Dollhouse

Chapitre 25 : L'amour n'est pas le seul moteur qui soit

15164 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/01/2024 17:24

Il paraissait qu’il fallait laisser passer 72heures pour digérer une émotion. Il paraissait qu’au bout de 72heures, il était mieux avenu de nous fier à nos ressentis. Qu’après ce temps-là, les ressentis à vif étaient passés, et que nos décisions et réactions devenaient plus éclairées. Alors j’avais attendu. J’avais attendu que les 72heures passent en m’accrochant à l’idée qu’après cela, ça irait mieux. Que je ne serais plus simplement écrasé par la peine, la douleur, la culpabilité et la tristesse, et que je pourrais à nouveau fonctionner convenablement. Ce ne fut pas le cas. J’avais assisté à mes classes tel un fantôme, participé aux dîners avec mes amis comme si j’étais totalement transparent, et je m’étais couché chaque nuit en priant de ne pas revivre mes pires cauchemars devenus ma réalité. Mes amis, connaissant parfaitement mon mode de fonctionnement depuis des années, avaient tenté ce qui généralement fonctionnait lorsque je me sentais ainsi : occuper mon esprit en le faisant travailler. Je ne les avais pas entraînés à l’occlumencie, je n’en avais pas eu la force physique et la magie nécessaire, mais nous avions réfléchis à notre problème quant à l’armoire à disparaître, en vain. Et puis Pansy avait trouvé des sujets qui m’intéressaient généralement, notamment des sujets politiques et m’avait poussé à débattre et à tenter de les résoudre pour m’aider à oublier ma peine et soulager le poids de mes angoisses. En vain. 

-       Je pense qu’il faut que le Ministère soit plus exigeant sur les conditions d’entrée à Poudlard et mette en place une sorte d’examen d’entrée pour commencer une sélection avant même la première année, avait-elle commencé. Pas quelque chose de foncièrement dur ou avancé, mais juste assez pour repérer les élèves réellement motivés par leur éducation et voir ceux qui ont fait l’effort de s’y préparer, histoire d’éviter les bras cassés qui sortiront quand même diplômés au final. Qu’est-ce que t’en penses Drago ? m’avait-elle demandé.

J’avais haussé les épaules et répondu que je ne savais pas. En vérité je considérais qu’elle avait tort. Nombre d’étudiants se révélaient durant leurs études, et ce parfois bien après leur première année. Je supposais que ce serait une erreur que de partir du principe qu’il fallait décider de l’avenir d’une personne avant même son entrée à l’école. Des gamins comme Theodore ne seraient jamais éduqués si son idée était en vigueur. Mais je n’avais pas eu la force d’entrer dans ce débat ou d’exposer mes idées et arguments. A quoi bon ? Les vies de tous les élèves de cette école étaient menacées par notre faute, et nous continuions de prétendre que notre éducation, que les cours, les devoirs et les examens comptaient encore. Je savais que Theodore ne trouvait plus le moindre sens à ce que je lui explique les cours que nous avions eus une fois que tout le monde dormait, nous ne serions jamais diplômés de toute façon. Mais il me laissait faire, parce qu’au fond il savait que cela comptait pour moi. Cela faisait partie de ces rares moments où nous pouvions prétendre que tout était encore normal, parce que nous faisions ce que nous avions toujours fait depuis la première année. Mais cela n’avait plus le moindre sens. 

Blaise avait tenté de me faire rire, comme il le faisait toujours. Il avait commencé par raconter qu’il envisageait d’inviter Daphné Greengrass à sortir à nouveau avec lui, malgré le fait qu’elle lui avait foutu une tarte devant tout le monde l’année passée après qu’il ait oublié son nom après avoir couché avec elle. Pansy était rentrée dans son jeu et avait surenchéri avec des piques bien senties qui me faisaient habituellement rire, et Blaise avait tout fait pour se ridiculiser au maximum afin de m’arracher un sourire. En vain. Daphné Greengrass allait mourir. Blaise lui-même allait peut-être mourir bientôt. Je n’étais pas en capacité de concevoir ce qu’il pouvait y avoir de drôle là-dedans. Plus rien n’avait de sens. Puis Blaise avait tenté de pousser les choses plus loin. Il avait prétendu avoir abusé de la bouteille et s’était mis en caleçon dans notre salle commune, avait pris son balai pour micro et nous avait donné un spectacle ridicule dans lequel il se prenait pour une mauvaise star, et avait chanté à tue-tête. Je n’avais pas pu m’empêcher de penser que son corps serait peut-être bientôt dépourvu de vie, et qu’il ne pourrait plus jamais chanter, peu importait à quel point il chantait faux. 

Theodore était resté silencieux la plupart du temps, il était simplement présent. Il gardait toujours ses yeux fixés sur moi, me surveillant où que j’aille et quoi que je fasse. Il ne riait et ne débattait pas non plus, peu importait ce que nos deux autres amis faisaient ou racontaient. La totalité de son attention était rivée sur moi et mon incapacité soudaine à faire face à quoi que ce soit. Il n’avait pas essayé de changer la façon dont je me sentais et il n’avait pas non plus essayé de me faire de grands discours inspirants sur la beauté de la vie ou sur ce que je pouvais en attendre. Que restait-il de beau ? Tout ce que j’avais était menacé. Que pouvais-je en attendre ? La seule option pour sortir de tout cela était la mort. Nous n’avions aucune piste pour permettre à Theodore de contrôler son esprit. Nous n’avions aucune piste pour réparer l’armoire à disparaître. Nous n’avions aucune piste pour tuer Dumbledore. Je ne l’avais plus, elle. Il ne restait rien. Il ne restait absolument plus rien, et je ne savais plus comment faire pour continuer. Je ne savais plus comment faire pour feindre un intérêt pour les cours. Je ne savais plus comment faire pour prétendre m’amuser avec mes amis. Je ne savais plus comment faire pour les aimer et les soutenir. Je ne savais plus comment faire pour continuer de protéger les gens que j’aimais. Parce qu’il m’avait pris tout espoir. Il m’avait enlevé la seule chose qui permettait à un homme de traverser toutes les épreuves les plus difficiles de la vie : l’espoir d’un jour meilleur. Quel jour meilleur ? Maintenant que toutes les personnes que j’aimais lui avaient vendu leurs âmes ? Maintenant que sa vie à elle était en danger par ma faute ? Maintenant que ma mère avait perdu l’homme qu’elle aimait et passait ses journées à boire et pleurer sur le plancher de notre maison ? Que me restait-il qu’il n’avait pas infecté de son venin ? A tout cela s’ajoutait la culpabilité atroce que je ressentais de ne plus être capable. Parce que je ne pouvais pas lâcher, je n’en avais pas le droit, je n’en avais pas même la possibilité. Et pourtant je n’y arrivais plus. Je n’avais pas même l’énergie suffisante pour continuer d’entraîner mes amis à l’occlumencie, alors que c’était une question de survie. Je n’en étais plus capable et c’était de ma responsabilité. Pourtant, tout ce que je pouvais faire, c’était co-exister avec cette douleur qui m’assaillait. Parce qu’il ne me restait plus rien qu’il n’avait pas déjà gâché. 

Cela avait duré jusqu’au vendredi soir de cette même semaine. Ce vendredi soir-là, j’avais bu bien plus que de raison, et bien plus que ce que je buvais d’ordinaire même quand je me permettais d’abuser un peu. Demeurant principalement dans le contrôle, je n’étais pas du genre à aimer ce sentiment de ne plus avoir de prise sur rien. Mais ce soir-là, j’avais bu plus que de raison sous les yeux attentifs de Theodore, et pour la première fois depuis le début de cette semaine-là, j’avais même ri parfois aux conneries de Blaise et Pansy, quand soudain tout rire s’évanouit. Rogue pénétra violemment dans notre salle commune et lança un sort pour isoler notre conversation alors qu’il se rapprochait de notre groupe, sa cape volant derrière lui. 

-       Un éminent membre de l’Ordre a été repéré à Préaulard, lâcha-t-il alors en passant des yeux accusateurs et dégoûtés sur moi. Rendez-vous-y immédiatement et occupez-vous-en, ordonna-t-il en direction des autres. Cela devrait satisfaire le Seigneur des Ténèbres un instant, qui saluera certainement votre… initiative. Je pense que vous reconnaitrez sans peine Remus Lupin. Faites ce qui doit être fait, dit-il alors gravement. 

Rogue me lança un dernier regard accusateur, puis il s’en alla aussi furtivement qu’il était arrivé. Lupin. Notre professeur de Défense contre les Forces du Mal en troisième année.  Un homme qui nous avait enseigné. Un homme qui, bien que ridicule sous bien des aspects, avait donné de son temps et de son énergie pour nous éduquer sur des sujets que nous ne connaissions pas déjà. Un homme qui, lui encore, croyait en la possibilité d’un avenir meilleur, et se battait pour ce dernier. Et nous devions l’éliminer. Je pouffai et avalai ce qu’il restait de mon verre cul-sec. Il ne restait déjà plus d’espoir, et nous devions aller supprimer le peu qu’il en restait. Je reposai mon verre vide avec violence sur la table basse : 

-       Eh bien, allons-y ! m’exclamai-je alors sous les yeux de leurs visages tendus. 

Nous n’avions pas mis très longtemps à le trouver à Préaulard, puisqu’il semblait que tous les professeurs et anciens professeurs de Poudlard allaient aux Trois Balais pour boire un coup en fin de semaine, voire en pleine semaine. Il était en compagnie, aussi Blaise eut-il l’idée de lancer un Impérium à une femme qui passait par là pour aller trouver Lupin et lui dire que quelqu’un l’attendait dehors. Il était sorti devant le bar quasiment immédiatement, et Theo le frappa derrière la nuque pour l’assommer un moment alors que nous le trainions avec nous, faisant comme s’il était trop ivre, à l’écart des regards. Une fois que nous retrouvions le chemin de la forêt, Theodore le lâcha sur le sol, et notre ancien professeur se réveilla. Une lueur de peur passa dans ses yeux quand il nous découvrit face à lui, à l’écart de toute autre personne, qui fut bientôt remplacée par de la peine. 

-       Miss Parkinson, Messieurs Zabini, Nott et Malefoy, nous salua-t-il alors. Vous m’envoyez sincèrement navrer de constater que c’est donc finalement arrivé, dit-il sincèrement alors qu’il se relevait du sol. 

Je pouffai. Il était bien temps de s’inquiéter pour nous. Cet homme s’était battu et continuait de se battre, contre beaucoup d’autres, cela était un fait. Un autre fait, néanmoins, était qu’aucun de ces guerriers n’avait songé une seule seconde à essayer de nous sauver nous, mauvaise graine de chez Serpentard. Pourtant ils avaient tous le culot de s’étonner et de prendre un air désolé une fois qu’ils constataient qu’effectivement, désormais notre destin était scellé. En vérité nous avions été étiquetés et mis de côté, considérés d’ores et déjà comme des traîtres et des personnes mauvaises avant même que nous ayons fait quoi que ce soit nous condamnant. Je ne savais si c’était l’alcool ou la dépression qui me faisait penser de la sorte, mais en cet instant je trouvais cet air désolé sur son visage bien hypocrite. Theodore et Blaise tendaient tous deux leurs baguettes vers lui, Pansy se tenant un peu plus à l’écart. Pour ma part, je tentai déjà de tenir moi-même debout. 

-       Vous êtes navré ? pestai-je alors. 

Ses yeux bruns s’enfoncèrent dans les miens, et il répliqua avec ce qui semblait être de la sincérité : 

-       Je le suis, oui. 

-       C’est curieux, pouffai-je alors en m’avançant en tanguant vers lui, je ne me rappelle pas que vous ni aucun de vos collègues n’ait mis le quart d’effort que vous avez mis envers Potter pour essayer de changer nos destinées. 

Ses sourcils se froncèrent douloureusement sur son front, comme si c’était quelque chose avec lequel il n’était pas à l’aise. Comme s’il savait qu’il aurait pu mieux faire. Mais comme s’il était impuissant. 

-       Et qu’aurions-nous pu faire, Monsieur Malefoy ? Votre père a toujours été particulièrement puissant et influant… 

-       … Oh je ne parle pas pour moi, j’ai toujours été condamné, le coupai-je alors en souriant, mais comme vous le voyez, je ne suis pas seul ici ce soir. 

J’ouvris les bras et fis un tour sur moi-même pour lui exposer mes amis. Mes amis condamnés. Mes amis dont j’avais tâché l’âme. Mes amis qui n’avaient plus d’avenir, plus de futur, plus rien que la guerre et la douleur face à eux. Il prit le temps de les regarder un par un, gravement. Comme si une part de lui se sentait responsable. Comme s’il pensait que lui et son Ordre auraient pu mieux faire. Ils auraient pu mieux faire. 

-       Il n’est pas trop tard, dit-il à voix basse. 

Je ri à gorge déployée, et m’avançait vers lui. Il n’était pas trop tard ? Les tatouages qui tâchaient nos bras semblaient me faire croire le contraire. Que pouvions-nous faire désormais ? 

-       Ne l’est-il pas ? demandai-je alors en souriant. 

-       Il n’est jamais trop tard Drago, chuchota-t-il en ma direction. Nous pouvons vous cacher, et nous pouvons vous prot… 

-       … Je crois que vous n’avez pas très bien compris, le coupai-je à nouveau, cette fois avec un air dangereux sur mon visage. C’est de nous que vous devez vous protéger désormais. 

Il s’offrit à nouveau le temps de nous sonder, chacun à notre tour, avant de reprendre de sa voix sage : 

-       J’ai connu autre fois un ami qui a fait le mauvais choix, parce qu’il avait peur. Ne faites pas la même erreur, il est encore temps. Nous pouvons protéger vos vies, assura-t-il avec confiance. 

Je pouffai. Nos vies… Comme si elles valaient encore quoi que ce soit. Comme si nous en étions au stade où nous avions peur de mourir. 

-       Et que ferez-vous pour nos âmes ? lui demandai-je gravement. 

-       Elles ne sont pas perdues, chuchota-t-il en nous regardant. J’ai aussi tué des innocents malgré moi, je suis moi aussi abimé par ce genre de culpabilité mais je…

Mon rire remplit la forêt qui nous habitait. 

-       Vous n’avez aucune idée de ce que nous avons traversé et des choses que nous avons faites si vous pensez que quelques meurtres sont ce qui pèse le plus lourd sur notre conscience, tranchai-je sèchement. Mais vous voulez nous sauver ? repris-je alors. 

Je reculai et lui ouvrait mes bras. 

-       Je vous en prie, le sommai-je, tuez-moi. 

-       Drago, chuchota Pansy en ma direction. 

Je la fis taire d’un signe de la main. 

-       Voyons Pansy, notre ami veut sauver mon âme. C’est le seul moyen, dis-je en direction de Lupin. Et si ce n’est pas vous qui tuez quelqu’un ce soir, c’est vous qui allez perdre la vie, lui appris-je sérieusement. Vous voulez sauver mon âme, je vous en prie, tuez-moi, réitérai-je généreusement. 

Il ne broncha pas. 

-       Aller, je vous donne une chance ! m’écriai-je en dévoilant mes dents. On est quatre contre un, ce n’est pas très fairplay, vous en conviendrez. Allez-y, tuez-moi ! offris-je à nouveau. Vous voulez vous venger de tout ce que mon père a fait aux vôtres ? Je suis juste là ! m’exclamai-je en lui ouvrant mes bras plus amplement. 

Il ne bougea pas d’un centimètre. Je me rapprochai de lui avec un sourire. 

-       Vous êtes ivre…, commenta-t-il en ma direction. 

-       Vous voulez faire en sorte que j’arrête de traquer des gens ? Vous voulez que j’arrête de torturer des innocents ? Vous voulez que j’arrête de tuer les vôtres ? Tuez-moi ! 

-       Drago, me somma fermement Theodore. 

-       … Vous voulez sauver mon âme ? répétai-je alors que le désespoir grandissait en moi. Je vous en prie, rendez-moi ce service Remus ! Aller ! criai-je. Tuez-moi ! 

J’ouvrais grand les bras devant lui une nouvelle fois alors que ma tête commençait à me tourner. Il ne bougeait pas. 

-       TUEZ-MOI ! hurlai-je alors. TUEZ-MOI ! ALLER ! 

Mes cris raisonnèrent dans la forêt, mais il ne leva pas sa baguette vers moi. Il me regardait comme s’il était désolé pour moi. Tout le monde me regardait comme s’ils étaient désolés pour moi. Mais personne n’y faisait quoi que ce soit. 

-       ALLER ! m’écriai-je alors que ma voix se déformait de larmes qui y naissaient. JE SUIS JUSTE LÀ ! TUEZ-MOI ! TUEZ-MOI !

Il ne broncha pas. Je m’approchai vivement de lui, saisi son poignet, et pointai sa baguette sur mon front sans lâcher son poignet. 

-       TUEZ-MOI ! lui hurlai-je au visage. 

Je fermai les yeux et ma respiration se fit rapide et courte. Mon poitrail se soulevait vivement alors que j’inspirai et expirai violemment, préparé à ce que tout s’arrête. Attendant que tout s’arrête. La douleur, la culpabilité, les cauchemars devenus réalité. Que tout s’arrête. 

-       ALLER ! criai-je alors que ma voix tremblait. TUEZ-MOI ! 

Je pris de nouvelles inspirations rapides alors que j’hyperventilais à mesure que j’hurlais. J’étais prêt. C’était maintenant. L’autre côté n’était que de l’autre extrémité de sa baguette. Et j’étais prêt. 

-       TUEZ-MOI !

Un éclair de lumière verte jaillit soudain, et je tombais à genoux, en larmes, son poignet glissant entre mes doigts alors que le corps de Lupin s’écrasait sur le sol. Mort. Theodore. Je regardai son corps soudainement inanimé alors que des larmes perlaient sur mes joues et que je ne parvenais plus à respirer convenablement. 

-       Occupez-vous du corps, ordonna la voix tranchante de Theodore. 

Et soudainement, ses bras se renfermèrent autour de ma taille, il me balança sur son épaule comme une vulgaire plume, et il me porta de la sorte jusqu’au château alors que je regardai le sol défiler sous mes yeux, en état de choc. En état de choc de ce que je ressentais. En état de choc de ce que j’avais fait. En état de choc de ne pas avoir obtenu ce que je voulais. En état de choc d’avoir voulu ce que j’avais voulu. En état de choc de l’avoir vu, lui, mort. Theodore ne me reposa au sol qu’une fois qu’il avait pénétré notre salle commune jusqu’à notre salle de bain, et me plaça à genoux devant des toilettes sans un mot. Il saisit mes cheveux d’une main et enfonça deux doigts dans ma gorge, et je vomissais instantanément. L’alcool qui remontait dans ma gorge brûlait tout à l’intérieur de moi, de mon intestin jusqu’à mes lèvres, m’arrachant de nouvelles larmes au passage. Quand ce qui devait sortir fut sorti, je m’appuyai contre le mur des toilettes, un bras toujours sur la cuvette, tentant de reprendre mon souffle. Theodore s’accroupit face à moi, son regard grave fixé sur moi. Cela fit couler une nouvelle larme sur mes joues. Qu’avais-je fait ? J’étais dans un état pitoyable. Pitoyable. 

-       Ça a duré assez longtemps, commença-t-il gravement, sa mâchoire visiblement contractée. Je t’ai laissé vivre ta peine. Je t’ai laissé vivre ta douleur. Je t’ai laissé avoir mal et je t’ai laissé te faire du mal, mais maintenant ça suffit, annonça-t-il fermement alors que je rencontrai ses yeux durs et inquiets. Tu ne vois pas d’issue, continua-t-il douloureusement, tu ne vois pas d’avenir, et tu ne vois pas d’espoir et ça me semble plutôt légitime. C’est une guerre Drago, rappela-t-il gravement. Nous sommes en guerre. Le monde entier est en guerre contre Voldemort et ses Mangemorts. Et je crois sincèrement que tu es un des guerriers les plus redoutables que je n’ai jamais vu. Mais ces derniers temps tu agis comme si la guerre était déjà perdue, comme s’il n’y avait plus rien à faire. Comme s’il n’y avait pas une seule putain de chance que Voldemort soit vaincu. Que tu souffres, reprit-il après une courte pause, c’est normal. Que parfois tu n’en puisses plus et que tu ne saches plus comment gérer, c’est normal. Que parfois ta douleur t’écrase et que tu ne puisses plus bouger, c’est normal. Mais tu n'as pas le droit d’agir indéfiniment comme si nous avions perdu, parce que ce n’est pas le cas, trancha-t-il sèchement. C’est une guerre, et tu es un guerrier, assura-t-il fermement. Drago, regarde-moi, me somma-t-il alors qu’une larme perlait sur ma joue. Selon toi, qui a plus de chance de réussir à tuer Voldemort ? Quelqu’un qui ne peut pas l’approcher à moins qu’il y ait des centaines de soldats autour de lui du genre de Potter, ou quelqu’un qui fait partie de ses rangs et qu’il ne verra pas venir, comme nous ? 

Il marqua une courte pause avant de reprendre tout aussi gravement : 

-       Si la perspective d’un futur ne te fait plus tenir parce que tu n’en vois pas, je peux l’entendre. Mais tu ne peux pas agir comme s’il ne te restait plus rien. Il te reste la vengeance, amena-t-il fermement. Regarde-moi et dis-moi que tu ne veux pas le tuer. 

Mes yeux se remplirent de larmes alors que pour la première fois depuis bien, bien trop longtemps, je sentis quelque chose monter en moi que je n’avais plus ressenti. De l’espoir. 

-       Regarde-moi et dis-moi que tu ne veux pas tuer l’homme qui t’a forcé à torturer ton propre père. Dis-moi que tu ne veux pas tuer l’homme qui a tué ton père, réduit ta mère en l’ombre d’elle-même, et qui a pris l’âme de toutes les personnes que tu aimais. 

Mon poitrail se gonfla d’air alors que je sentais de l’énergie monter en moi. Je ne lâchai pas ses yeux alors qu’il réanimait quelque chose en moi que je croyais mort. 

-       Tu le sens, ça ? Cette rage qui monte en toi ? Ces pulsations qui vibrent dans ton torse ? 

Je le regardai gravement alors que j’inspirai et expirai violemment par le nez. 

-       C’est ça, confirma-t-il. L’amour n’est pas le seul moteur qui soit. Cette rage meurtrière qui brûle en toi, elle aussi elle peut te faire tenir, m’apprit-il en me rendant l’intensité de mon regard. Et dis-moi Drago, reprit-il alors, tu vas vraiment laisser cet homme-là, l’homme qui t’as fait tout ça, tu vas vraiment le laisser gagner sans même te battre ? Tu vas vraiment lui donner la satisfaction de t’avoir détruit ? À lui ? Tu as le droit de me répondre oui, et je ne t’obligerai pas à suivre derrière-moi. Mais en ce qui me concerne Drago, moi je suis très, très énervé contre lui, et je vais me battre, assura-t-il fermement. Et j’aimerais beaucoup que mon frère soit à mes côtés pendant que je le ferai. Alors dis-moi, me demanda-t-il finalement, est-ce que tu vas le laisser gagner, ou est-ce que tu vas te battre ? 

La rage fit trembler l’intégralité de mon corps alors que je me retrouvai. Alors que je retrouvai une part de moi que je pensais qu’il avait tué. Mais elle était là. Elle avait toujours été là. Les muscles de ma mâchoire se contractèrent violemment alors que j’acquiesçai sans lâcher les yeux de Theodore. Ses grands yeux bleus brillèrent et il se pencha en avant vers moi et saisi mon visage de ses deux mains en acquiesçant en retour : 

-       On va se battre, chuchota-t-il avec force. On va se battre et on va se battre jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de nous. Parce qu’il n’avait pas le droit de nous faire ça. Et on ne va pas le laisser gagner. 

J’acquiesçai gravement alors que je me saisissais fermement de son visage à mon tour, et le tirai vers moi avec force. Je m’arrochai à son dos que je serrai. Il m’avait rendu la vie. Il m’avait rendu une raison de rester en vie. Il m’avait rendu la vie. 

Les jours suivants, je me sentais comme un guerrier. Theodore m’avait réveillé. Il n’avait peut-être pas effacé la peine et la douleur qui rongeait mon âme, et cela personne ne le pouvait, mais il m’avait réveillé alors que j’étais déjà comme mort. Il était parvenu à me réanimer. Nous avions passé le week-end dans la salle sur demande avec Kira et Loki, à nous entraîner à l’occlumencie. Pansy était prête, et Blaise l’était quasiment. Theodore n’avait toujours pas progressé, mais je ne laissai même pas cela atteindre la façon dont je me sentais. J’avais confiance en lui. Je savais que nous allions y arriver. Je ne savais pas comment, et je ne savais pas quand, mais je savais que nous allions y arriver. Nous avions également continué de chercher des solutions pour l’armoire à disparaître, en vain. Mais je ne laissai pas cela m’atteindre non plus, plus nous mettrions de temps à la réparer, plus il se passerait de temps avant que les Mangemorts pénètrent le château. C’était ainsi que je choisissais de voir les choses, ce week-end-là. Avant le lundi suivant, et avant ma prochaine réunion avec Granger et l’autre Serdaigle maintenant que j’avais reçu les livres de ma mère, mes amis m’offrirent leur soutien, ainsi que leurs conseils : 

-       On peut rester dans la salle commune un peu plus à l’écart si ça peut t’aider, proposa alors Pansy. 

-       Maintenant que j’ai dit à l’autre que je ne pouvais travailler que s’il n’y avait personne dans les environs, j’aurais l’air bien con, répliquai-je en m’enfonçant dans le canapé. 

-       Pourquoi t’as été raconté une telle connerie ? questionna Blaise. 

-       Parce que je sais que c’est comme ça que Granger aime travailler, et que je n’allais pas dire que j’avais terrorisé tous les élèves de notre maison pour qu’ils ne descendent pas juste pour que madame soit à l’aise, lâchai-je alors. 

Blaise ne put s’empêcher de pouffer rapidement. 

-       Pardon, s’excusa-t-il sous mon regard noir. 

-       C’était une gentille attention, commenta Pansy avec un faible sourire. 

Ils me prenaient avec des pincettes depuis que j’avais pété les plombs en hurlant à Lupin de me buter avant que Theodore ne s’occupe de lui. Ils n’en avaient pas parlé directement avec moi, mais je savais que Theo s’était occupé d’eux. Depuis, Pansy avait tendance à être plus douce avec moi, et Blaise se montrait moins sarcastique qu’à son habitude. J’haussai un sourcil en la direction de Pansy : 

-       Et on voit où ça m’a mené. 

Les yeux amusés de Blaise se posèrent sur moi, mais il n’osa pas. 

-       Oui, Blaise, dis-je à sa place en soupirant, ça m’a mené au septième ciel, tu peux le dire. 

-       Et ce serait si mal que ça, si ça arrivait à nouveau ? demanda doucement Pansy. Je veux dire, est-ce qu’à ce stade vous en êtes vraiment à ça près ? 

-       Elle veut plus, leur appris-je alors en fixant le tapis de notre salle commune. 

-       Comment ça ? questionna Blaise. 

-       Elle ne me l’a pas dit explicitement, mais elle n’arrêtait pas de me dire qu’elle n’avait pas peur de ce qu’il se passait dans ma vie comme si elle voulait en faire partie. 

-       Je croyais que vous aviez convenu que ce n’était qu’une histoire de sexe ? continua mon ami. 

Je pouffai. 

-       Ouais, confirmai-je, je croyais aussi. 

-       Si elle sent un décalage entre ce que tu dis et ce que tu fais, c’est probablement pour ça qu’elle tâte le terrain, amena alors Pansy. Il y a des choses qu’on ne peut pas simuler, tu ne crois pas ? me demanda-t-elle. 

J’haussai un sourcil approbateur vers elle et acquiesçai discrètement alors que je mordais l’intérieur de mes joues. 

-       Theo m’a parlé de son intuition, amena doucement Pansy. 

-       De quoi tu parles ? demanda Blaise. 

-       Pas encore ça, soupirai-je alors en lançant un regard accusateur à mon frère qui haussai les épaules. 

-       Theo a… cette espèce d’intuition que Granger va être importante pour Drago, expliqua Pansy. Qu’il va arriver un moment dans sa vie où il faudra qu’elle soit là pour lui, au risque que ça ne passe pas, si elle ne l’était pas. 

Blaise posa des yeux étonnés sur Theo. 

-       T’es médium toi maintenant ? 

-       Je peux déjà te dire que tu vas finir tué par une MST, lança Theo vers Blaise avec un sourire. 

Ce dernier ri avant de reprendre plus sérieusement : 

-       C’est-à-dire, au risque que ça ne passe pas ? 

-       C’est trop difficile à expliquer en mots, répondit Theo, ce n’est pas quelque chose comme voir l’avenir ou je ne sais quoi. C’est plutôt comme… une absolue certitude interne, comme un message qu’on m’aurait envoyé d’une certaine façon. Je suis simplement persuadé qu’il va falloir qu’elle finisse par être à ses côtés, conclu-t-il. 

-       Ça m’a juste fait me demander…, avança doucement Pansy, si c’est le cas, est-ce que ça vaut la peine que tu te tortures à ce point pour essayer de la repousser ?

-       Et je suis censé faire quoi ? lui demandai-je sans animosité, mais simplement fatigué. Lui dire que je suis un Mangemort, attendre qu’elle largue Weasley pour moi, devenir son mec et la voir être kidnappée, torturée et tuée à cause de son sang ? Puis probablement moi-même tué parce que j’aurais été avec elle alors qu’elle est née de parents moldus et qu’elle est la super copine de Potter ? 

-       Peut-être que vous pouvez vous voir de façon cachée ? proposa Blaise. 

-       Et donc à quel moment je lui raconte que sur mon temps libre je suis envoyé pour tuer les gens qui sont ses amis ? réitérai-je. 

Pansy pinça ses lèvres en une moue désolée et Blaise fixa le sol. Theodore était le seul à continuer de me regarder droit dans les yeux, comme d’habitude. Analysant le moindre de mes mouvements. 

-       Tu sais déjà qu’elle peut le supporter, dit-il finalement, et je levai les yeux vers lui. 

-       Quoi ?

-       Tu sais déjà qu’elle est prête à l’accepter, reformula Theo. 

-       Elle l’a simplement entendu pendant quelques minutes après avoir sauvé ta vie dans un moment critique, rappelai-je. Pour tout ce que j’en sais, ça pourrait n’avoir été que de la pitié. Et rien ne nous dit qu’elle n’en aurait pas parlé avec ses copains ensuite, pointai-je avec animosité. 

-       Crois-tu qu’elle le ferait ? demanda Nott. 

-       Je ne prendrai pas le risque de le découvrir, répliquai-je alors fermement. 

-       Au pire on pourrait toujours leur faire un obliviate à tous, amena Blaise en haussant les épaules. 

-       Le temps qu’on apprenne qu’ils le savent Potter aura déjà fait tourner le mot à tout l’Ordre, rappelai-je puisque j’étais visiblement le seul ici à me rappeler que c’était une mauvaise idée. 

-       C’est juste qu’après tout ce que tu nous as dit, et vu comment les choses évoluent, sans compter l’intuition de Theo, je me demande si ça vaut le coup de se battre contre ça aussi, ou si ce n’est pas une bataille où il serait plus porteur pour tout le monde de déposer les armes ? demanda Pansy en réflechissant. Je ne sais pas, imagine qu’elle puisse nous aider à le vaincre ? Qu’en alliant nos esprits et nos forces, on trouve le moyen de l’arrêter, grâce à ce que vous avez ? 

-       Et imagine qu’elle raconte tout à l’Ordre, que le Seigneur des Ténèbres soit au courant et qu’il nous fasse tous tuer ? continuai-je. 

-       J’y crois de moins en moins, dit alors Pansy. 

-       Et moi, sur un sujet aussi léthal que celui-là, je ne peux pas me permettre de simplement « croire », tranchai-je finalement. 

-       Alors comment tu veux faire ? demanda Blaise. 

-       Je vais simplement travailler, décrétai-je alors. Vu ce qu’il s’est passé la dernière fois, je sais qu’elle ne tentera rien de son côté. Et moi, je vais simplement travailler. 

Alors c’était ce que je faisais, une fois que Line et elle avaient fini par passer la porte de ma salle commune pour jeter un œil aux livres de ma mère. Tout comme moi, elle évitait de me regarder, et de me parler le plus possible. Nous avions simplement le nez enfoui dans nos bouquins tandis qu’elle était obligée de s’avouer vaincue. J’avais eu raison sur tout ce que je lui avais dit la semaine passée, et nous nous appliquions à le mettre par écrit afin que cette partie du dossier soit bouclée. 

-       Je ne suis toujours pas persuadée que ce soit une bonne idée de mettre toutes ces informations auxquelles nous ne sommes pas censés avoir accès dans le dossier, commenta Line en prenant de nouvelles notes dans les livres de ma mère. 

-       Non pas que ton avis ne soit pas important, répliqua Granger plus sèchement que d’ordinaire, mais c’est une décision que nous avons déjà prise. 

Elle aussi, elle était tendue. 

-       Le Professeur ne s’attend certainement pas à ce que l’on présente la nécromancie en racontant que c’est en fait possible si l’on est un mage assez noir, et si on est l’auteur de l’Avada sous délai d’une semaine, réitéra la Serdaigle. 

-       Oh si, répliquai-je alors, il s’y attend. 

-       Votre assurance aveugle dans la prise de risque que constitue ce devoir me semble peut-être un peu… trop assurée, hésita-t-elle. 

-       Et peut-être que c’est cette assurance aveugle qui semble te faire peur qui fait que Malefoy et moi sommes les deux premiers de la classe depuis la première année, malgré le fait que tu sois la seule Serdaigle dans cette pièce, trancha Granger avec un sourire en sa direction qui n’avait absolument rien d’amical. 

Je pouffai malgré moi. Elle pouvait se révéler si cinglante parfois, j’avais tendance à l’oublier. Et j’imaginais que son état interne de tension vis-à-vis de sa situation avec moi et le fait de se retrouver ainsi forcée de me faire face ne devait pas aider ses nerfs. 

-       Très bien, soupira Line en haussant les sourcils, je vois que mon avis ne compte pas puisque je ne fais pas partie des meilleurs élèves de la classe… 

-       Ne sois pas ridicule, répondit Granger toujours tendue mais sur un ton qu’elle tentait de rendre plus doux, nous prenons ton avis en compte. 

Et le reste de la cession de travail se déroula dans le silence le plus total alors que nous nous étions répartie les différentes sections de la partie théorique du devoir écrit. Puis Granger refermera violemment ses livres et soupira : 

-       Bien, la prochaine fois nous passerons à la partie positionnement personnel. Étant donné que vous n’avez pas terminé de rédiger vos écrits sur la partie théorique, je les attends pour… 

Je lui tendis mon parchemin terminé. Elle m’adressa un regard alors qu’elle pinçait les lèvres, et elle se saisit de mon parchemin en baissant rapidement les yeux. 

-       Pam, j’attends ton écrit pour demain, corrigea-t-elle alors. Je me chargerai de tout regrouper au propre. Cette partie sera terminée et… 

-       … Il faudra que tu la ramènes quand ce sera fait, je souhaiterais relire la totalité, déclarai-je alors sincèrement. 

Elle leva un regard à la fois noir et fatigué vers moi. 

-       Je ne mets pas mon nom sur un papier que je n’ai pas lu dans son intégralité, ajoutai-je donc. 

Elle m’adressa un faux sourire, de ceux qu’elle adressait à Line. Elle n’aimait pas être piquée sur ses capacités académiques. Bien évidemment que Granger allait relire la partie de Line, ainsi que la mienne d’ailleurs, et bien évidemment que le papier final serait parfait. Mais qu’est-ce que j’y pouvais ? J’étais aussi perfectionniste qu’elle. 

-       Évidemment, lâcha-t-elle alors. Je disais donc, reprit-elle lassée, nous pourrons passer à la partie positionnement personnel la prochaine fois. Je propose d’ailleurs jeudi soir, si ça vous convient ? 

-       Est-ce que vendredi soir est envisageable ? demanda Line. 

-       Non, Slughorn donne sa soirée de Noël vendredi soir. Ni Malefoy ni moi ne serons disponible, dit-elle de son typique passif agressif qui m’arracha presque un sourire. 

-       Tiens donc ? la questionnai-je alors, étant donné que je n’étais pas au courant.

-       Les invitations officielles ne nous parviendront que demain matin, ajouta-t-elle en ma direction. 

-       Eh bien dans ce cas, va pour jeudi soir, soupira Line. 

-       Parfait, conclu Granger. Je compte sur vous pour vous renseigner et réfléchir à votre position d’ici-là. 

Le lendemain matin suivant, au petit-déjeuner, Pansy, Blaise et moi reçurent effectivement nos invitations à la soirée que Slughorn donnait ce vendredi 1er décembre, soirée de Noël avant le bal officiel de Poudlard. Cela signifiait qu’il était donc temps pour nous, petits toutous de Pansy Parkinson, d’aller faire un tour dans sa boutique préférée de Préaulard. 

-       Je sais déjà ce que nous allons porter, ça ira vite, promit-elle alors. 

-       Tiens donc, tu sais déjà ce que tes poupées sur mesure vont mettre sur leur cul ? enchaîna Blaise. 

-       Absolument, répliqua-t-elle alors. Pour toi, ce sera du rouge, lui apprit-elle. Drago, tu porteras du noir avec des paillettes argentées, continua-t-elle, et toi mon amour, dit-elle en attrapant le bras de Theo alors qu’elle se collait contre lui en entrant dans la boutique, tu porteras du marron, parce que moi je porterai du vert. 

-       Mon amouuur, se moqua alors Blaise en tendant les lèvres vers elle. 

-       La jalousie est une couleur qui te va mal au teint Zabini, lui lança Pansy. 

-       Et toi les mots d’amour dans ta bouche sonnent aussi faux que ton satané violon, répliqua-t-il instantanément. 

Pansy lâcha Theo immédiatement pour s’attaquer à Blaise qui partit en courant, zig-zaguant dans les rayons du magasin, riant à gorge déployée, Pansy sur ses talons. Theo et moi nous autorisions à rire du spectacle qu’ils nous offraient alors que la caissière les regardait comme s’ils étaient fous, espérant surtout qu’ils ne foutraient pas en l’air son magasin. Nous l’espérions aussi, en réalité. 

Elle avait effectivement trouvé toutes nos tenues quasiment immédiatement. Blaise porterait un costume rouge et noir en velours, le mien serait noir avec des fils argentés décorant la veste en des motifs élégants, la veste de Theodore était de couleur marron et également faite de velours, et Pansy porterait également un costume avec nous, de couleur verte. Ce soir-là, nous discutions dans notre salle commune alors que Theodore pointait une opportunité pour nous : 

-       Vous ne pensez pas que cette soirée serait une opportunité par rapport à ce que nous avons à faire vis-à-vis de Dumbledore ? 

Un froid fut lancé entre nous, mais il avait raison. Il fallait commencer à en parler. A en parler vraiment. Le Seigneur des Ténèbres nous demanderait de lui rendre des comptes. 

-       Il ne sera même pas à la soirée, répondit Blaise. 

-       Ça ne signifie pas que ça ne représente pas une opportunité, répondis-je à sa place. 

-       Vous avez quelque chose en tête ? demanda Pansy. 

-       On pourrait faire passer quelque chose, proposa Theodore. 

-       Du genre ? demanda Blaise. 

-       Du genre un cadeau pour Slughorn en le soumettant à l’Imperium pour qu’il l’offre à son tour à Dumbledore, enchaîna Theo. 

Il y avait réfléchi. Il s’était mis en route parce que personne d’autre ne le faisait. 

-       Quel genre de cadeau ? Une p’tite bombe ? plaisanta Blaise. 

-       Du poison, réfléchit Pansy à voix haute. Slughorn boit tellement, on le dissimule dans une bouteille d’alcool et c’est un problème réglé, dit-elle doucement alors qu’elle réalisait que c’était un bon plan. 

-       Ça pourrait fonctionner, dis-je en réfléchissant aussi. L’Imperium le rendrait confus s’il était interrogé sur la provenance de la bouteille, et nous pouvons préciser qu’il ne se rappelle pas qui lui en a fait cadeau. C’est de convenance de ramener quelque chose à boire à une soirée, et étant donné que Noël est ce mois-ci, il aura une bonne raison d’offrir quelque chose à Dumbledore. Je crois que…, je crois que ça pourrait fonctionner, songeai-je alors que cela me terrifiait autant que cela me rassurait que nous ayons enfin une piste pour l’une de nos missions. 

Et Theo avait tué Lupin. Peut-être que nous survivrions aux vacances de Noël. 

-       Et comment on va se procurer du poison ? demanda alors Blaise. 

-       J’en ai, répliqua immédiatement Pansy alors que tous nos yeux interrogateurs se tournèrent vers elle. 

-       Quoi ? demanda-t-elle. C’est un truc de femme, se défendit-elle. 

Un sourire félin se dessina sur les lèvres de Theodore, fier, et le couple prit la tâche d’aller acheter une bouteille à Préaulard le lendemain. 

Le jeudi soir d’étude arriva rapidement. Granger et Line débarquèrent dans ma salle commune, Granger portant dans ses bras la pile de livres que ma mère nous avait envoyé, et les posa sur la table basse en s’asseyant par terre face à ceux-ci. 

-       Bien, commença-t-elle fermement. J’ai mis au propre la première partie du devoir, en voilà une copie pour chacun de vous, dit-elle en nous tendant des parchemins, évitant mon regard autant que j’évitai le sien. J’ai bien sûr tout relu moi-même, aussi j’ose espérer que vous serez satisfait du résultat, puisque j’ai déjà tout mis au propre, dit-elle à mon intention. 

Un sourire en coin ne put s’empêcher de se dessiner sur mes lèvres, mais je ne levai pas les yeux vers elle. Évidemment. 

-       Malefoy, ta position sur l’utilisation de la nécromancie a-t-elle évoluée ? me demanda-t-elle alors directement. 

Mes sourcils se dressèrent sur mon front, et je levai finalement les yeux vers elle en me concentrant pour ne regarder que ses yeux, m’interdisant d’étudier ce à quoi elle ressemblait. 

-       Et la tienne ? rétorquai-je. 

-       Pas le moins du monde, répondit-elle sur un ton fermé. 

-       Alors nous allons avoir un problème, répliquai-je en sa direction. 

-       Je m’y attendais, soupira-t-elle. J’ai donc préparé mon argumentaire pour te faire changer d’avis. 

Mon sourire s’élargit sur mon visage. Bien sûr qu’elle avait préparé son argumentaire pour me faire changer d’avis. Elle déplia un large parchemin face à elle. 

-       Comme tu le sais, la nécromancie fait partie d’une des branches les plus sombres de la magie noire en ce sens qu’elle demande une telle quantité de magie noire que celle-ci ne peut être accumulée que grâce à d’innombrables atrocités commises, commença-t-elle en revoyant les notes qu’elle avait prises pour me présenter son opinion. En d’autres termes, pour parvenir à faire revenir un mort à la vie, il faut d’abord avoir commis de telles atrocités, et un nombre si énorme de celles-ci qu’il est quasiment impossible d’y parvenir en une seule vie, à moins d’être un monstre sans pareille du genre de Voldemort, le nomma-t-elle alors. Cela implique donc que pour qu’une seule personne vive à nouveau, et, rappelons-le, une personne tuée par la même personne qui la ramènerait à la vie, des tonnes d’autres devraient souffrir d’incroyables souffrances. Comment justifies-tu cela ? me demanda-t-elle avec son air hautain. 

-       C’est plutôt simple, je me foutrais royalement que le reste du monde souffre le martyr si cela signifiait que la personne que j’aime le plus au monde retrouverait la vie, lui répondis-je sincèrement. 

-       C’est ce que tu vas répondre à Rogue ? me demanda-t-elle avec dépit. 

-       Ce que je vais répondre à Rogue c’est que l’erreur est humaine, et que même le plus noir des personnages peut décider de réparer une erreur qu’il aurait commise. Une telle personne qui serait capable de nécromancie aurait, de base, déjà commis de multiples atrocités, comme tu le dis si bien, pourquoi partir du principe qu’une telle personne ne pourrait pas utiliser de son pouvoir pour rendre la vie pour une fois, et faire quelque chose de bien ? 

-       Parce que cela n’aurait aucun sens, répondit-elle. 

-       Si un homme est capable de massacre, cela signifie nécessairement qu’il est absolument incapable d’un peu de bonté ? lui demandai-je alors, emporté par notre débat. 

-       Depuis le temps je pense que nous le saurions si Voldemort était capable de bonté, trancha-t-elle sèchement. 

-       Et je pense que c’est un raisonnement trop simpliste que celui que tu amènes, rétorquai-je sur un ton plus léger. La nécromancie est, en d’autres termes, une façon de rendre ce que la magie noire a pris. C’est rendre quelque chose de bon, d’intacte, et de vivant. C’est rendre la vie. Ça n’est pas simplement aussi monstrueux et négatif que ce que tu dis. Tu dis que tu es contre, mais si c’était réellement possible, cela signifierait que tu-sais-qui pourrait rendre la vie à quelqu’un qu’il a tué, sans contrepartie aucune. Et tu dirais vraiment non ? 

-       Sans contrepartie aucune ? répéta-t-elle en haussant les sourcils. 

-       Que crois-tu qu’il voudrait de toi, Granger ? 

-       Oh je ne sais pas, mon meilleur ami peut-être, lâcha-t-elle insolemment. 

-       Très bien, imaginons qu’il prenne la vie de quelqu’un de ses propres rangs parce que cette personne n’aurait pas été totalement dédiée à la tâche, et qu’il était prêt à lui rendre la vie, tu t’y opposerais ? enchaînai-je donc. En sachant que quelqu’un dans ses rangs qui hésite serait une aubaine pour l’Ordre. 

-       Je… hésita-t-elle alors. 

-       De toute façon ça ne changerait rien, la magie noire qu’il possède est déjà là. Les atrocités sont déjà commises. C’est simplement une opportunité de rendre de la vie avec toute la noirceur qu’il a déjà accumulé. Tu t’y opposerais ? continuai-je alors qu’elle hésitait. 

-       Je ne pense pas que…, tenta Line. 

-       … Pas maintenant Line, la coupa Granger sans même la regarder. Oui, m’adressa-t-elle, je m’y opposerai, parce que quel genre de vie cette personne pourrait-elle espérer ? Que devra-t-elle faire derrière, pour se faire pardonner ? Pour pouvoir continuer de vivre ? A quel prix ? 

-       Et c’est donc toi qui déciderais à la place de cette personne que le prix qu’elle devra payer pour rester en vie est trop élevé, et qu’il vaut mieux qu’elle reste morte, plutôt que d’avoir une seconde chance ? 

-       Tu complexifies trop les choses, me dit-elle alors. 

-       Et toi tu les simplifies trop. C’est un sujet compliqué la nécromancie, et une réponse aussi simple que « contre » est obsolète. 

-       Je crois que…, tenta à nouveau Line. 

-       … On t’a dit pas maintenant, la coupai-je à mon tour alors que je ne quittai pas Granger des yeux. 

-       Je veux bien reconnaître que tu sembles apporter des nuances que je n’avais pas envisagées, mais mon avis reste le même, déclara Granger aussi peu intéressée par Line que moi. Le prix pour la personne, dans cette hypothèse déjà utopiste et fort peu probable que tu amènes, serait bien trop élevé. Ce ne serait pas lui sauver la vie, ce ne serait que lui offrir un sursit pendant lequel elle saurait pertinemment qu’à tout moment, tout peut s’arrêter à nouveau !

-       Et si cette personne a des enfants, une famille ? demandai-je alors. Si le prix à payer n’était pas trop cher pour elle, parce que ça ne la concernerait pas qu’elle ? Si le prix en valait la peine pour épargner une telle douleur à ses enfants ?

Elle laissa son dos s’appuyer contre le fauteuil derrière elle. 

-       Tu pousses les choses trop loin Malefoy, soupira-t-elle en ma direction. 

-       Aller Granger, l’encourageai-je avec un sourire, réponds. 

-       Très bien ! s’exclama-t-elle en levant les bras en signe de défaite. Oui, dans ce scénario très spécifique et rempli de conditions précises, je tolèrerai l’usage de la nécromancie ! 

Je m’enfonçai dans le canapé et lui souriais, satisfait. 

-       Mais il est hors de question que l’on mette dans le dossier que nous sommes pour à cause d’une seule et unique situation spécifique ! enchaîna-t-elle sur la défensive. 

-       Évidemment, confirmai-je sans effacer mon air satisfait, il nous suffira simplement d’être un peu plus nuancés que tu l’étais il y a quelques minutes. Nous pourrions par exemple dire que cela dépend de la complexité des situations étant donné la complexité de la magie dont on parle, est-ce que ça t’irait ? 

-       Je suppose que je pourrais m’en accommoder, grogna-t-elle entre ses dents. 

Je laissais une expiration de soulagement et de victoire sortir de moi et riais internement du regard noir qu’elle me lança avant d’enchaîner : 

-       Je suis ravi de constater que malgré le fait que tu sois venue avec un argumentaire pour me faire changer d’avis, tu as tout de même fait preuve de grandeur d’esprit pour finalement changer d’avis face à celui qui lui, n’avait pas préparé le moindre papier. 

La noirceur de son regard s’intensifia et je m’autorisai même à rire. Line soupira et se leva en demandant : 

-       Vous avez fini pour aujourd’hui ? 

Granger acquiesça en rangeant ses affaires pour s’en aller à son tour, et ne pas rester seule avec moi trop longtemps. 

-       Si on m’avait dit qu’un jour je tiendrai la chandelle à Granger et Malefoy, par Merlin…, soupira-t-elle en passant la porte. 

La Gryffondor et moi échangions un regard confus tandis qu’elle se hâtait de finir de ranger ses livres. 

-       On devrait…, tenta-t-elle avec hésitation. 

-       Peut-être la laisser parler de temps en temps, oui, finis-je pour elle. 

-       Peut-être qu’elle a…, un point de vue que nous n’avons pas envisagé, essaya-t-elle en bouclant ce qu’il restait sur la table basse. 

Je me permis une moue signifiant que je doutais de la véracité de son propos, ce qui lui fit lever les yeux au ciel. 

-       Je devrais… 

-       … Y aller, oui, conclus-je pour nous deux alors que l’atmosphère devenait de plus en plus pesante entre nous. 

Elle acquiesça en pinçant les lèvres et me souhaita bonne soirée en passant la porte de ma salle commune tandis que j’expirai profondément en m’enfonçant dans mon canapé. Mes efforts pour ne pas m’attarder sur elle et pour la regarder le moins possible n’avaient pas réussi à empêcher mon cerveau à graver dans ma mémoire ses longs cheveux sauvagement attachés de sa baguette magique (je supposai qu’elle prévoyait de les laver pour la soirée de Slughorn), dévoilant son cou, sa nuque, son front ainsi que ses pommettes fines, et ce regard insolent qu’elle posait toujours sur moi quand nous débattions ensemble. Non, mes efforts n’avaient pas été suffisants. 

Le lendemain soir, nous nous étions tous préparés pour la soirée de Noël que donnait Slughorn, et qui ouvrait le bal de la saison. Theo, Blaise et moi avions mis avec soin les costumes que Pansy avait choisi pour chacun d’entre nous, l’argenté de mon costume autrement profondément noir faisant ressortir le gris de mes yeux, et la pâleur tant de ma peau que de mes cheveux. Notre dame nous avait rejoint peu de temps avant que nous soyons tous prêts, incroyablement élégante dans son costume vert taillé près de son corps. Elle avait attaché ses cheveux en arrière et avait l’air d’une femme prête à conquérir le monde, dressée sur des talons aiguille de couleur noire la rendant d’autant plus impressionnante.

-       Putain ton cul dans un costume Pansy, ne put s’empêcher de faire remarquer Blaise qui la relookait explicitement. 

Theodore décrocha effectivement ses yeux du postérieur de sa moitié pour lancer un regard noir à notre ami, et l’averti avec une pointe d’humour : 

-       Fais attention au tiens. 

Blaise lui décrocha un énorme sourire : 

-       Ne m’excite pas avant de sortir bébé. 

Nous étions magnifiquement élégants, tous quatre vêtus de costumes de couleur différente alors que nous nous rendions dans les appartements du Professeur Slughorn, notre bouteille de poison dans ma main. Nous nous étions mis d’accord sur le fait que ce serait Theo qui jetterait l’imperium au professeur, tandis que Pansy et Blaise s’assureraient de faire assez de bruit autour de nous pour que ce ne soit pas remarqué par qui que ce soit d’autre. Alors nous l’avions trouvé, non loin de l’entrée de sa soirée, et l’avions salué alors que Blaise et Pansy commencèrent à parler et rire fort, encadrant Theo et moi de chaque côté. Theo jeta silencieusement un imperium au professeur alors que je lui tendis la bouteille avec un sourire : 

-       C’est un cadeau pour vous, lui offris-je, mais nous avons pensé que vous feriez bien d’en faire cadeau à votre tour au Professeur Dumbledore pour Noël sans l’ouvrir d’ici-là, lui qui aime tant tout ce qui a goût de réglisse. Mais je crois que vous oublierez qui vous en avait fait cadeau quand vous la lui offrirez. 

Slughorn accepta la bouteille avec un sourire : 

-       C’est très prévenant de votre part mon garçon ! Allez donc vous amuser ! nous somma-t-il alors qu’il tenait la bouteille empoisonnée. 

Nous acquiesçons et nous enfoncèrent dans la salle décorée d’argenté comme si nous étions aussi innocents que les autres élèves. Comme si nous ne venions pas d’offrir à Slughorn la mort de Dumbledore en bouteille. La mort de l’homme qui dirigeait et protégeait l’école dans laquelle nous étions depuis nos onze ans. 

Elle se tenait au milieu de la pièce et me regardait déjà alors que j’entrais avec mes amis. Elle portait une longue robe verte qui arrivait jusqu’au sol et moulait parfaitement son corps alors que ses longs cheveux de feu tombaient splendidement en une tresse épaisse dans son dos. Elle était magnifique. Et elle portait du vert. Je décrochai difficilement mes yeux d’elle alors que je ne pouvais m’empêcher de noter que Weasley n’était pas à son bras, et me saisissait d’un verre de champagne distribué par Londubat, habillé comme un servant. La salle était décorée de rideaux et de petites lumières argentées flottant partout autour de nous, donnant une atmosphère à la fois romantique et magique à la pièce dans laquelle nous nous tenions tous, et faisant scintiller le tissu brillant de sa robe. 

-       Arrête de la regarder, me somma Blaise. 

-       Je ne…, tentai-je de me défendre. 

-       …Arrête, me coupa-t-il avec un sourire en coin. 

-       Elle porte du vert, chuchota Pansy en prenant une gorgée de son champagne. 

-       Et Weasley n’est pas là, constata Theo à voix basse. 

-       Et elle n’arrête pas de te regarder, enchaîna Pansy. 

-       Ça suffit, chuchotai-je en leur direction. 

-       Tiens donc Blaise, dit Pansy avec un sourire, Greengrass est là. 

-       Laquelle ? demanda-t-il en sondant la pièce de son regard chaud. 

-       A ton avis ? provoqua Theo. 

Nos regards se posèrent tous sur elle. Daphné Greengrass était absolument sublime. Elle était grande et fine, tel un mannequin. Elle avait une peau dorée quand bien même nous étions en plein mois de décembre, et ses cheveux étaient aussi blonds que les blés en plein été. Ils étaient lisses mais gardaient du volume et de la matière, ils n’étaient pas de simples baguettes plates. Ses yeux étaient d’un bleu si clair qu’ils avaient presque une couleur inhumaine, et elle était dotée de lèvres pulpeuses à se damner. Elle était de Sang-Pur, et cela se voyait sans conteste, elle avait l’air d’appartenir à la royauté. Elle portait une longue robe d’un blanc immaculé aux manches courtes bouffantes, et un collier de perles décorait son cou fin. La femme idéale, prête à être mariée. Elle tenait une coupe de champagne encore pleine entre ses doigts fins tandis qu’un élève de septième année de la maison Serdaigle tentai de lui faire la cour. Elle lui souriait poliment, mais il fallait être aveugle pour ne pas voir qu’il l’ennuyait.

-       Tu ne disais pas il y a peu que tu comptais l’inviter à sortir à nouveau ? lançai-je dans la direction de Blaise. 

Il pouffa. 

-       C’était une blague pour vous divertir, se dédouana-t-il. 

-       Tapette, lui lança Pansy. 

Blaise posa un regard consterné sur elle. 

-       Je vous signale que j’ai déjà tout vu d’elle, pourquoi est-ce que je réitérerai l’expérience ?

-       Pour apprendre à la connaître ? proposai-je innocemment. 

-       Ben tiens, pouffa-t-il, et ensuite quoi ? 

-       Ensuite tu aviseras si vous vous entendez bien, tenta Pansy. 

-       Elle m’a baffé l’année dernière, je crois qu’on est plutôt au clair sur l’entente entre nous, rappela notre ami. 

-       N’empêche que tu lui plais vraiment, continua Pansy. 

Blaise posa des yeux interrogateurs sur Pansy : 

-       D’où est-ce que tu tiens ça ? 

-       Je partage un dortoir avec elle depuis la première année Blaise, les filles ça parle. Elle ne m’a pas dit que tu lui plaisais, elle a bien trop de fierté pour ça, expliqua Pansy, mais elle n’a jamais été avec personne d’autre, et elle ne parle d’aucun mec malgré son nombre de prétendants, expliqua-t-elle. 

-       Tu m’envoies navrer pour elle, mais je conçois qu’il soit difficile de laisser la place à quelqu’un d’autre après moi, se vanta-t-il en prenant une gorgée de champagne. 

-       C’est quoi le plan, lui demandai-je alors, ne jamais te mettre avec qui que ce soit et les enchaîner jusqu’à la tombe ? 

-       Et pourquoi pas ? renvoya-t-il vers moi. 

-       Effectivement, lui accordai-je, pourquoi pas, je demande simplement si c’est ton plan ? 

-       Ah c’est là toute la beauté de mon plan Malefoy, il n’y a pas de plan ! s’exclama-t-il avec enthousiasme. 

-       Alors pourquoi ne pas aller lui parler et te laisser surprendre ? proposa Pansy. 

-       Pourquoi tu veux absolument me caser comme ça toi ? lança-t-il vers elle. 

-       T’es ma meilleure copine Blaise, qu’est-ce que j’y peux, je veux te voir heureuse, répliqua Pansy avec un sourire. 

-       Mais je suis heureuse ! déclara-t-il en ouvrant grand les bras pour attester de ses mots. 

Je jetai un coup d’œil à Daphné Greengrass et découvrait que le Serdaigle ne l’avait pas lâchée, et l’ennuyait toujours autant. Je pris une nouvelle gorgée de champagne avant de déclarer : 

-       Tu sais quoi, je vais aller tâter le terrain pour toi. 

-       Quoi ? s’étonna-t-il soudainement bien moins détendu. 

-       Juste sa voir s’il y a encore moyen de moyenner ou pas, expliquai-je en commençant à les quitter. 

-       Malefoy ! chuchota-t-il gravement vers moi. 

-       Je me change les idées et en prime je découvre juste si elle est toujours intéressée, après t’en feras ce que t’en veux ou pas, et tout le monde est gagnant, explicitai-je en me retournant vers lui. Fais-moi confiance. 

Je les quittai et rejoignais Daphné qui se tenait debout dans un coin de la salle, coincée par le mec assez fou pour penser qu’il avait une chance avec cette femme. Je me positionnais juste à côté d’elle tandis que le garçon face à elle me regardait avec interrogation. Elle tourna le visage vers moi mais je ne lui rendais pas encore son regard. 

-       Malefoy, me salua avec réticence l’homme dont je ne connaissais pas le nom. 

Je lui accordai un sourire pincé en demandant : 

-       Tu nous excuses une minute ? 

Il hésita quelques secondes en regardant Daphné encore un instant et je ne le lâchai pas des yeux. Il finit par acquiescer en pinçant des lèvres, et s’en alla. La belle blonde se retourna vers moi pour me faire face. 

-       C’est un sauvetage ? me demanda-t-elle de sa voix chantante. 

C’était vraiment une femme toute droit sortie d’un conte de fée. Je lui souris avant de rétorquer : 

-       Je crois qu’il n’y a que lui ici qui ne se rendait pas compte qu’il t’ennuyait. 

-       Et tu penses pouvoir mieux me divertir ? provoqua-t-elle en ma direction alors que ses yeux bleus me sondaient. 

-       Oh je n’aurais pas une telle prétention non, la rassurai-je avec un sourire amical. 

-       Quelles sont donc tes intentions ? demanda-t-elle avec une voix plus basse, plus charmeuse. 

-       Un homme ne peut-il pas simplement espérer échanger quelques mots avec une femme sans qu’il n’y ait d’arrières pensées ? renchéris-je sans mettre un quelconque charme délibéré dans ma voix. 

Elle m’étudia un instant et me sourit. Elle jeta un coup d’œil dans la direction de mes amis et reporta ses yeux sur moi. Blaise nous regardait. 

-       C’est lui qui t’envoie ? 

-       Qui donc ? feignais-je avec innocence. 

Elle pencha le visage sur le côté et posa des yeux lasses sur moi. 

-       On sait tous les deux qu’il vous a tout raconté, déclara-t-elle doucement. 

-       Vraiment ? demandai-je alors. 

-       Ne me prends pas pour une idiote, m’avertit-elle avec chaleur. 

-       Je n’oserai pas. Je sais effectivement que vous avez partagé une soirée, lui accordai-je donc, mais je n’en sais pas plus. Blaise n’est pas du genre à raconter tout ce qu’il partage avec la gent féminine, mentis-je alors. 

Elle pouffa délicatement. Tout ce qu’elle faisait devenait si raffiné malgré elle. Elle avait cependant raison. Blaise était rentré après leur soirée dans notre salle commune et nous avait partagé les moindres détails de ce qu’ils avaient « partagé ». Mais je supposai qu’il valait mieux qu’elle ne le sache pas pour qu’il lui reste une chance. 

-       Bien sûr, il n’est pas du tout du genre à se vanter, dit-elle sur un ton sarcastique alors que sa voix continuait de chanter dans mes oreilles. 

-       Surtout pas du fait qu’il s’en est pris une de ta part, lâchai-je avec un sourire alors que je prenais une nouvelle gorgée de champagne. 

Elle me rendit mon sourire et imita mon geste. 

-       Ses exploits de cette fin d’année raisonnent encore dans tous les dortoirs de l’école, dit-elle doucement. Les tiens, par contre, ajouta-t-elle après un court instant, restent un mystère. 

Elle me faisait du charme. Elle posait sur moi des yeux perçants qui m’écriaient qu’ils étaient curieux de savoir qui j’étais, et ce que j’avais à apporter. Le ton de sa voix déjà séduisante était appuyé de sorte à ce que la mélodie raisonne en moi. Et elle n’avait pas besoin d’en faire beaucoup. Je soutenais son regard avant de rétorquer en faisant attention à ne pas me laisser entraîner dans son jeu : 

-       En ce qui me concerne, je crois que les gens préfèrent parler de mon père. 

Elle acquiesça et baissa les yeux un instant avant de les remonter vers les miens :

-       Oui, le méchant garçon dans la méchante famille, je te l’accorde, ça fait plus parler que quelques coups de reins égarés. 

Je lui accordai un demi sourire. 

-       Et pourtant, quels coups de reins, plaisantai-je alors. 

-       Parce que tu en sais quelque chose ? provoqua-t-elle d’une voix douce mais provoquante. 

-       Certaines histoires parviennent jusqu’à nos dortoirs, répliquai-je avec un sourire. Je dois d’ailleurs noter que tes exploits à toi restent bien mystérieux également, malgré le nombre évident de prétendants. 

Elle prit une nouvelle gorgée de champagne avant de me répondre : 

-       Certaines personnes ont l’intelligence d’apprendre de leurs erreurs. 

-       En était-ce une, d’erreur ? enchaînai-je sans la lâcher des yeux. 

Elle me sonda un moment avec un sourire dans les yeux. Elle semblait peser si oui ou non il était pertinent de répondre réellement à la question que je lui posai-là. Une femme splendide, intelligente et de bonne famille. Blaise serait bien con de ne pas lui mettre le grapin dessus tant qu’il le pouvait encore. 

-       Je ne suis pas du genre à nourrir de regrets, répondit-elle finalement avec une étincelle dans les yeux. 

Il y avait toujours moyen pour mon ami. S’il s’y prenait bien, il y avait toujours moyen. J’acquiesçai discrètement avec un sourire et reprit une gorgée de mon champagne. Elle resta silencieuse alors qu’elle continuait de m’étudier de ses magnifiques yeux, puis elle déclara doucement : 

-       Ma petite sœur a un faible pour toi. 

La façon dont elle l’avait dit signifiait qu’elle souhaitait savoir s’il y avait une possibilité pour sa sœur et moi, et qu’elle voulait le savoir pour elle-même. Pour savoir s’il y avait un espoir d’histoire entre Daphné et moi. En fin de compte, Blaise était peut-être passé à côté de ses chances. Ou alors elle pesait ses options. Je lui souris avec tendresse. 

-       Un certain goût pour les méchants garçons venant de méchantes familles ? 

-       Disons qu’Astoria a…, hésita-t-elle un instant avant de poser à nouveau des yeux charmeurs sur moi, un certain goût pour l’aventure. 

-       Je suppose que c’est de famille, pour être sortie avec Blaise Zabini, ajoutai-je avec malice. 

-       Tu m’as plutôt l’air du genre bonne famille, convenance et bienséance, est-ce que je me trompe ? me demanda-t-elle en ignorant royalement ma remarque sur Blaise. 

-       Tu cherches un mari pour ta sœur ? demandai-je alors sans répondre à sa question. Tu pourras lui apprendre que je ne fais pas dans les plus jeunes. 

-       Contrairement à Zabini, commenta-t-elle en levant un sourcil satisfait. 

Comme si la voie était libre. 

-       Tu sembles avoir une image erronée de l’homme que je connais, tentai-je alors. 

-       Vraiment ? Comment est donc l’homme que tu connais ? 

-       Toujours d’excellente compagnie, loyal et brillant, dis-je avec véracité. Sans compter qu’il est un sportif hors pair, ajoutai-je avec un sourire. 

-       Effectivement, j’aurais plutôt dit hautain, moqueur et arrogant pour ma part, ponctua-t-elle visiblement amusée. 

-       Question de perspective, chuchotai-je presque en souriant. 

-       J’avais donc raison, conclu-t-elle alors, c’est lui qui t’envoie. 

-       En vérité pas le moins du monde, c’est moi qui me suis montré curieux. 

Elle me regarda à nouveau un instant avant de me répondre en tentant de me séduire :

-       A quel point l’es-tu, curieux ? 

Je lui souris. 

-       Je croyais que c’était ta sœur qui avait un faible pour moi ? 

-       C’est vrai, et tu m’as répondu qu’elle était trop jeune pour toi. Le suis-je aussi ?

-       Je ne suis pas à prendre, répliquai-je alors avec douceur tandis que je la rejetai. 

-       Tiens donc, Drago Malefoy aurait-il finalement trouvé chaussure à son pied ? 

Oui, il avait trouvé. Il ne pouvait pas être avec, mais il avait trouvé. 

-       Je préfère ne pas m’exprimer sur le sujet tant que ce n’est pas officiel, mentis-je alors.

-       Voilà qui explique l’absence de conquêtes, commenta-t-elle avec un sourire. 

Je finis mon verre de champagne alors qu’elle ajoutait : 

-       Dis à Zabini que s’il veut savoir s’il a toujours une chance, il n’a qu’à venir me poser la question lui-même. 

-       Je n’y manquerai pas, répliquai-je avec un sourire avant de lui souhaiter une bonne soirée et de m’éloigner. 

Je rejoignais mes amis et attendis un moment avant de leur raconter ce que j’avais appris, c’est-à-dire pas grand-chose à part qu’elle m’avait considéré comme une option et que Zabini avait potentiellement encore une chance s’il s’y prenait bien. Dans le passé, elle avait été une option pour moi également, avant qu’elle ne couche avec mon meilleur ami. Et avant Granger. Bien avant Granger. 

-       Elle n’a pas arrêté de te foudroyer du regard, chuchota Pansy en ma direction une fois que je leur avais raconté ce que Daphné m’avait dit. 

Je tournai les yeux vers Granger et la découvris au niveau du buffet de Slughorn sur lequel reposait de multiples bouteilles et amuses-bouches. De multiples bouteilles, incluant celle que nous avions offerte à Slughorn remplie de poison que Granger tenait dans ses mains, et dont elle se servait un verre. Mon cœur se mit à battre violemment dans ma poitrine alors que j’avançais vers elle à toute vitesse. Putain de Granger, putain de toujours partout à toujours tout foutre en l’air. Elle porta le verre à ses lèvres alors que j’arrivais à son niveau et fracassai son verre sur le sol pour l’empêcher d’en boire une gorgée. Elle me regarda avec étonnement, mais pas tant surprise que cela. Après tout je venais d’éclater son verre sur le sol. Et elle n’avait pas l’air incroyablement déroutée du tout. 

-       Ça ne se fait pas de servir de quelque chose qui ne nous appartient pas, lâchai-je froidement alors que mon inquiétude transparaissait dans le ton tranchant de ma voix. 

-       Je croyais pourtant t’avoir vu arriver avec cette bouteille, et Slughorn l’a déposée sur le buffet, je pensais qu’elle était là pour ça, se défendit-elle à voix basse, de sorte à ce que je sois le seul à entendre ce qu’elle disait malgré les yeux qui s’étaient tournés vers nous après le bruit de son verre fracassé sur le sol. 

Elle avança la main vers la bouteille que je saisi rapidement pour l’éloigner d’elle.

-       Tu as visiblement assez bu pour ce soir Granger, si tu en es à faire tomber tes verres par terre, dis-je plus haut pour les oreilles curieuses. 

Elle ne me quitta pas de ses yeux bruns décorés d’un peu de mascara. De ses yeux inquiets.

-       Qu’est-ce qui ne va pas avec cette bouteille ? me demanda-t-elle doucement, et sérieusement.

-       Ce qui ne va pas c’est qu’elle n’est pas pour toi, tranchai-je sèchement. 

-       Pour qui est-elle alors ? continua-t-elle à voix basse sans me quitter des yeux une seule seconde. 

-       Ça ne te concerne pas. 

-       Qu’est-ce qu’il y a dans cette bouteille Malefoy ? réitéra-t-elle doucement. 

Elle ne lâcha pas. Elle ne lâchait jamais. Même lorsque je croyais qu’elle l’avait fait. Même lorsque je croyais qu’elle n’essayerait plus de m’approcher, ni de s’inquiéter de mes affaires. Elle ne lâchait jamais. Je m’approchai d’elle et chuchotai à son oreille alors que mon cœur battait encore fort dans mon poitrail : 

-       Ce n’est pas parce que je te baise que je te fais confiance. Et ne t’embêtes pas à lancer un maléfice à Greengrass pour qu’elle ne puisse plus jamais me parler, je n’ai discuté avec elle que pour Blaise. 

Elle pinça ses lèvres en une moue colérique alors que je lançai un regard dans la direction de mes amis. 

-       On y va, déclarai-je en m’en allant. 

Je partis avec la bouteille empoisonnée, parce que je savais très bien que Granger était assez bornée pour en boire simplement pour prouver qu’elle avait eu raison de soupçonner quelque chose qui me concernait. 


Suis mon compte dédié sur Instagram pour du contenu en rapport avec la fic ! @ livstivrig 


Laisser un commentaire ?