L'Ecrin des illusions

Chapitre 13 : La Nuit des masques

4328 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/02/2024 14:34

Le petit groupe s'arrêta devant le bureau du professeur McGonagall. Seren fut prié de rester à l'extérieur, tandis que Hazel serait interrogée. La porte s'ouvrit sur une petite pièce dépourvue de frivolités mais néanmoins confortable. Seuls deux fauteuils, décorés d'un tissu écossais, offrait une petite touche de fantaisie.

- Prenez place, Miss Evans, ordonna la directrice de Gryffondor en conviant Hazel à s'installer près de la cheminée.

La jeune sorcière retira la cape et s'exécuta en silence. Rogue se tenait à ses côtés, une main posée fermement sur le dossier du fauteuil. McGonagall se plaça derrière son bureau, retira ses lunettes, massa ses paupières, avant de prendre la parole :

- Je vous écoute, Miss Evans.

- Si vous voulez mon avis, intervint Rogue, Evans a attiré Wilde dans un traquenard.

Il adressa un sourire mauvais à la Gryffondor.

- N'oublions pas que du sang Black coule dans ses veines ...

- Ainsi que du sang Evans, Severus, répliqua McGonagall avec douceur.

Rogue blêmit. Il détourna les yeux et se mit à fixer le mur avec intérêt.

- Professeur, commença Hazel, je n'ai pas ...


Sentant qu'il lui serait difficile de s'expliquer, elle prit une profonde inspiration, sortit la longue-vue de sa proche et la fit glisser vers la sorcière. Celle-ci l'attrapa du bout des doigts, intriguée. Hazel avoua qu'elle avait trouvé cet objet sur une goule et qu'elle l'avait remise au professeur Jekyll. Elle raconta ensuite, comment elle s'était retrouvée de nouveau en possession de l'objet. Elle confessa l'avoir démonté pour examiner son mécanisme, avant de s'en servir pour suivre le match de Quidditch. Les yeux baissés, elle osa évoquer la voix qui s'était emparée de son esprit quand elle avait regardé à travers la longue-vue.


Une fois son récit achevé, Hazel n'osa pas affronter le regard de McGonagall.

- Je suis désolée, je n'aurais jamais dû garder cette longue-vue et encore moins, m'en servir.


McGonagall retourna l'objet enchanté, tapota dessus avec sa baguette en murmurant des incantations. La lentille prit une teinte rougeoyante et se fendilla en un craquement sinistre. La longue-vue s'entrouvrit en son milieu, laissant échapper une fumée noire qui s'évapora en dessinant une arabesque. Hazel ne put retenir un cri de surprise : Jonathan avait deviné juste ! La longue-vue était bien ensorcelée et avec leurs petits pouvoirs de premières années, ils n'avaient pas été capable de déceler le piège !

- Une voix, dites-vous ... Qu'en pensez-vous, Severus ?

Elle referma la longue-vue et la tendit à son collègue. Celui-ci l'examina avec attention.

- Un sort d'hypnose particulièrement vicieux ... A quoi ressemblait cette voix, Miss Evans ?

- C'était une voix d'homme, professeur.

- Vous ne vous êtes pas rendue coupable de vol, Evans, déclara Rogue.

Il déposa la longue-vue sur le bureau et montra le sceau, en forme de fleur, gravé près de la lentille.

- Votre mère avait l'orgueilleuse manie d'orner ses artefacts d'un dahlia.

- Un objet issu de la collection de Dahlia Black ?! s'écria McGonagall. Comment est-il arrivé là ?!

- Bonne question, chuchota Rogue. Nous devrions avertir Dumbledore dès son retour ...

Il se plaça face à Hazel et s'accroupit afin de se retrouver à sa hauteur. Hazel fut surprise de le voir aussi calme, presque attentif et ne manifestant plus aucune colère à son encontre.

- Evans, répondez-moi avec honnêteté. Avez-vous déjà entendu cette voix auparavant ?

Hazel déglutit. Elle aurait bien voulu lui cacher la vérité, mais Rogue semblait lire en elle comme dans un livre ouvert.

- Oui, professeur, avoua-t-elle. Lors du premier cours avec le professeur Jekyll, quand l'Epouvantard est apparu, j'ai cru entendre une voix. Cette voix.


Elle eut un frisson, elle crut voir la main droite de Rogue esquisser un geste vers la sienne avant de se contenir. Son regard rencontra celui de son professeur et elle le vit pâlir à nouveau, comme s'il se retrouvait face à un fantôme. Le temps fut comme suspendu et rien ne comptait à présent, mis à part cet échange muet entre eux.


- Severus, intervint McGonagall, rompant le lien s'était tissé entre eux, le directeur ne devrait pas tarder à revenir.

Rogue secoua la tête, retrouvant son masque de froideur et se releva avec lenteur. Il se saisit de la longue-vue et la fit disparaître.

- Wilde et vous serez mis en retenue pour avoir quitté le match sans autorisation. Je crois qu'une petite soirée passée en compagnie de Hagrid vous serait plus que profitable.

- Je ne peux qu'approuver vos propos, Severus. Miss Evans, je me vois également contrainte de retirer vingt points à Gryffondor pour avoir dissimulé cette longue-vue. Que cela vous serve de leçon à l'avenir : certains objets magiques peuvent se révéler dangereux.


Rogue émit un reniflement méprisant. McGonagall s'approcha de Hazel, lui frôla l'épaule de sa baguette et ses vêtements séchèrent instantanément.

- Rejoignez la Grande Salle, le dîner de Halloween vous attend.

- Et pour Seren ? s'enquit Hazel en se levant.

- Wilde devra également répondre de ses actes, lui répondit Rogue d'un ton n'admettant plus aucune réplique.


Hazel salua les deux professeurs du bout des lèvres avant de quitter le bureau de sa directrice. Elle échangea un regard avec Seren Wilde qui fut à son tour convoqué. Elle s'avança de quelques pas, avant de rebrousser chemin, décidant d'attendre le Serpentard. Un rot sonore retentit dans les airs et la face malicieuse de Peeves se dessina devant elle. L'esprit frappeur abordait un ensemble orange et noir des plus hideux.

- Pas de renvoi, Evans ?

- Non, pas pour le moment, répliqua Hazel.

- Dommage, j'aime les renvois, déclara Peeves en se mettant à vomir.

- Tu es écœurant !

Hazel s'écarta, désirant échapper à l'esprit frappeur, mais celui-ci la suivit et ne comptait pas la lâcher de sitôt ! Il se plaça de nouveau face à elle, le regard pétillant de malfaisance.

- C'est aussi le sentiment que tu inspires à cette gargouille graisseuse de Rogue : du dégoût.

Peeves fut saisi d'un nouveau haut-le-coeur et vomit sur le sol. Il se redressa, l'air très satisfaisait, des traces de vomissure coulant le long de ses lèvres.

- Il a toujours détesté Sirius Black, lui cracha-t-il à la figure, et maintenant, c'est toi qu'il déteste.

Hazel essuya avec dégoût les postillons de l'esprit frappeur. Elle n'avait pas la patience d'écouter ses élucubrations et d'assister à ses démonstrations obscènes. Rogue avait tenté, lui semblait-il, de l'écouter pour une fois. Elle fit mine de s'intéresser aux fissures du plafond, espérant que son silence lasserait l'esprit frappeur.

- Crois-moi Evans, reprit Peeves , Rogue fera tout pour te renvoyer de Poudlard !

Elle ne sut résister à la curiosité :

- Pourquoi me détesterait-il ? Il m'a déjà aidée !

- Tu n'as pas encore compris, Hazel Evans ? Peeves lui sait. Il sait que le professeur Rogue ignore comment se comporter avec la cousine de Sirius Black et de Lily Evans.

- Et tu comptais lui filer un petit coup de main en glissant cette longue-vue dans mon sac, pas vrai Peeves ?

Hazel se saisit de la cravate de l'esprit frappeur et l'attira vers elle. Peeves, surpris par la rapidité de son attaque, se mit à déglutir avec difficulté.

- Tu savais que cette longue-vue était ensorcelée et qu'elle appartenait à ma mère ! Avoue !

- Peeves ... Peeves, souffla-t-il d'une voix étouffée, ne trahit jamais ses amis.


L'esprit frappeur disparut, dans un nuage de fumée nauséabond. La porte du bureau s'ouvrit sur un Seren à la mine défaite. McGonagall lança un regard étonné à son élève.

- Que faites-vous là, Miss Evans ? Vous devriez déjà vous trouver dans la Grande Salle.

- Je voulais attendre Wi ... Seren.

Les directeurs de leurs maisons respectives échangèrent un regard étonné. Seren lui-même paraissait stupéfait par cette attention.

- Bien, commença McGonagall d'une voix hésitante. Ne traînez pas dans les couloirs et soyez prudents. Le professeur Rogue et moi-même devons régler quelques détails concernant votre retenue.


La porte se referma, laissant le champ libre aux deux ennemis. Ils s'éloignèrent, n'osant échanger la moindre parole. Seren fut le premier à rompre le silence. Il sortit la baguette de Hazel et la lui donna avec une voix tremblante :

- Tiens, je ne l'ai pas utilisée ... je ne voulais pas ... enfin ...

Hazel s'en saisit et la rangea. En prenant sa baguette, Seren lui avait rendu un immense service : qui sait de quoi elle aurait été capable, influencée par cette voix hypnotique.

- Ils ont dit que tu avais été ensorcelée, murmura Wilde en passant une main nerveuse dans ses cheveux. Je leur ai tout avoué ... Rogue a cette façon très particulière de parvenir à vous faire parler. À croire qu'il est capable de lire dans vos pensées !

Hazel s'immobilisa, Seren se tourna vers elle.

- Ce n'est pas de ta faute, s'empressa-t-il de la rassurer. Je sais de quoi est capable la magie noire ... Tu m'as quand même foutu une sacrée trouille, Hazel !

- Heureusement que tu es doué en sortilèges. J'aurais pu te tuer !

- N'oublie pas je suis un Wilde, répliqua le Serpentard d'un ton crâneur. Il en faut bien plus pour m'éliminer !


Pour la première fois depuis leur rencontre, ils échangèrent un sourire qui n'avait rien d'hostile. Hazel lui raconta alors comment l'objet était entré en sa possession, elle lui rapporta également tout de sa mésaventure et de sa dernière discussion avec Peeves. Elle avoua qu'elle ne savait jamais sur quel pied danser avec Rogue. Le jeune Serpentard lui conseilla de faire abstraction des propos acerbes du redoutable professeur. Il lui confia que Rogue n'était pas toujours tendre avec lui, vilipendant son esprit lent et sa fâcheuse manie à s'attirer les foudres de ses collègues.


Embarqués dans une longue discussion, leur marche jusqu'à la Grande Salle leur parut bien courte

- On leur dit quoi ? demanda Seren en lui adressant un clin d'oeil complice.

- Que nous nous sommes affronté en duel ? proposa Hazel avec malice.

- Et que je t'ai bien évidemment battu.


En guise de réponse, la jeune sorcière poussa un cri indigné et lui offrit une bourrade amicale. Seren en resta coi d'étonnement. Hazel le bouscula d'un coup de hanche et ouvrit la porte de la Grande Salle. Une bonne odeur de nourriture vint chatouiller leurs papilles, éveillant leur appétit. Ils pénétrèrent dans la salle animée : les professeurs s'étant lancés à la poursuite du Mangemort se trouvaient déjà à leur table. Jekyll paradait et riait à gorge déployée, servie par un Brûlepot et un Flitwick aux petits soins pour elle. Rusard quant à lui, ruminait dans son coin, en dévorant un morceau de tarte à la citrouille. Les deux retardataires devinrent bientôt le centre de l'attention générale et ils jugèrent plus prudent de gagner leur table en catimini. Ils se saluèrent une dernière fois avant de rejoindre leurs amis.


À peine eut-elle posé son fessier sur la chaise, que Hazel se retrouva assaillie de questions. L'une des nombreuses amies de Bill se tourna vers elle :

- C'est vrai que tu t'es battue conte un Mangemort, Evans ?!

La jeune sorcière se servit un verre de jus de citrouille avant de répondre :

- Pas vraiment ...

Poussée par ses amis et les camarades les entourant, Hazel leur rapporta les derniers événements, prenant un certain plaisir à maintenir le suspens et en mettant tout en œuvre pour captiver son auditoire. Elle tendit l'oreille et s'aperçut que Seren faisait de même et, comme elle, il n'hésitait pas à se donner le bon rôle.

- En résumé, conclut Jonathan. J'avais bien raison : cet objet de malheur était bel et bien ensorcelé.

- Par qui ? Là est la question, déclara Sofia en picorant des petits-fours en forme de squelettes.

- Un coup de Black ? proposa Charlie.

- Black ? répliqua son aîné, Black croupit au fond d'une cellule!

- Il a pu très bien communiquer avec le Mangemort et élaborer son plan.

- Quand même, souffla Sofia, ensorceler un tableau demande un certain pouvoir ! Il n'a pas pu le faire à distance !

- Je sais ! s'écria Charlie. Black a révélé à Carew où était cachée la longue-vue, il lui demande de l'introduire dans l'école, d'ensorceler le tableau et de mettre la main sur Hazel !

- Ton plan est quand même sacrément tordu, répliqua Jonathan, et un peu trop complexe.

- Qu'est-ce qu'il te voulait ? demanda Sofia en se retournant vers son amie.

- Le coffret à bijoux de ma mère...

La jeune sorcière se mit à couper sa part de gâteau au potiron avec minutie avant de poursuivre :

- Je ne vois pas ce qu'il pourrait en faire.

Jonathan se pencha vers Charlie et Bill.

- Et pour ce Mangemort ? S'ils lui mettent la main dessus ?

Les deux frères échangèrent un regard entendu :

- C'est Azkaban direct, sans passer par la case procès, avec en prime, le baiser du Détraqueur.

- Le baiser du quoi ?


La réponse de Bill Weasley se perdit dans le grand éclat de rire du professeur Jekyll. Toutes les têtes se tournèrent vers la table des professeurs. Elle venait de découvrir une surprise dans sa part de tarte à la citrouille et comme à son habitude, manifestait sa joie à grands renforts de cris et de sourires charmeurs. Hazel s'aperçut alors que le professeur McGonagall avait rejoint ses collègues ; Rogue quant à lui, brillait par son absence. Elle vit sa directrice lever les yeux au ciel face au spectacle produit par sa jeune collègue. Elle se pencha vers le professeur Sinistra avec qui, elle échangea quelques mots. La professeure d'astronomie esquissa un triste sourire et lui pressa la main avec affection. Leur tristesse avait-elle quelque chose à voir avec l'absence du professeur Rogue ? Pourquoi ne se trouvait-il pas avec eux, en ce festin de Halloween ?


- Il y a deux ans, déclara l'amie de Bill, on a eu droit à un feu d'artifice près du Lac Noir. Faut dire qu'on célébrait le premier anniversaire de la mort de Vous-Savez-Qui !

- J'ai jamais compris pourquoi, grogna l'un de ses camarades. Certes, il est mort, mais je n'arrive pas à me sortir de la tête que ce même jour, Harry Potter a perdu ses parents.

Hazel sursauta. Son père, bien que proche de Lily dans son enfance et aimant à évoquer son souvenir, refusait toute mention de son décès. Cette nouvelle discussion jeta un froid sur le petit groupe. Sofia se mit à plier sa serviette avec nervosité.

- James et Lily Potter sont morts le jour de Halloween ?


Charlie et Bill confirmèrent d'un petit signe de tête. Hazel baissa les yeux vers son assiette à présent vide . Une soudaine tristesse l'envahit. Le jeune couple avait l'air si heureux sur la photographie remise par Jekyll, combien leur mort lui paraissait injuste alors qu'ils avaient toute leur vie devant eux et une famille à construire! Combien de familles avaient été victimes de cette guerre dont les Moldus avaient été tenus à l'écart ? Une bouffée de colère la saisit à l'encontre de Carew. Elle espérait bien qu'on lui mette la main dessus et qu'on l'enferme pour de bon, dans la même cellule que Sirius Black, l'assassin de sa mère.


Le repas se termina dans une ambiance pesante, chacun ruminant de bien sombres pensées. Après tout, cela ne faisait que trois ans que le sinistre Voldemort avait tiré sa révérence, éliminé par un tout petit enfant. L'irruption du Mangemort dans Poudlard avait ravivé bon nombre de douloureux souvenirs. Le professeur McGonagall se leva et après les dernières recommandations d'usage, demanda à chaque préfet et préfète de s'assurer que les élèves regagnaient bien leurs salles communes.


Le quatuor se rassembla avec leurs camarades. Bill ralentit la marche, il était accompagné de ses deux amis et donna un coup de coude à son cadet.

- Dites, ça vous dirait une petite escapade nocturne ?

Charlie baissa la voix :

- Tu n'as pas entendu McGonagall ?!

- Allez, frérot ! Juste une petite heure. Je crois qu'on en a besoin.


Bill lança un regard à la préfète et, conviant ses amis à faire de même, quitta le groupe et se volatilisa au détour d'un couloir. Jonathan émit des sons incompréhensibles, interloqué par ce mouvement de rébellion. Charlie l'imita, bien décidé à ne pas passer pour une poule mouillée auprès de son aîné. Hazel quant à elle, n'avait pas envie de se coucher et comptait bien profiter de la proposition de Bill Weasley. Elle suivit Charlie et fut bientôt rejointe par Sofia. Jonathan se résolut à participer à cette excursion et, tout en marmonnant qu'ils allaient recevoir la sanction de leur vie, s'empressa d'accompagner ses amis.


Ils se rendirent dans la cour et s'assirent près de la fontaine. Bill et ses deux amis avaient déposé des friandises devant eux. La vue des sucreries suffit à apaiser les récriminations de Jonathan. Bill avait même réussi à subtiliser une bouteille de jus de citrouille qui passa de main en main. Ils commencèrent à bavarder, échangeant quelques plaisanteries et en se gavant de bonbons. Charlie et Bill se montraient particulièrement intéressés par les festivités de Halloween chez les Moldus.

- Déguisés en sorciers et en sorcières ?! s'écria Charlie avec indignation. Par Merlin, nous ne sommes pas des créatures diaboliques !


Jonathan éclata de rire, suivi par les autres Gryffondor. Le ventre rempli de sucreries et l'esprit allégé, Hazel s'allongea sur les pavés et se mit à contempler la lune, particulièrement brillante cette nuit-là. Bill avait raison : cette petite escapade, après cette journée mouvementée et ce repas terminé dans la mélancolie, lui faisait le plus grand bien. Elle ferma les yeux et passa sa langue sur ses lèvres. Comble de joie, la dernière dragée de Bertie Crochu avalée avait un savoureux goût de noisette, ce parfum qui la réconfortait tant.


Une soudaine agitation s'empara subitement du petit groupe. Hazel se redressa, Bill leur fit signe de se taire et invita ses complices à se cacher. Bill et ses amis s'éclipsèrent de la cour, mais le quatuor n'eut pas le temps de fuir et dut se dissimuler derrière la fontaine. Accroupis, priant de toutes leurs forces pour ne pas être repérés, les jeunes Gryffondor espéraient un miracle pour se sortir de cette situation périlleuse : Rogue venait de faire son apparition dans la cour et se dirigeait vers la fontaine. Son visage, baigné par la lumière nocturne, était fissuré par une insondable tristesse.


- Estimé collègue, votre absence a été plus que remarquée au cours de notre petit festin !


Les quatre amis échangèrent un regard horrifié : ne manquait plus que Jekyll pour compléter le tableau ! Visiblement sous l'emprise d'un abus d'hydromel, elle s'avança vers lui, titubant sur ses talons claquant avec fougue sur les pavés. Elle fit mine de trébucher et se retint au professeur Rogue. Leurs reflets se dessinaient à présent dans l'eau miroitante de la fontaine. Jekyll eut un petit rire provocateur et posa sa tête contre l'épaule de Rogue, qui s'empressa d'échapper à son étreinte. Les jeunes Gryffondor étaient partagés entre rire et gêne, comme s'ils assistaient à une scène intime.

- Vos charmes illusoires n'ont aucun effet sur moi ...

Jekyll se redressa et défit les premiers boutons de sa chemise à jabot.

- Vous êtes tellement déplaisant ! minauda-t-elle en retrouvant son petit ton horripilant.

- Vous pouvez berner bien des idiots, mais moi, je sais ce que vous cachez.


Hydra Jekyll se hissa sur la pointe des pieds, approchant son visage de celui de Rogue. Elle se mit à jouer avec les rubis composant sa parure. Les quatre compères échangèrent un regard étonné : le reflet de Jekyll leur offrait une image bien différente de celle qu'ils connaissaient : ses cheveux roux descendaient à présent jusqu'au creux de ses reins. Son visage était à présent caché par son abondante chevelure. Rogue se rapprocha, comme envoûté par cette nouvelle apparence.

- C'est tellement amusant, murmura Jekyll en portant sa main vers le visage de son adversaire, de vous voir vous débattre avec vos propres contradictions.

- Plaît-il ?

- Quand vous la regardez, reprit-elle en lui caressant la joue, à qui pensez-vous ? À la femme qui vous manque ou à l'homme que vous détestez ?


La confusion se peignit sur les traits de Rogue. Jekyll en profita pour se serrer contre lui et cette fois-ci, le maître des potions ne se déroba pas à son emprise. Charlie poussa un petit cri surpris, à peine perceptible, avant de masquer ses yeux de ses mains, bientôt imités par Sofia et Jonathan. Hazel quant à elle, fascinée par cet étrange ballet esquissé entre les deux ennemis, ne parvenait pas à détacher son regard de leur étreinte.


Une ombre se dessina auprès de Hazel. Peeves, comme à son habitude, venait d'apparaître sans se faire annoncer. Il s'éleva au-dessus de leurs têtes, la bouche ouverte, voulant sans doute attirer l'attention des deux professeurs sur les quatre compères. Son sourire moqueur se mua en une grimace de dégoût. Son visage vira au rouge et il ne semblait guère apprécier la trop grande proximité entre les deux professeurs.

- Le professeur Jekyll est la bien-aimée de Peeves ! grogna-t-il d'un ton jaloux. Elle n'a rien à faire avec une chauve-souris aux cheveux gras !


Sous le regard terrifié et impuissant de Hazel, l'esprit frappeur se saisit d'une petite pierre se trouvant à sa portée et, sans la moindre hésitation, la lança sur le professeur Rogue. Celui-ci s'écarta avec précipitation et parut retrouver ses esprits. Jekyll retrouva sa coiffure habituelle. Elle scruta la cour et décrocha un regard furieux à l'esprit, ce dernier fondit en larmes, avant de disparaître en se lamentant sur la cruauté des femmes. Rogue s'éclipsa à son tour, laissant une Jekyll seule, au milieu de la cour. Elle esquissa un sourire, frôla son collier du bout des doigts et s'éloigna.


Encore sonnés par ce curieux échange, les quatre compères attendirent de longues minutes avant de se décider à se relever. Ils se mirent à courir et regagnèrent leur salle commune. La grosse dame les houspilla pour leur retard, mais accepta de les laisser entrer. Bill poussa un soupir de soulagement en les voyant arriver.

- Je croyais que vous aviez été attrapés. Vous êtes sûrs que tout va bien ?

Charlie lui conta avec indignation, la scène « écœurante » à laquelle ils avaient assisté. Bill accueillit les propos de son cadet avec un sourire oscillant entre amusement et bienveillance.

- Crois-moi sur parole frérot, bientôt tu ne trouveras plus cela « dégoûtant » et au contraire, ça t'intéressera grandement.

- M'intéresser ?! s'étrangla Charlie. Il n'y a que les dragons qui m'intéressent !


Bill lui donna une bourrade affectueuse avant de conseiller au quatuor d'oublier toute cette histoire et surtout, de ne pas l'ébruiter, s'ils tenaient à ne pas être écorchés vifs par Rogue. Ils se séparèrent et les deux filles montèrent dans leur dortoir. Leurs trois camarades dormaient déjà et elles se dépêchèrent de se mettre en pyjama en faisant le moins de bruit possible. Sofia souhaita une bonne nuit à son amie avant de se coucher.


Bientôt, ses ronflements indiquèrent à Hazel qu'elle s'était assoupie pour de bon. La jeune sorcière se saisit de sa baguette, en illumina le bout et ouvrit le tiroir de sa table de chevet. Elle sortit l'écrin de sa cachette et l'examina à nouveau. Visiblement ravi d'être tiré de l'ombre, le coffret déploya sa langue et vint lui lécher les doigts. Elle tenta à nouveau de l'ouvrir à l'aide de sa baguette, mais les aboiements furieux de l'écrin la dissuadèrent de poursuivre ses investigations. Elle le gratifia d'une dernière caresse avant de le ramasser.


Elle appuya sa tête contre son oreiller, ses belles résolutions venaient de voler en éclats car de nouvelles questions se battaient dans son esprit. Les yeux clos, la Chose entre les bras, elle tenta de faire un tri dans les dernières informations dont elle disposait : Sirius Black convoitait l'écrin de sa mère, il s'était pour cela assuré de l'aide d'un Mangemort qui était parvenu à s'introduire dans l'école. Hazel ferma les yeux. Tant de pièces manquaient dans ce curieux puzzle, sans compter celles qu'elle ne parvenait pas à assembler : pourquoi Jekyll s' intéressait-elle à son coffret ? Quel rôle semblait jouer Rogue dans cette histoire ? Il ne l'aimait pas mais il avait cette curieuse attitude protectrice envers elle. Quand il montrait cette facette de sa personnalité, elle se sentait rassurée en sa présence. Son comportement était-il lié à Lily Evans ? Avait-il essayé de sauver sa cousine de son triste sort ? Avait-il une dette envers elle ? En proie aux doutes, Hazel parvint enfin à s'endormir, d'un sommeil alourdi par l'abus de sucreries et de rêves confus.


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