Coca ou l'odeur
Un réacteur à fission nucléaire auto entretenue, toujours fonctionnel après un siècle sans intervention humaine…
Il avait déjà entendu parler du réacteur nucléaire de Vault City et de l’inimaginable puissance qu’il fournissait, protégeant des ténèbres la ville entière depuis sa création.
Mais les citoyens de la cité de l’abri qui s’étaient aventurés par la Road 80 n’avaient jamais voulu, ou pu, répondre à ses interrogations.
Coca réalisa que si ses suppositions s’avéraient être fondées, il deviendrait instantanément l’homme le plus riche de toutes les terres désolées.
Même Gunnar n’aurait osé imaginer une telle perspective.
Malgré ses futures réticences à aborder le sujet avec un homme capable d’en faire un usage terrible, il y était tenu, tant par sa parole que par sa volonté.
Il n’imaginait à aucun instant trahir un partenaire de travail, certes rendu psychotique par son abus de Med-X, mais la plupart du temps moins abruti que la moyenne haute des habitants du coin, et génial avec un tournevis.
Il savait qu’illuminer une bande de camés au Jet comme ceux d’Elko n’aurait aucun intérêt et serait un gâchis sans nom, mais la NCR…
Ses dirigeants donneraient tout pour une telle technologie, surtout depuis qu’une connaissance de Ling l’avait mis au courant de la fin aux attaques des raiders et Khans, signifiant le retour des capsules dans les poches de ces connards élitistes.
Mais pour ça, il devrait continuer, trouver l’accès au réacteur, et oser le visiter en son antre.
Cette idée le terrifiait, et maintenait à l’écart tous ses rêves de richesse.
Il s’était tenu prostré depuis qu’elle l’avait traversé.
Par deux fois aujourd’hui il avait manqué de finir sous la forme de carcasse sanglante, et avait pourtant triomphé.
La fureur du Wasteland, de laquelle il n’était encore qu’un témoin, l’avait cette fois épaulé.
La sauvagerie intime, présente en tout être, avait guidée sa main, et disposée de chaque cellule de son organisme.
Seul celui qui saurait s’assurer de sa présence à ses cotés pourrait prétendre à une longue existence, par l’extinction de bien des autres.
Par la folie et la bestialité, tel semblait être le credo de ce Monde dévasté.
Un bip court mais strident retentit au niveau de son bras.
Son diffuseur sous-cutané venait d’arriver à la fin de son contenu, et le déplaisir de Coca fut mêlé amèrement à son regret d’en avoir fait un usage trop intensif.
Psycho et Codéine, les effets de l’un sublimés par ceux de l’autre ; idéal pour chasser toute velléité d’objection de conscience, et libérer l’utilisateur de toute morale, en le plongeant dans une torpeur déshumanisée.
La tisane d’Anchorage était le nom que s’était gagné ce poison parmi les troupes du contingent déployé sur la ligne de front, et la recette comme le dosage figuraient sur les manuels standard remis à tous les membres de l’U.S Army.
Malgré ce traitement, ses terreurs ne l’avaient jamais quitté, et elles étaient dorénavant avivées par le manque, rappelant à lui la notion même de sa mort, jusque la voilée
La descente de la tisane était une torture, même pour le plus enduré des camés.
Ce qu’il n’était pas.
En quelques minutes, de violentes crampes d’estomac le jetèrent au sol, ses entrailles écartelées par les signaux de son métabolisme, qui en exigeait plus.
Le souffle court, il était couvert de sueur, et son crâne lui paraissait se fendre en deux tant sa pression crânienne était élevée.
Il vomît une mixture noire et brillante comme du pétrole, un mélange infâme de bile, d’anti-rads et de chien de prairie.
Après avoir avalé deux comprimés de Fixer et une grande poignée de protéines déshydratées, son mal lui fut plus supportable il chercha en lui la force de se redresser.
Il aurait aimé s’assoupir, mais son état physiologique lui empêcherait tout repos, son cœur semblant vouloir s’extirper de sa cage thoracique et résonnant dans ses tempes avec la régularité et la puissance d’une arme bien huilée
Son sac à dos était éventré de part en part, et le projectile anti-matériel avait pulvérisé les pièces électroniques récupérées plus tôt, laissant le reste de son équipement intact mais dispersé dans toute la pièce.
Après avoir réuni le tout, et opéré une réparation rudimentaire à son bagage, il s’engagea au-delà du couloir d’accès.
Franchissant le sas de sécurité, après avoir vérifié l’absence d’autres machines de mort au plafond, un croisement lui fit face.
Le plan anti-incendie récupéré ne faisait nulle part mention des étages inférieurs, hormis dans la superficie, et laissait Coca dans l’incertitude, plutôt déplaisante, de ce qu’il trouverait.
Il choisit d’explorer l’aile gauche en premier, car elle était toujours partiellement éclairée, ce qui permettrait au projecteur de son masque de récupérer un peu d’énergie.
Toujours le même sceau, mais une inscription différente, « Pan-Immunity Virion Project ».
Dans l’alignement du couloir, une quarantaine de salles hermétiques, vitrées, au blanc éclatant, contenant chacune un grand nombre d’appareils reliés à un ordinateur central.
Les placards muraux, toujours réfrigérants pour la plupart, contenaient une quantité innombrable de tubes de prélèvements, remplis d’une substance ayant probablement été du sang, mais de teintes diverses.
Si le temps semblait avoir rempli son office en ces lieux, ils paraissaient pourtant ordonnés et quittés sans précipitation visible.
Les ordinateurs étaient verrouillés, et malgré toutes ses tentatives d’intrusion, il ne pu accéder au réseau pour, de la, tenter de comprendre.
Son échec le mis en rage, ses sentiments enfin relâchés après une si longue hibernation.
Il envoya le lourd écran à travers la pièce, rompant l’ordre impeccable des laboratoires
Par ailleurs, rien ici n’avait de valeur à part le câblage de cuivre, regretta Coca, avant de rebrousser chemin en direction de l’aile B.
Un sas barrait cependant son avancée, et il essaya alors sur le lecteur les cartes magnétiques trouvées dans le poste de sécurité.
Un déclic se fit entendre, et le passage s’ouvrit, laissant visible, à la lueur du projecteur, un spectacle révulsant.
Un alignement de cuves, long de plus d’une centaine de mètres remplissait la salle, et reflétait, à travers la lumière blafarde du masque, son contenu de tripes, d’organes, et de ce qui semblait être des tumeurs disproportionnées, monstrueuses, parfois encore accrochées au porteur.
Les voir flotter entre les deux eaux des ces cuves, tournoyants presque, finit d’expulser les restes de bol alimentaire de son estomac et lui fit écarquiller les yeux de terreur.
Il avait inconsciemment sorti son arme, et ses mains y étaient maintenant fermement fixées, pitoyable réconfort d’un objet, incarnation de sa force mentale prête à ployer.
Sur chaque cuve était affiché le numéro du patient, son groupe sanguin et sa date de mort.
Les fiches d’identifications étaient toutes labelées avec le logo du gouvernement, suivi d’une inscription qui l’avait mortifié, comme foudroyé à l’instant même ou il l’avait déchiffrée.
Limit 115.