L'Ecrin des illusions

Chapitre 19 : Parenthèse enneigée (partie 1)

5152 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/03/2024 18:28

Petite note: bonjour , le chapitre étant atrocement long, j'ai décidé de le scinder en deux parties afin de vous rendre la lecture plus agréable. Encore désolée pour ce petit désagrément. Pour me faire pardonner, vous aurez droit en guest-star, à un personnage féminin que nous aimons tous pour son honnêteté et son talent d'auteur!

Petite recommandation musicale : afin de vous plonger dans l'ambiance des fêtes de fin d'année, je vous recommande la chanson Christmas is all around interprétée par Bill Nighy dans le film Love Actually.


Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture.


♤♤♤


Hazel avait perdu toute notion du temps, elle était restée sous sa couverture, sans en bouger, sans même répondre aux coups incessants donnés par son père contre la porte. Elle comptait bien rester au fond de son lit jusqu'à la reprise des cours ! Norbert quant à lui, avait ravagé l'antre de sa gardienne et s'était gavé des friandises dénichées au fond de sa valise. Pour faire passer ses crampes d'estomac, il avait croqué quelques pages du manuel de potions. Hazel resserra ses bras autour de la Chose. Rogue serait furieux et elle serait quitte pour récurer des fonds de chaudrons jusqu'à la fin de l'année scolaire !


Tout d'un coup, la serrure de la porte éclata en morceaux et la porte s'ouvrit sur une silhouette bien connue. Hazel rabattit sa couverture malodorante sur sa tête, bien décidée à ne pas quitter son cocon puant. Morgan pénétra dans la chambre, enferma Norbert dans la cage de Circé avant de se glisser aux côtés de la jeune fille. Le Niffleur s'égosillait à pure perte, tout en secouant les barreaux de la cage. Circé, perchée sur l'armoire, toisait la créature d'un œil railleur. Vaincu, le petit Niffleur s'enroula en boule et s'endormit.

- Ton père, commença Morgan, m'a appelé à la rescousse.

Morgan s'allongea sur le dos, mains croisées sous la nuque, yeux rivés au plafond. Hazel ne prononça pas un mot, se terrant dans un silence qu'elle jugeait salvateur.

- Je crois qu'il est temps de te raconter une histoire.

Hazel se boucha les oreilles. Elle en avait plus qu'assez, des adultes et de leurs sornettes ! Elle ne désirait qu'une chose : connaître la vérité et qu'on cesse de la bercer d'illusions ! Morgan pointa sa baguette contre sa gorge, amplifia le son de sa voix, obligeant Hazel à l'écouter malgré elle :

- Après être sortie de Poudlard, j'ai rejoint l'Ordre du Phénix, afin de lutter contre Tu-Sais-Qui. Je voulais être utile, je voulais garder un œil sur mon père qui avait aussi rejoint la résistance.

Sa voix se brisa sur un sanglot. Hazel, la tête toujours dissimulée sous la couverture, se tourna vers son ancienne nourrice. Même à travers l'épais tissu laineux, elle pouvait sentir toute la tension émanant du corps de son amie.

- Ce fut d'abord mon père, reprit Morgan dans un souffle précipité, puis l'homme que j'aimais, un Moldu...

Morgan fit face à Hazel.

- J'avais tout perdu et je n'avais qu'un désir : me venger du Mangemort ayant tué les deux hommes de ma vie, avant de les rejoindre. Dumbledore m'a alors chargé d'une mission : veiller sur une petite fille et sur son père.

Hazel abaissa la couverture avec lenteur, dévoilant son visage strié de larmes à sa nourrice. Morgan tendit la main vers elle et lui pinça le nez avec affection.

- Cette petite fille avait assisté aux terribles tortures infligées à sa mère. Elle était restée cachée dans un placard, toute une nuit. À l'aube, un jeune Mangemort qui avait assisté à toute cette scène, est revenu sur les lieux...

Hazel eut un frisson. Elle savait que ce souvenir aurait dû rejaillir dans son esprit, mais elle ne voyait qu'un écran noir.

- Un Mangemort ? osa-t-elle demander d'une voix enrouée. Qui ?

- Dumbledore seul sait, mais il a toujours refusé de me révéler son identité. Ce Mangemort t'a gardée avec lui, avant de te confier au directeur. Je ne connais pas la nature de leur échange. Quand je t'ai récupérée pour te ramener à Oliver, tu étais profondément endormie et tu souriais dans ton sommeil.

Les doigts de la sorcière effleurèrent avec tendresse les joues rebondies de sa petite protégée.

- Molly et moi-même avons tout expliqué à Oliver. Tu t'es réveillée vingt-quatre heures plus tard, sans te souvenir des quelques jours passés avec ta mère, cette mère que tu n'arrêtais pas de réclamer.

Le sourire de Morgan s'effaça, remplacé par un regard empli de larmes.

- Oliver te répétait qu'elle ne reviendrait pas, mais tu continuais de la chercher partout et tu pleurais chaque nuit... Une seule présence parvenait à te calmer : la Chose.

Hazel pressa sa fidèle peluche contre son cœur. Morgan jeta un regard au doudou élimé.

- C'est curieux, je viens de me rappeler d'un détail...

- Quoi donc ?

- Quand je t'ai récupérée, ta peluche avait la même odeur qu'aujourd'hui. C'est quoi ? Du chocolat ? De la praline ?

- De la noisette, expliqua Hazel. À Poudlard, j'ai pris une potion calmante qui avait le même goût.


Morgan se rapprocha de la jeune fille. Celle-ci se lova contre elle, la tête posée contre sa poitrine. Hazel frotta sa joue contre le tissu de la chemise bariolée de son amie et renifla le délicat parfum sucré, tellement plus rassurant que les odeurs chargées émanant des peaux de Jekyll ou de Mary ! La sorcière fit glisser ses doigts dans la frange poisseuse de sueur et tenta de lui redonner forme.

- Ton père voulait seulement te protéger, Hazel. Tu ne peux pas lui en vouloir d'avoir tenté de préserver ton enfance et ton intimité.

Morgan se saisit du visage de Hazel et la contempla avec attention.

- Tu es une Black et ton histoire aurait fait les choux gras de la presse magique ! Oliver et moi avons dû écarter bien des journalistes indélicats de l'Allée des cerisiers.

- Et cet homme, ce Mangemort, s'enquit Hazel. Qu'est-il devenu ?

- Je l'ignore. Peut-être a-t-il été tué par un Auror, emprisonné à Azkaban ou alors, Tu-Sais-Qui l'a assassiné. Les traîtres et les sensibles ne faisaient pas long feu dans ses rangs.

Hazel se recroquevilla contre Morgan. Elle ne connaîtrait probablement jamais l'identité de son « sauveur », mais elle espérait bien que, de là où il était, il recevrait le merci silencieux qu'elle lui adressa à cet instant.


Morgan et Hazel restèrent un long moment enlacées. La flamboyante sorcière se décida néanmoins à briser cet instant complice et bondit hors du lit. Hazel, toujours emmitouflée dans sa couverture malodorante se redressa sur un coude. Morgan ouvrit la fenêtre d'un geste vif, permettant à la pauvre Circé de se dégourdir les ailes. La petite chouette fit quelques vols planés avant de disparaître dans la brume londonienne. Le froid matinal vint piquer le visage de la jeune sorcière. Elle se mit à grelotter et resserra la couverture autour de son corps. Un grognement vint lui chatouiller l'estomac : elle devrait bien sortir pour se nourrir un tant soit peu ! Morgan résolut le problème à sa façon : elle pointa sa baguette vers Hazel et d'un sort exécuté avec habilité, lui fit quitter son nid. Hazel se retrouva étalée sur la moquette, enchevêtrée dans ses draps, la Chose posée sur son visage. Elle se débarrassa de la peluche, se releva et se retrouva face au carnage provoqué par Nobert : une grande partie de la tapisserie avait été déchirée à coups de griffes, le petit Niffleur avait fait un sort à son tapis et aux vêtements rangés dans son armoire. Il avait également redécoré la salle de bains à coups de dentifrice et de shampooing ; la valise, maculée de chocolat, avait été éventrée et les plumes déchiquetées gisaient à même le sol couvert d'encre et de parchemins rongés.


Morgan examinait les dégâts d'un œil critique. Elle se pencha et ramassa le pauvre manuel de potions amputé de plusieurs pages.

- Tu vas avoir de sérieux ennuis.

Le manuel de potions était le seul ayant subi les foudres de Norbert. Il avait épargné les autres livres, se contenant de les éparpiller aux quatre coins de la chambre. Hazel quitta sa couverture et se rapprocha du bienheureux endormi. Elle arrangea la mangeoire détachée par la petite créature.

- Ça ne sera pas la première fois, ni la dernière fois avec Rogue, murmura-t-elle en caressant le Niffleur.

- Hazel, voyons !

Elle se retourna vers son ancienne nourrice et esquissa une grimace que Rogue aurait sans doute désapprouvée ! Morgan, partagée entre l'amusement et l'agacement, mit fin à cette discussion. Elle leva sa baguette et d'un coup habile, rendit un aspect plus convenable à la chambre de sa protégée.

- Préparez-vous jeune fille, ordonna-t-elle en pointant sa baguette vers Hazel. Nous allons t'acheter un nouveau manuel de potions.

- Je n'ai pas envie de sortir, bougonna la jeune fille.

- Et louper le Chemin de Traverse à Noël ! Jamais de la vie ! Tu as dix minutes pour te préparer, pas une de plus !


Morgan s'éclipsa dans un courant d'air, sans oublier toutefois de réparer le verrou de la porte. Hazel se pencha vers la fenêtre et fut tentée d'enjamber le rebord, de descendre par la gouttière et de s'enfuir jusqu'à la gare. Elle referma la fenêtre, maudissant sa propre stupidité : comment pourrait-elle s'échapper, chargée de ses affaires, de la cage de Circé et de Norbert ? Son regard dévia jusqu'à sa baguette posée en évidence sur son bureau. Quant à user de la magie... elle risquait d'avoir de tels ennuis qu'à côté, toute une nuit passée dans le bureau de Rusard, suspendue par les pieds à une chaîne, serait une partie de plaisir ! S'avouant vaincue et comprenant que toute tentative de fuite était vouée à l'échec, Hazel se vêtit, réveilla Norbert et le glissa dans la poche de son manteau.

Elle descendit l'escalier sur la pointe des pieds et fut accueillie par une délicieuse odeur provenant de la cuisine. Son estomac la fit franchir le seuil de la pièce. Oliver s'activait devant les fourneaux, tout en écoutant une Morgan, perchée sur le plan de travail, commenter les informations moldues défilant sur le poste de télévision.


Hazel s'installa à table, prenant soin de se cacher derrière le paquet de céréales et découvrit un papier plié posé à côté de son bol. Elle le déplia, découvrant un dessin exécuté par son père : Norbert portant des petites cornes démoniaques. Hazel fut surprise par ce geste. Elle était persuadée que son père avait renoncé au dessin et avait jeté tout son matériel pour plaire à Mary, jugeant son passe-temps inutile. Ce dessin raviva bien des souvenirs : quand elle était petite, Oliver avait l'habitude de lui offrir des dessins à chaque étape importante de sa vie ou quand elle était chagrinée. Il ne lui avait pas donné de dessin lors de son départ pour Poudlard... la nostalgie laissa de nouveau place à un souffle de ressentiments. Elle chiffonna le dessin et le fourra dans sa poche, espérant bien que Norbert lui fasse subir le même que le manuel de potions ! S'il espérait l'acheter avec son gribouillage et une montagne de pancakes, il se trompait !


Alléché par l'odeur, Norbert sortit de sa poche et déroba une petite crêpe qu'il dévora par petits bouts, en poussant des cris ravis. Morgan pointa sa baguette vers la télévision pour l'éteindre. Oliver se retourna et Hazel fit mine de s'intéresser à ses ongles. Norbert continuait sa dégustation, sans se soucier de la tension régnant dans la cuisine.

- Où comptez-vous aller ? demanda Oliver d'une voix enrouée.

- Sur le Chemin de Traverse, expliqua Morgan avec précipitation. Hazel a besoin de nouvelles affaires et je pense qu'elle a envie de faire quelques emplettes.

La jeune sorcière se leva en faisant grincer sa chaise.

- On y va ?

- Mon chou, tu n'as rien mangé ! s'écria son ancienne nourrice. Tu...

- Je n'ai pas faim, répliqua la demoiselle en dardant son regard vers son père.

Elle attrapa Norbert et le fourra dans sa poche avant de quitter la cuisine. Elle entendit Morgan proposer à Oliver de les accompagner, mais ce dernier déclina l'offre, prétextant avoir du travail. Comme c'était étonnant, ironisa Hazel. Il avait du temps pour Mary, - d'ailleurs elle se demandait bien où était passée sa marâtre -, mais jamais pour elle ! Elle resserra son écharpe autour de son cou et sortit de la maison.


Une fois le portillon franchi, elle s'adossa contre la grille et observa les quelques passants s'aventurant dans la brume matinale. La veille, la neige était tombée en abondance et la rue terne avait revêtu son plus bel habit de fête. Hazel porta ses mains à ses lèvres, regrettant d'avoir oublié ses gants, elle souffla sur ses doigts engourdis pour les réchauffer. Oliver et Morgan arrivèrent à cet instant, Hazel fit mine de s'intéresser à la vieille dame promenant son immonde carlin. Son père, engoncé dans son costume élégant, s'approcha d'elle et lui tendit une paire de gants.

- Je pense que tu en auras besoin.

Hazel les lui arracha sans un remerciement. Oliver s'éloigna, tête basse. Morgan et lui échangèrent quelques paroles. La jeune sorcière jeta un regard au duo. Elle vit son amie tendre un papier au comptable avant de lui glisser quelques mots à l'oreille. Oliver secoua la tête, glissa le papier dans son attaché-case et partit. Hazel sentit son cœur se serrer à la vue de cette silhouette tassée, s'évanouissant dans le brouillard. La fillette sommeillant en elle avait envie de courir après ce père tant aimé pour se réfugier dans ses bras. Elle résista, serrant son poing dans sa poche. Son côté borné, lui prédisait Morgan, lui jouerait de bien vilains tours ! Hazel le savait, mais piquée dans son honneur, elle refusait cette fois-ci de rendre les armes, quitte à en souffrir...

Morgan revint vers elle, la mine déconfite.

- Les Moldus et le travail...

- Et toi ? demanda Hazel avec vivacité, afin d'oublier son père, tu es en vacances ?


La sorcière esquissa un sourire malicieux, dévoilant sa dentition imparfaite. Hazel avait appris, suite à la révélation concernant ses pouvoirs, que sa nourrice n'était pas seulement sa « nanny », mais qu'elle travaillait aussi au Ministère de la magie, au comité des inventions d'excuses à l'usage des Moldus. Un emploi plutôt tranquille, selon les propres mots de Morgan.

- Non, mais en cas de force majeure, j'ai le droit de quitter mon bureau. Petit privilège dû à Dumbledore.

- Dumbledore semble avoir le bras long, déclara Hazel en se frottant les mains.

- Dumbledore ferait un excellent ministre de la magie. J'ai toujours pensé qu'il en savait bien plus qu'il n'en laissait paraître...

Hazel acquiesça en silence. Lors de ses quelques rencontres avec le directeur de Poudlard, elle avait eu cette curieuse impression qu'il lisait en elle, devinant certaines de ses pensées les plus intimes. Maintenant qu'elle avait appris le rôle qu'il avait joué dans son passé, elle comprenait mieux cette sensation. Oserait-elle, un jour, lui demander l'identité de son « sauveur » ?


- Recule-toi, mon chou, fit Morgan en tirant sa baguette de sa poche.

Hazel s'exécuta. Morgan, après s'être assurée que nul Moldu ne se trouvait dans les parages, agita sa baguette en l'air, celle-ci émit une petite lumière violette. Un klaxon se fit entendre et une paire de phare se dessina dans le brouillard. La voiture débarqua dans un crissement de pneus aigu et s'arrêta sur le trottoir. Le taxi n'avait pas la couleur habituelle des taxis londoniens, mais possédait une belle couleur violette et la carrosserie était ornée d'un magnifique Abraxan argenté aux ailes déployées. La portière côté passager s'ouvrit, laissant échapper un chant de Noël de l'habitacle.

Taximagic à votre service ! C'est pas vrai... Morgan Prewett ! s'écria la conductrice, une jolie femme noire.

- Bonjour Bessie, répondit Morgan en s'engouffrant dans le taxi.

Hazel se glissa sur la banquette arrière et eut la surprise de voir que le taxi offrait un espace plus que spacieux et confortable ! Elle pouvait même allonger ses jambes sans toucher le siège de Morgan. La dénommée Bessie abaissa son pare-soleil, recouvert d'étranges boutons colorés.

- La demoiselle a faim ? A soif ?

- Euh, oui... répondit Hazel en répondant aux désirs de son ventre gargouillant.

Bessie pianota quelques notes sur son étrange objet. Une petite mélodie se fit entendre et un plateau sortit du dossier du siège passager, présentant un verre de lait chaud et une assiette de pâtisseries à la jeune fille affamée. Le véhicule démarra et le chant de Noël se fit plus ténu.


Tout en se gavant de gâteaux, Hazel suivait la conversation des deux femmes. Bessie, une amie d'enfance de Morgan, était la propriétaire de la compagnie de taxis magiques. Sa petite entreprise ne connaissait pas la crise et, bien au contraire, rencontrait un succès florissant.

- Comme quoi, s'esclaffa la jeune femme, même une Poufsouffle est capable de réaliser de belles choses ! J'ai dix employés à mon service et je viens d'embaucher un nouveau conducteur, un petit jeune prometteur, bien qu'un peu téméraire...

- Et ton autre projet ?

Hazel porta ses doigts à sa bouche et se mit à lécher le sucre collant à sa peau.

- Pour l'instant, c'est top secret ! Mais je compte bien développer ce nouveau concept d'ici quelques mois.

Elle jeta un regard amical au rétroviseur.

- Que penserais-tu de voyager en bus magique ?

- Ça serait génial, s'écria Hazel. Je déteste le balai volant !

Bessie esquissa une grimace compatissante.

- Moi de même. Tu es dans quelle maison, Hazel ?

- Gryffondor.

Bessie jeta un regard étonné à sa meilleure amie. Elle s'attendait sans doute, au vu de l'héritage maternel, qu'Hazel appartienne à une toute autre maison. Elle reprit contenance et reporta son attention sur la jeune sorcière :

- McGonagall enseigne toujours ? Et Binns ? Ses cours étaient à mourir d'ennui !

Hazel éclata de rire et confirma que les cours d'histoire, dispensés par le seul professeur fantôme de l'école, étaient toujours aussi mortels ; en revanche, quand elle nomma le maître des potions, elle vit le visage de Bessie se crisper.

- Dumbledore a vraiment nommé Severus Rogue, professeur ?!

- Rogue enseigne depuis deux ans, je crois...

- Severus Rogue... ce type doit être un modèle de bienveillance, ironisa Bessie. A-t-il réussi à mettre au point une potion pour dégraisser ses cheveux et blanchir ses dents ?

- Bessie, soupira une Morgan amusée.

- Quel odieux bonhomme ! Tu te rappelles comment il se pavanait avec Malefoy et toute la clique ? J'étais bien contente quand James Potter lui rabattait son caquet ! Tu te souviens de son surnom ? Servilus, cela lui allait comme un gant à lui et à son gros nez fouineur !

Les deux femmes échangèrent un regard complice et se mirent à pouffer de rire, telles deux adolescentes en train de jouer un mauvais tour à un enseignant. En voyant Morgan sourire, Hazel pouvait imaginer l'adolescente qu'elle fut et qu'elle n'avait jamais cessé d'être : espiègle, sympathique et dépourvue de toute méchanceté. Les deux amies se lancèrent dans une longue évocation de leurs meilleurs coups à Poudlard et de leurs maladresses dans certains cours. Hazel se lova sur la banquette arrière, bercée par leurs paroles, tandis que le taxi se faufilait sans difficulté entre les files de voitures embouteillées.

- Ah, soupira Bessie en évitant un poids-lourd de justesse, c'était la bonne époque ! Les cours, les copains... Sans compter que notre salle commune se trouvait juste à côté des cuisines ! Certains elfes de maison nous offraient de la nourriture en plus !

- Oui, déclara Morgan avec nostalgie, c'était le bon temps...


Bessie approuva son amie et régala Hazel de quelques anecdotes sur sa scolarité, elle confessa même son petit faible, en cinquième année, pour un certain Sirius Black. Elle n'était pas la seule à avoir succombé aux charmes de l'inaccessible Gryffondor et elle avait fait partie d'une cohorte de cœurs brisés quand sa lettre d'amour, la trentième d'une longue série, était demeurée sans réponse ! Bessie ponctua son aveu d'un rire moqueur envers elle-même, adolescente énamourée. Hazel n'avait aucun mal à imaginer toutes ces personnes : Morgan, Bessie, Sirius, Lily et James Potter comme des adolescents insouciants. Rogue, en revanche... il n'y avait aucune étincelle de jeunesse en lui, à croire qu'il était né adulte, déjà vêtu de son sinistre manteau noir. Haï par ses pairs lors de son adolescence, haï par ses élèves à l'heure actuelle, Hazel en viendrait presque à avoir pitié du triste sire ! Délaissant Bessie, Morgan et leurs souvenirs, la jeune sorcière laissa vagabonder ses pensées jusqu'aux cachots. Elle se souvint alors de cette tristesse lue sur son visage lorsqu'elle avait osé effleurer son Patronus. D'après Jonathan, certains Patronus pouvaient refléter les sentiments de leur créateur et en touchant celui de Rogue, Hazel aurait pu avoir accès à ses émotions. Quels secrets, cet indicible chagrin dissimulait-il ? Misty taquinait Hazel sur son intérêt pour Rogue, décrétant que son directeur de maison serait sans doute stupéfait d'être l'objet d'une telle fascination ! Hazel répondait par un grand éclat de rire pour masquer sa propre confusion et ses propres interrogations qui ne cessaient de la tarauder sur le lien mystérieux tissé entre elle et Rogue.


La voiture s'engagea dans une petite rue étroite. Hazel chassa ses questionnements de son esprit et appuya sa joue contre la vitre. Les piétons moldus emmitouflés dans leurs manteaux ne prêtaient aucune attention au taxi violet. Une vieille femme se retourna néanmoins, quand le taxi la frôla. Bessie ralentit à l'intersection, Hazel put observer les passants se promenant sous les flocons matinaux : un jeune couple, se tenant par la main, parcouraient la rue d'un air confiant, une jeune mère tirait par la main, un petit garçon aux longs cheveux noirs tandis qu'un livreur, chargé de paquets, virevoltait parmi la foule devenant de plus en plus dense. La morosité de Hazel s'envola et elle se décida à profiter de cette journée !


La voiture s'arrêta en douceur devant un pub bien connu. Hazel sourit en reconnaissant la devanture miteuse abritant Le Chaudron baveur. Elle descendit du taxi et se plaça près de Morgan, saluant Bessie par la portière restée ouverte, quand un autre taxi, tout aussi rutilant, lancé à toute vitesse, s'immobilisa en renversant une poubelle. La portière passagère s'ouvrit sur un Oliver au teint verdâtre. Il tituba sur quelques mètres avant de vomir dans la poubelle. Son attaché-case s'envola par la fenêtre et atterrit dans une flaque boueuse. Une voix juvénile se fit alors entendre :

- Ça f'ra dix Mornilles !

Morgan se tourna vers Bessie, paya la course avant de rejoindre le deuxième véhicule. Hazel salua la conductrice qui démarra dans une trombe enneigée et en donnant des coups de klaxon.


Hazel s'approcha de son père. Celui-ci épongeait son front moite de sueur à l'aide de sa cravate. Il fut saisi d'un nouveau haut-le-cœur et acheva de rendre son petit-déjeuner.

- Pa' ? s'enquit une Hazel plus qu'inquiète. Ça va ?

Elle posa sa main sur l'épaule tremblante et la massa avec affection. Oliver parut touché par ce simple geste. Il releva la tête de la poubelle et tenta de lui adresser son sourire le plus brave.

- Le voyage fut un peu rude, confessa Oliver en tentant de reprendre son souffle.

Le taxi repartit en trombe, arrachant un réverbère sur son passage, avant de s'engouffrer dans une ruelle étroite.

- La nouvelle recrue de Bessie ne manque pas d'allure, déclara Morgan en les rejoignant. Vous venez finalement avec nous, Oliver ?

- Et bien, si Hazel...

Il laissa sa phrase en suspens, guettant la réponse de son enfant. Hazel se mit à gratter le crâne de Norbert pour se donner du courage. Elle redressa le menton, osant fixer son père dans les yeux.

- Oui.

Oliver sourit.

- Mais ça ne veut pas dire que je t'ai pardonné.

Le sourire d'Oliver s'effaça. Hazel tourna les talons et entra dans le pub. Oliver, perdu, ne comprenant plus sa petite fille chérie, ne savait comment réagir. Morgan lui pressa l'épaule avec douceur.

- Tout finira par s'arranger.

- Je l'espère...

Morgan ramassa l'attaché-case humide et couvert de boue. Les documents qu'il contenait étaient mouillés et inexploitables.

- Voulez-vous que je vous le garde ?


Morgan ne se séparait jamais de son sac en tapisserie fleurie, capable de contenir bien des objets en dépit de sa taille ! Oliver observa sa serviette quelques secondes avant de se rapprocher de la sorcière, près, trop près... La pauvre Morgan sentit ses joues s'enflammer et elle se mit à bredouiller des suites de phrases sans queue ni tête. Oliver, un brin rougissant, détacha l'attaché-case des doigts de Morgan et avec lenteur, le plaça dans la poubelle. Ils se regardèrent, gênés, tels deux enfants pris en faute, avant de se décider à entrer dans le pub. Morgan voulut le laisser passer, Oliver voulut faire preuve de galanterie et tous deux se retrouvèrent coincés dans l' encadrure de la porte. Morgan se dégagea, sa poitrine frôla le torse d'Evans père. un même trouble les saisit et sans l'intervention d'un client pressé, désireux d'entrer, ils n'auraient jamais osé se détacher l'un de l'autre ! Incommodés, ils pénétrèrent dans le pub bruyant et retrouvèrent Hazel, patientant près de la porte menant à la petite cour intérieure. La jeune sorcière leur jeta un regard suspicieux, mais ne pipa mot : elle ne souhaitait pas se mêler des affaires des adultes, trop compliquées à comprendre !


Ils sortirent dans la courette et Morgan répéta l'opération exécutée quelques mois plus tôt. Sous le regard ébahi d'Oliver Evans, le chemin de Traverse se dévoila. En cette belle journée hivernale, la foule était dense et bariolée ; tout en marchant aux côtés des deux sorcières, Oliver ne cessait de jeter des coups d'œil curieux aux nombreux chapeaux pointus et autres capes colorées l'entourant. Hazel surveillant son père toute en discrétion : il observait tout, sans manifester aucune crainte, ni mouvement de dégoût. Un homme élégant, portant une canne splendide, les bouscula sans s'excuser. Il conversait ou plutôt houspillait une étrange créature aux longues oreilles.

- Dépêche-toi Dobby ! Nous devons trouver un quarantième cadeau pour Drago !

La pauvre créature obéit tant bien que mal, croulant sous le poids des paquets qu'il tenait entre les bras. Hazel eut pitié du pauvre elfe de maison marchant avec difficulté dans la neige épaisse, peinant à adapter son allure à celle de son maître.

- C'est incroyable, chuchota Oliver qui ne parvenait pas à quitter le duo du regard.

Craignant d'être impoli, il s'arracha à sa contemplation et suivit les deux femmes dans la première boutique désignée par Morgan : une boutique de confection nommée De fil en aiguille.


La petite boutique était pleine à craquer et Hazel eut bien du mal à se faufiler parmi les clients se disputant des manteaux et autres pulls chauds. Pour faire plaisir à Morgan, elle s'acheta un pull et s'aventura au fond de la boutique, beaucoup plus calme. Une paire d'aiguilles tricotaient une longue écharpe aux couleurs chamarrées. Hazel voulait offrir un cadeau à son ancienne nourrice et hésitait entre une écharpe et un foulard. Elle se pencha vers un bac et en tira une belle étole bleu nuit décorée d'étoiles représentant les différentes constellations. Le dessin des étoiles ne cessait de varier et Hazel trouvait que celle-ci siérait à merveille à Morgan. La jeune sorcière se mit à fouiner dans la pile de vêtements en solde et dénicha une paire de gants noirs, simples mais confortables. Prise d'une impulsion, Hazel prit les gants et les dissimula sous le foulard posé sur son bras. Alors qu'elle s'apprêtait à passer en caisse, un rire familier lui fit tourner la tête. Morgan s'amusait à passer de multiples étoles, dont une de renard bien vivant, autour du cou du pauvre Oliver. Le visage de celui-ci paraissait rajeuni et les soucis hantant ses yeux avaient disparu. Ses lunettes posées en équilibre sur son nez empâté lui conféraient un air ridicule. Hazel ne put réprimer un sourire quand elle vit Oliver, se prenant au jeu, passer une écharpe à pompons fredonnant des chants de Noël autour du cou de Morgan. La jeune sorcière remarqua alors le pull porté par son père : le vêtement, d'un vert hideux, représentait un elfe de maison arborant un bonnet rouge et doré. Hazel sentit une bouffée de tendresse l'envahir : c'est ainsi qu'elle l'aimait, son escogriffe de père, quand il ne se souciait pas de son apparence et profitait de son existence sans se poser de questions. Oliver releva la tête et adressa un signe de la main à sa fille. Hazel se contenta d'un vague signe de tête avant de se retourner vers la vendeuse. Elle paya ses achats et rejoignit Morgan, qui avait réussi à convaincre Oliver de la laisser lui offrir l'affreux pull.


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