mission d'importance, luttait de toutes ses forces contre leur ennemi. Il parvint au pied du volcan et s'engagea à vive allure dans les rues étroites, slalomant avec une certaine grâce entre les bâtiments et la foule paniquée cherchant à fuir l'inéluctable. Le ciel bleu avait pris une teinte grisâtre et une pluie volcanique s'abattait à présent sur la population hurlante. Le Sicilien à rayures ouvrit une gueule béante et cracha une nouvelle flamme qui vint frapper de plein fouet, un pauvre marchand de citrons et son étal. Le dragon de papier l'évita de justesse et bifurqua dans une rue plus étroite, sacrifiant une aile au passage. Le Sicilien retomba lourdement sur ses pattes et poussa un rugissement colérique, incapable de les suivre.


Virevoltant de manière désordonnée, le corps à moitié carbonisé et mutilé, le dragon de papier parvint, en puisant dans ses dernières ressources, jusqu'au rebord du tableau. Les quatre Gryffondor aperçurent le couloir et fermèrent les yeux, paniqués par l'inévitable impact qui ne tarderait pas à survenir. Le dragon fonça tête baissée dans la toile et se désintégra en accomplissant cet ultime effort.

Ils se retrouvèrent propulsés dans le couloir et se redressèrent en massant leurs corps couverts de cendres et aux membres endoloris. Charlie jeta un triste regard aux microscopiques morceaux de papier, seuls vestiges restant de son courageux petit dragon de papier. Sofia et Jonathan quant à eux, tentaient de reprendre leur souffle, allongés à même le sol ; Violet continuait de dormir et Hazel, sa baguette à la main, surveillait le tableau, guettant l'apparition d'un éventuel ennemi.


- Je crois que vous me devez quelques explications, jeunes gens.


Les quatre Gryffondor tournèrent la tête, en un mouvement parfaitement synchronisé : Dumbledore se dressait non loin d'eux et les fixait avec intérêt, les yeux pétillant de curiosité.


♠♠♠


Violet fut conduite à l'infirmerie et les quatre Gryffondor furent invités à se rendre dans le bureau du directeur. Le professeur McGonagall s'y trouvait déjà et les accueillit par un bien sombre regard. Dumbledore s'installa à son bureau et observa avec attention, les quatre compères debout face à lui, l'air penaud. Il caressa le bout de sa barbe et leur ordonna de tout lui raconter. Sofia osa prendre la parole et ne cacha rien de leur aventure au cœur de Pompéi. Charlie s'empressa de joindre sa voix à la sienne pour expliquer le tour de passe-passe imaginé par Hazel afin de les sortir de la caverne du Sicilien à rayures. Hazel ne prêtait qu'une oreille distraite au récit de Sofia, préférant observer les lieux. Le bureau lui paraissait beaucoup plus chaleureux que celui, entraperçu dans son rêve étrange, dont elle gardait un souvenir confus. Nulle tenture ne recouvrait les portraits, nul rideau ne voilait les fenêtres offrant une vue imprenable sur le terrain de Quidditch.


- Miss Evans, vous confirmez les dires de vos camarades ?

Hazel acquiesça avec lenteur.

- Bien, reprit Dumbledore, vous avez donc sauvé votre camarade en enfreignant les règles.


Honteux, les quatre Gryffondor baissèrent la tête. Jonathan se mit à renifler, incapable de retenir ses sanglots, craignant le renvoi. Sofia, Charlie et Hazel n'en menaient pas large et étaient terrifiés par la perspective d'un renvoi. Ils avaient agi de façon impulsive et auraient mieux fait d'informer leurs professeurs de leur découverte, plutôt que de s'aventurer dans le tableau.

- Professeur Dumbledore, intervint McGonagall, je crois qu'ils ont voulu bien faire...

- Vous plaidez la cause d'élèves ayant agi à l'encontre de mes ordres ? Voilà qui est étonnant de votre part, Minerva.

Les jeunes sorciers jetèrent un regard ébahi à leur directrice, celle-ci parut décontenancée par cette remarque et toussota afin de masquer sa gêne :

- Pour tout avouer, je pense leur retirer dix points à chacun et je m'arrangerai pour les mettre séparément en retenue jusqu'à la fin du mois... Si toutefois, cela vous convient...

- Bien, fort bien, l'approuva Dumbledore avec malice, quant à moi, j'attribue vingt points à nos jeunes détectives en herbe pour avoir sauvé leur camarade et pour ce magnifique dragon de papier. Il est parfois nécessaire de briser certaines règles..

.

Les quatre compères échangèrent un regard surpris, n'osant croire à leur bonne fortune. Hazel poussa un soupir soulagé, consciente d'avoir frôlé le pire. Jonathan eut un petit rire nerveux et la tension étreignant son corps disparut d'un coup. Dumbledore se leva, son air était redevenu des plus sérieux.

- Minerva, reconduisez Miss Mirwani et ces messieurs dans leur salle commune. Je dois avoir une petite discussion avec Miss Evans.


Hazel adressa un petit sourire qui se voulait rassurant à ses amis et les regarda sortir avec envie. Une fois la porte du bureau refermé, Dumbledore se mit à arpenter le bureau, les mains croisées derrière son dos. N'osant pas s'asseoir, Hazel se tenait debout au milieu de la pièce, guettant les pas pressés du directeur. Celui-ci s'arrêta face au personnage d'un portrait qui venait juste de faire son apparition.

- Rien à signaler, dit le personnage, un petit homme au nez pointu. La situation dans le tableau L'Eruption du Vésuve est revenue à la normale.

- Merci cher ami. Miss Evans, approchez.


La jeune sorcière se mit à côté du vieux sorcier. Celui-ci pointa un index vers l'un des portraits représentant un sorcier à l'air sinistre, un corbeau famélique posé sur son épaule droite. Hazel remarqua que le sorcier aux yeux sombres possédait le même menton qu'elle.

- J'ai ouï dire que vous aviez glané quelques informations sur la famille Black.

Hazel rougit, gênée. Dumbledore lui coula un regard rassurant.

- Vous êtes en droit de vous renseigner sur les membres de votre famille, après tout, vous possédez le même sang.

Le sorcier aux yeux sombres s'anima. Un rictus particulièrement antipathique se dessina sur ses lèvres étroites. Il se pencha en avant et observa Hazel avec un intérêt non dissimulé.

- Comme nombre de vos descendants, déclara le directeur en s'adressant au sorcier, Miss Evans a le chic pour se retrouver dans de bien fâcheuses situations.

Le personnage du portrait se contenta d'un vague grognement avant de leur tourner le dos, visiblement vexé par les propos du directeur.

- Hyde, demanda la jeune sorcière avec hésitation, possède-t-il réellement du sang Black ?

- C'est une question à laquelle je ne peux répondre, j'ignore tout de ses véritables origines. En revanche, je sais ce qu'il convoite : le fabuleux écrin de votre mère et surtout, ce qu'il contient, mais cela, vous le savez déjà... En revanche, je sens que de bien troubles pensées agitent votre esprit.


Hazel hocha la tête, prit une profonde inspiration et fit part de ses suspicions au professeur Dumbledore : elle lui raconta toutes les mesquineries de Jekyll et surtout, décrivit la tenue couverte de cendres de sa professeure, ainsi que le cours donné l'après-midi même. Elle lui avoua qu'elle soupçonnait Jekyll d'être de mèche avec Hyde et qu'elle lui permettait d'accéder à sa guise au château. Elle acheva son monologue, essoufflée. Dumbledore, sa main enserrant sa barbe, paraissait plongé en pleine réflexion.

- C'est curieux, en général, c'est le professeur Rogue qui est soupçonné de bien vilaines choses. Pas plus tard que la semaine dernière, deux jeunes élèves de Serdaigle sont venus me trouver, car ils pensaient que notre maître des potions était un vampire !

- Le professeur Rogue n'est pas un vampire, et contrairement à Jekyll...

- Le professeur Jekyll, la corrigea Dumbledore avec fermeté.

- Il n'a rien à voir avec cette histoire ! Le professeur Rogue est un homme intègre !


Le professeur Dumbledore en resta coi de stupeur ; Hazel sentit ses joues s'empourprer sous l'effet de la gêne. Elle devait bien être la seule élève de Poudlard à défendre l'honneur du sinistre occupant des cachots avec autant de conviction ! Le visage du directeur s'assombrit et sa voix prit un ton sévère que Hazel ne lui connaissait pas :

- Severus n'a pas tenu compte des conseils du professeur Flitwick en vous entraînant en cachette ; il devrait se contenter de diffuser son enseignement et ne pas s'occuper des cours de ses collègues. Quant à vous, Miss Evans, je vous prierai de rester à votre place d'élève. Vos professeurs sont en train de renforcer les protections magiques du château et chaque tableau sera examiné avec minutie.

Il posa sa main sur l'épaule de Hazel et la pressa avec force, comme s'il désirait graver ces mots dans son esprit afin qu'elle ne les oubliât pas :

- Je vous conseille fortement de vous tenir éloignée de Severus pour votre bien et le sien.


À cet instant, trois coups secs donnés contre la porte mit un terme prématuré à leur conversation. Un élégant sorcier, qu'Hazel avait déjà eu l'occasion de rencontrer sur le Chemin de Traverse, fit son apparition. Il portait une canne richement ciselée et cette fois-ci, n'était pas accompagné de son pauvre elfe de maison.

- Lucius, l'accueillit Dumbledore en se détachant de Hazel. Quelle surprise de vous voir ici !

Ses yeux trahissaient cependant son propos et il lança un regard dépourvu de chaleur à son visiteur indésirable. L'homme aux longs cheveux blonds s'avança d'un pas conquérant, tout en toisant le directeur avec arrogance.

- En tant que membre du conseil d'administration de cette école, je me dois de prendre des nouvelles de la petite Daisy.

- Violet, le corrigea Hazel d'un ton machinal.

Les yeux gris du sorcier s'abaissèrent jusqu'à elle. Il resserra ses doigts autour de sa canne et leva le nez en l'air, comme s'il se retrouvait confronté à une odeur particulièrement déplaisante.

- À qui ai-je l'honneur ?

- Miss Evans, répondit Dumbledore.

- Evans, chuchota le sorcier en la scrutant avec attention. Je comprends mieux pourquoi ce cher Severus est en train de faire les cent pas devant votre bureau.

Le directeur se rapprocha de Hazel, la protégeant de cet homme désagréable. Le geste du vieux sorcier n'échappa guère à l'invité du soir. Il prit appui sur sa canne et se redressa de toute sa hauteur.

- Hazel, reprit Dumbledore en la poussant vers la porte de son bureau. Mr. Malefoy et moi-même devons discuter, retournez à votre dortoir où une collation doit vous attendre.


Hazel présenta ses salutations aux deux sorciers et dévala les escaliers d'un pas lent, tout en laissant traîner une oreille afin de capter quelques bribes de leur discussion. Malefoy posait des questions sur la disparition de Violet, qu'il appelait à présent Tulipe, auxquelles Dumbledore répondait d'une voix poliment glaciale. Comprenant que les diverses questions s'entremêlant dans son esprit demeureraient sans réponse, refroidie par l'attitude du directeur, Hazel sortit du bureau et tomba nez à nez avec Rogue.

Celui-ci sursauta à son arrivée. Son visage était marqué par la fatigue et une ride soucieuse creusait son front pâle. Hazel, faisant fi de la mise en garde de Dumbledore, s'avança vers lui. Elle lui faisait confiance et n'avait nullement envie de tenir compte de l'avertissement mystérieux du vieux sorcier. Rogue s'approcha d'elle et ils se firent bientôt face. Un silence étrange et de multiples interrogations planaient au-dessus de leurs deux têtes.

- Vous avez encore agi de façon idiote, attaqua le maître des potions. Quand cesserez-vous de vous mettre en danger ?!

- Violet avait besoin d'aide ! se rebiffa la jeune fille. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ?

- Je ne sais pas, proposa-t-il d'un ton mordant, demander à vos professeurs de vous occuper de ce problème ?

- Et quel professeur ? Le professeur Jekyll ? Vous savez aussi bien que moi, qu'elle n'est pas digne de confiance !


Il n'approuva pas ses propos, mais ne les réfuta pas non plus. Comme à sa déplorable manie, il prit un masque indéchiffrable et demeura muré dans le silence. Hazel en avait plus qu'assez de cette attitude détachée ! Comme Dumbledore, il lui cachait des choses et elle se jura de lui tirer les vers du nez, quitte à se voir menacée de terribles sanctions si elle persistait dans son entêtement !

Elle s'écarta de quelques pas, bien décidée à le provoquer pour le faire parler. Elle esquissa ce sourire qui l'exaspérait tant et planta son regard dans le sien, le défiant de manière délibérée.

- Si ça se trouve, persifla-t-elle d'un ton cassant, vous êtes de mèche avec elle et Hyde. Certains camarades prétendent que vous êtes un ancien Mangemort...


L'attaque, qu'il n'avait sans doute pas prévue, l'atteignit de plein fouet. Hazel le vit blêmir et la rage envahit ses traits, enlaidissant son visage ingrat et lui conférant une allure encore plus effrayante. La jeune sorcière comprit qu'elle avait été trop loin dans ses insinuations et que la riposte risquerait d'être terrible... À sa grande stupeur, il la saisit par les épaules et la secoua avec force.

- Écoutez-moi bien, petite idiote ! cracha-t-il avec hargne. Mon rôle est de vous protéger, vous et votre imbécillité et je compte bien tenir ma promesse ! Cessez de fouiner partout et essayez de me rendre la tâche un peu plus facile !

- Me protéger ?


À cet instant-là, Hazel comprit. Hazel comprit qui était son mystérieux « sauveur » avec lequel, elle avait signé cet étrange pacte magique. Il se tenait face à elle, éructant de colère, tentant de lui faire entendre raison. Elle baissa la tête vers son cœur et vit scintiller, d'une faible lueur, le minuscule fil rouge s'étirant jusqu'à la poitrine du maître des potions. Ébahie, elle contemplait ce prodige d'un œil fasciné, n'osant toucher ce lien si ténu les reliant l'un à l'autre. Elle redressa la tête, prête à le bombarder de questions, quand une petite flèche en bois vint la frapper de plein fouet. Elle se recula, brisant le fil magique. Rogue se retourna d'un geste vif, armé de sa baguette. Peeves lévitait non loin d'eux, son arc tendu et un sourire mauvais s'étirant jusqu'aux oreilles.


- Serais-je tombé au mauvais moment ? ricana l'esprit frappeur. Je crois que ça risque bien d'intéresser ma bien-aimée.


Le maître des potions, prompt à réagir, ne lui permit pas de leur échapper. Une rafale de sorts s'abattit sur l'esprit frappeur : il perdit l'équilibre, se retrouva cloué au sol et une bulle en verre entoura sa figure démoniaque, le privant à la fois de la parole et de l'ouïe. Il se mit à hurler derrière son casque transparent, frappant le verre de grands coups furieux, tout en esquissant des gestes obscènes envers Rogue.


- Pourquoi ? s'enquit Hazel d'une voix tremblante. Pourquoi m'avez-vous caché la vérité? Pourquoi avez-vous accepté de conclure un tel pacte ? Pourquoi ?

Rogue, abaissant sa baguette, pivota vers elle. Son visage avait retrouvé son indifférence moqueuse, tellement insupportable.

- Pourquoi me demandez-vous ? Parce que je ne pouvais pas supporter la vue d'une petite morveuse pleurnicharde, traumatisée par le terrible sort ayant frappé son idiote de mère. Pourquoi n'ai-je rien dit ?

Il se rapprocha d'elle, l'enveloppant de son ombre menaçante. Un rictus s'esquissa sur son visage, lui conférant une allure malfaisante.

- Je compte bien rompre ce pacte stupide dès que Hyde se trouvera hors d'état de nuire. Ne vous méprenez pas Hazel Evans, mes actes envers votre misérable petite personne ne sont guidés que par une pitié bien ridicule. Rien d'autre.


La vérité crue, proférée de façon aussi implacable, la blessa d'une morsure aussi cruelle que les mensonges dont on l'abreuvait depuis son entrée dans le monde de la sorcellerie. Le coup de poignard ressenti quand elle avait découvert les mensonges de son père et la vérité sur les agissements passés de sa mère, lui semblait beaucoup moins profond que celui infligé par Rogue lui assénant ses quatre vérités à la figure. Elle avait l'impression que son cœur se fendillait en plusieurs morceaux, en répandant un liquide acide la dévorant jusqu'aux os. Elle se mordit les lèvres afin de ne pas exploser en sanglots et se mit à courir pour échapper aux paroles acerbes du maître des potions. Elle porta la main à son cœur et sentit le fil la reliant à son protecteur se tordre sous l'effet de la souffrance. La confiance qu'elle lui avait accordée venait de se briser sous le poids de la vérité dévoilée.


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