L'Ecrin des illusions

Chapitre 21 : La Treizième salle de bains

2912 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/03/2024 23:00

L'arrivée fut pour Hazel, aussi brutale que le décollage. Dumbledore l'aida à se relever et la jeune sorcière fut surprise par la poigne solide du vieil homme. Elle le remercia avant de resserrer son étreinte autour d'un Nobert demeuré silencieux. Une lumière s'avança vers eux et elle reconnut les silhouettes familières de McGonagall et de Rogue. La directrice de Gryffondor s'avança vers elle et l'enveloppa dans une cape élimée empestant la naphtaline.

- Evans, ma chère enfant... Comment allez-vous ?

- Je vais bien, professeur.

Norbert se manifesta en poussant des petits cris douloureux. Il leva sa tête blessée vers Hazel, l'implorant de son regard attristé.

- Norbert a besoin de soins, déclara la jeune fille. Je dois voir le professeur Brûlepot !

- Vous n'irez nulle part, Miss Evans, décréta Dumbledore. Pas ce soir, en tout cas.

- Mais...

- Bon sang ! intervint Rogue. Pour une fois, écoutez-nous !

Il ôta la vieille écharpe qu'il portait autour du cou et jeta un regard au Niffleur.

- Confiez-moi votre stupide animal.


Hazel déposa un baiser sur le crâne de Norbert et le tendit au maître des potions. Il emmitoufla la créature dans l'écharpe avant de la ramener contre sa poitrine. McGonagall posa une main protectrice sur l'épaule de son élève et sans un mot, l'entraîna vers le château. Hazel la suivit sans rechigner, mais avant d'en franchir les portes, elle se tourna vers la silhouette sombre et solitaire s'enfonçant dans le parc enneigé entourant Poudlard. Dumbledore se tourna avec lenteur vers elle et lui décrocha un rapide coup d'œil. Son regard, habituellement bienveillant, brillait d'une curieuse lueur qui mit Hazel fort mal à l'aise. Elle reporta son attention sur sa directrice de maison et laissa les portes se refermer sur elles.


Elles traversèrent les couloirs vides et trop calmes au goût de Hazel, même Peeves était aux abonnés absents et n'accueillit pas la jeune sorcière par une farce de son cru ! Les personnages des tableaux les observaient d'un œil paresseux, tout en s'accordant une dernière coupe de champagne ou de liqueur. La grosse dame eut bien du mal à regagner son propre tableau afin d'ouvrir la salle commune.


Un bon feu de cheminée avait été allumé et un pyjama était posé sur un fauteuil. McGonagall toussota pour s'éclaircir la voix :

- Vos affaires devraient arriver demain matin dès le premier hibou. Si vous avez le moindre problème, sachez que Miss Abbott saura vous prêter une oreille attentive. Hazel ... Vous avez vécu une bien douloureuse expérience, mais vous ne devez surtout pas vous isoler. Vos amis ont été prévenus et je suis persuadée qu'ils feront tout pour vous soutenir. Nous sommes également là pour vous, mes collègues et moi-même.

- Je sais, professeur, répondit Hazel. Je vous en remercie.


La sorcière parut rassurée par ces quelques mots. Elle lui souhaita de passer une nuit agréable avant de quitter la salle commune. Une fois seule, Hazel attrapa le pyjama et souleva la lourde tenture décorant le mur jouxtant la cheminée. Elle ouvrit la porte dissimulée par la tapisserie et se retrouva dans un petit couloir présentant deux portes identiques. Elle prit la porte de droite et se retrouva dans une première salle d'eau composée de nombreux lavabos, de quelques bancs en bois et d'une armoire à pharmacie. Au fond de la salle se dressaient treize nouvelles portes. Hazel parut hésiter et se décida pour la treizième porte. Elle se retrouva dans une petite salle de bains disposant d'un lavabo, d'un WC et d'une baignoire. Elle fut déçue : cette treizième salle de bain, dont s'accaparaient les filles les plus populaires de dernière année, était en tous points semblable aux autres salles de bain. Selon la rumeur circulant entre les filles de Gryffondor, une fée vivrait dans la robinetterie de cette salle de bain. Une fée capable de vous montrer des images de votre avenir... Sofia et elle, en entendant parler de cette légende, avaient imaginé une pièce luxueuse, regorgeant de richesses et pleine de mystères.


Elle s'assit sur le rebord de la baignoire, un sourire aux lèvres. Sofia lui manquait : elle appréciait Judy et passerait du bon temps en sa compagnie, mais elle partageait une véritable complicité avec sa meilleure amie et sa présence lui était devenue indispensable. Elle aurait tant de choses à raconter à ses amis lors de leur retour ! Elle leur montrerait l'écrin et leur demanderait de l'aider à percer son secret, ils lui enseigneraient sans doute quelques sorts pour combattre Hyde. Sofia, Seren et Jonathan excellaient en la matière !


Hyde. À ce nom, le cœur de la jeune sorcière se gonfla de haine. Elle redressa la tête et observa son reflet dans le miroir lui faisant face. Le sort infligé par ce redoutable adversaire lui avait laissé une cicatrice partant de sa tempe droite et serpentant jusqu'au coin de sa paupière. La jeune Auror avait arrêté le saignement, sans toutefois parvenir à effacer la marque infamante. Fol Œil lui avait assuré qu'elle ne souffrirait pas d'effets secondaires, Hyde s'était contenté de « la marquer de son empreinte ». Hazel eut un frisson en effleurant sa chair meurtrie. Elle n'était pas tellement soucieuse de son apparence, mais elle savait que cette cicatrice risquerait de lui attirer quelques regards inquisiteurs. Elle ramena ses cheveux en avant, de manière à la dissimuler.


Une fois déshabillée, elle s'enveloppa d'une épaisse serviette de bain, tourna le dos à son reflet et actionna le robinet de la baignoire. L'eau chaude, exhalant un léger parfum de rose, vint emplir la baignoire. Hazel fronça les narines. L'eau des autres salles de bains n'avait jamais eu une telle odeur ! Elle se pencha et examina l'eau claire. La vapeur lui piqua les yeux mais elle ne vit rien de suspect. Elle tendit un orteil et s'immergea finalement dans le bain. Hazel s'allongea dans l'eau chaude et se détendit peu à peu. Elle comprenait pourquoi, ses camarades plus âgées passaient autant de temps dans cette treizième salle de bains ! Cela n'avait sans doute rien à voir avec la présence d'une quelconque fée dotée d'un don divinatoire. Gagnée par une douce torpeur, elle ferma les yeux et sentit ses sens s'engourdir...


Un froid mordant la saisit. Hazel ouvrit les yeux et replia ses bras autour de ses épaules. Elle baissa les yeux et constata qu'elle était vêtue d'une vieille robe de sorcière noire et qu'elle était nu-pieds. Où se trouvait-elle donc ? Elle reconnut le couloir menant au bureau de Dumbledore. Comment avait-elle bien pu atterrir là !? Elle surprit alors, la curieuse odeur de rose mêlée de musc flottant tout autour d'elle. S'agissait-il d'un rêve ou venait-elle de faire la rencontre des pouvoirs de la fée du robinet ? Elle massa ses épaules transies de froid et s'avança d'un pas claudicant. Le château, plongé dans la pénombre, ne respirait pas la joie de vivre et les armures, contrairement à leur habitude, ne la saluèrent pas à son passage, comme figés dans la tristesse.

De plus en plus angoissée par l'atmosphère mortifère de Poudlard, Hazel accéléra le pas et tomba nez à nez avec Nick Quasi-sans-tête. Le fantôme de sa maison avait perdu son air débonnaire et le chagrin marquait ses traits. Elle voulut le saluer, mais le spectre passa à travers elle sans la voir. Hazel ne comprenait plus la nature de cette vision : allait-elle découvrir son avenir ? Son destin était-il lié à l'école de sorcellerie ? Cette perspective ne l'enchantait guère à cet instant. Elle tourna les talons, désireuse d'échapper à cette ambiance glaciale quand son regard fut attiré par une jeune élève de Serdaigle, qu'elle ne connaissait pas. La jeune fille arborait une curieuse paire de lunettes perchée sur ses cheveux blonds et un sourire amical. Elle lui adressa un petit signe de main avant de disparaître. Hazel voulut la rattraper mais une force invisible l'en empêcha. Elle eut un petit cri de surprise en voyant qu'un fil rougeoyant jaillissait de sa poitrine et s'étirait jusqu'à la partie du couloir plongée dans l'obscurité la plus profonde.


Guidée par son instinct, elle suivit ce fil, portant de temps en temps la main à son cœur soumis à de violents soubresauts. De confus sentiments et des émotions qu'elle ne sut nommer s'agitaient en elle ; toute une vie, devina-t-elle, faite de larmes et d'espoirs brisés. Ses pieds nus se blessaient contre le sol, mais elle continuait son avancée, le visage mouillé de larmes. Elle s'immobilisa devant la gargouille veillant sur l'entrée du bureau de Dumbledore, elle posa sa main, devenue une main d'adulte, sur la tête de la statue et poussa un cri : sa main droite, celle posée sur la gargouille, était amputée de deux doigts. Elle respira pour reprendre contenance et resserra son emprise autour de la tête de la gargouille, celle-ci lui ouvrit le passage et la laissa pénétrer dans le bureau du maître des lieux.


Une fois les escaliers en colimaçon gravis, Hazel poussa la porte de chêne entrouverte et entra sur la pointe des pieds dans la pièce. Les rideaux tirés conféraient une allure lugubre aux lieux. Hazel, toujours suivant le fil écarlate, s'avança en claquant des dents. Elle laissa son regard s'attarder quelques secondes sur les tableaux dissimulés derrière de lourdes tentures noires, comme si le propriétaire du bureau, - qu'elle n'imaginait pas être Dumbledore tant cette pièce était dépourvue de chaleur ! - , ne pouvait soutenir la vue des différents portraits ornant les murs. La cheminée, loin d'offrir le moindre réconfort, était éteinte et des cendres froides reposaient dans le foyer. Cette pièce faisait davantage penser à un tombeau qu'au bureau d'un directeur...


Le frôlement d'ailes invisibles contre sa joue lui fit relever la tête : face à l'étagère, située derrière le bureau aux pieds en forme de serre, se dressait une silhouette entièrement vêtue de noir. Elle tenait le Choixpeau entre ses mains pâles. Hazel, ne parvenant pas à distinguer les traits de l'individu, se rapprocha. Elle porta la main à sa poitrine et vit avec stupeur que du sang s'écoulait par gouttelettes du fil rouge. La silhouette esquissa un petit mouvement et la jeune sorcière vit que le fil ensanglanté la reliait au cœur de l'individu. Hazel éprouvait une souffrance sans nom et avait l'impression de marcher au bord d'un précipice ; son instinct lui conseillait de fuir, d'échapper à cette douleur lui brisant le cœur en morceaux en se détournant de l'ombre. Elle s'y refusait et, en dépit des blessures poignardant sa chair et son âme, elle se rapprocha encore davantage, si près, tellement près qu'il lui aurait suffi de quelques pas de plus pour découvrir les traits de l'ombre...


- Hazel Evans !

La jeune fille suffocante se redressa en crachant l'eau encombrant sa poitrine. Une odeur de rose fanée imprégnait ses lèvres, elle tenta de s'en débarrasser en les frottant avec force du bout des doigts. Elle écarta le rideau de cheveux humides masquant sa vue et aperçut une elfe de maison juchée sur le rebord de la baignoire. Hazel replia ses genoux autour de son menton pour réchauffer son corps frigorifié.

- Penny, bredouilla la créature larmoyante. Penny s'excuse ! Penny ne voulait pas troubler le bain de Hazel Evans !

La créature se saisit du savon traînant sur le rebord de la baignoire et s'en frappa violemment la tête, tout en proférant des menaces et des insultes. Horrifiée par le geste de la petite créature, Hazel lui arracha le savon des mains et le lança au fond de la baignoire. L'elfe de maison massa son crâne endolori.

- Hazel Evans est trop gentille ! Penny doit être punie pour son manque de savoir-vivre !

Hazel se dit qu'elle devrait interroger Charlie sur les elfes de maison afin de comprendre la réaction disproportionnée de la pauvre Penny.

- Que me voulez-vous ? s'enquit Hazel d'un ton doux pour ne pas terrifier la pauvre créature.

- J'ai un message de la part du professeur, répondit la petite elfe. Votre affreux petit monstre a été soigné et vous pourrez lui rendre visite dans deux jours, quand il sera totalement remis de ses blessures.

Ce charmant message, tout en délicatesse, ne pouvait émaner que d'un seul enseignant. Hazel esquissa un sourire amusé avant de se pétrifier. Elle eut un gémissement et porta la main à sa poitrine. Elle se mit à respirer avec difficulté, se rappelant de la souffrance endurée dans cet étrange songe. L'elfe de maison inquiète se pencha vers elle :

- Hazel Evans ?


La jeune sorcière retira la main de sa poitrine et son cœur retrouva un rythme normal. Elle voulut sortir de la baignoire, ses jambes se dérobèrent sous le poids de la fatigue. Penny la rattrapa, l'enveloppa dans une serviette et tout en l'asseyant par terre, la frictionna avec douceur. Une fois apaisée, Hazel remercia la petite créature et examina sa poitrine. Elle aperçut le minuscule point rouge situé au niveau de son cœur.

- Penny ? s'enquit la jeune sorcière. Tu crois qu'il s'agit d'un sort lancé par la fée du robinet ?

L'elfe de maison scruta le petit point avec attention.

- C'est une légende, je n'ai jamais vu cette fée. Personne ne l'a jamais vue... quant à ce point, Penny croit savoir de quoi, il s'agit... c'est une vieille magie du sang, une magie de protection. Mon maître, reprit la petite créature en frissonnant, connaissait ce type de magie et en a transmis le secret à son ami Dumbledore.

- Un sort de protection, dis-tu ?

Penny désigna le petit point rouge d'une main tremblante. Elle secoua la tête et confessa du bout des lèvres :

- Ce sort permet de lier deux sorciers l'un à l'autre... C'est un pacte de sang, un pacte qui ne peut se briser qu'à la mort de l'un des deux sorciers. Les deux sorciers sont liés l'un à l'autre et peuvent parfois échanger des souvenirs ou des pensées. Parfois, le lien peut être endormi pendant des années et se réveiller quand l'un des deux sorciers est en danger.


Hazel porta la main à son cœur malmené. Elle tenta de comprendre les différentes et choquantes informations se confondant dans son esprit. Elle se souvenait que trop bien des confidences de Morgan concernant son mystérieux « sauveur ». Sauveur qui, comme par hasard, l'avait confiée à Dumbledore. Le directeur de Poudlard avait-il, pour une obscure raison, créé un lien magique entre Hazel et le Mangemort ? Elle décrocha un regard à une Penny perdue dans ses pensées :

- Le lien s'est de nouveau manifesté, c'est ça que tu essayes de me faire comprendre, Penny ?

- Penny devrait mieux tenir sa langue, le professeur Dumbledore ne sait pas que Penny connaît le secret du lien magique.

- La personne qui est liée à moi est en vie, n'est-ce pas, Penny ? Sinon, le lien ne se serait pas réveillé !

La petite créature poussa un gémissement et plaqua ses mains contre sa bouche agitée de violents tremblements. L'elfe de maison paraissait à l'agonie. Prise de pitié et de culpabilité, Hazel cessa son interrogatoire. Une fois calmée, l'elfe de maison lui décrocha un regard reconnaissant et, avant de se volatiliser, confirma que le « sauveur » de Hazel veillait encore sur elle et qu'elle ne devait pas chercher à en savoir davantage.


Hazel, la main appuyée contre le mur, se releva avec difficulté et enfila son pyjama. Elle effleura le petit point rouge du bout des doigts. Cette découverte lui procurait de bien drôles de sensations, quelqu'un d'inconnu veillait sur elle et sans doute, lui viendrait en aide si Hyde se manifestait à nouveau. Cette pensée, bien qu'incongrue, la rassura. Ce Mangemort ne devait pas être si malfaisant puisqu'il avait accepté de la protéger !


Elle vida la baignoire et au fur et à mesure que disparaissait l'entêtant parfum de rose, le souvenir de sa vision s'estompa. Elle sortit de la treizième salle de bains en ayant oublié les images de ce Poudlard funèbre, ainsi que les souffrances endurées par son corps et son cœur meurtris. Elle ferma la porte en baillant, sans voir la petite fée à la mine soucieuse, assise sur le robinet de la baignoire.


Notes:

  1. La fée du robinet m'a été inspirée par la fée du robinet que l'on trouve dans Les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari. J'ai lu et relu les contes de Pierre Gripari quand j'étais enfant : La Sorcière du placard aux balais ("sorcière, sorcière, prends garde à ton...), La Paire de chaussures, Scoubidou la poupée... Que de bons souvenirs de lecture !

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