L'évadé du clair de Lune

Chapitre 10 : Dans la gueule du loup

4980 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/04/2024 14:24

Transplanant à nouveau, Sirius, Sélène et Remus revinrent au cottage de la forêt en fin d'après-midi. L’Horcruxe qu’ils avaient trouvé pulsait sa magie noire dans le creux de la main de Remus, se calant petit à petit au rythme de son propre cœur. Ils se hâtèrent de rentrer et le loup-garou le jeta sur la table de réunion, au sous-sol, comme si l’objet le brûlait. Tous les trois le regardèrent, méfiants, alors que le médaillon semblait absorber tous les sons alentour.

— Et maintenant ? demanda Remus. On le détruit comment ?

 

Les regards des deux hommes se tournèrent vers Sélène, qui n’avait pas quitté l’Horcruxe des yeux.

— Dans tout ce que j’ai pu lire, je n’ai pas trouvé la façon de s’en débarrasser, dit-elle. Mais ça doit forcément être possible. Il faut juste que ce soit suffisamment destructeur pour que l’objet ne puisse pas se réparer de lui-même.

— Comment ça ? demanda Sirius, les sourcils froncés.

 

Sélène hésita et peina à expliciter sa pensée.

— Le fragment d’âme que l’Horcruxe contient ne peut pas survivre si son contenant est détruit. Je suppose donc que Voldemort a dû l’entourer de plusieurs protections. Il n’est pas fou, il doit y avoir bien d’autres enchantements que la simple potion dont Kreattur a parlé.

 

Sirius se rembrunit.

— Cette simple potion, comme tu dis, a tué mon frère, maugréa-t-il.

 

Sélène se tourna vers lui et posa une main sur son bras, mortifiée.

— Je suis désolée, Sirius, ce n’est pas ce que je voulais dire. Mais… Si Kreattur a échoué à le détruire, je suppose qu’il ne peut pas être brisé ou écrasé si facilement et que la magie des elfes n’est pas assez puissante. Comme il est resté intact, je suppose que le médaillon peut s’autoréparer si les dégâts ne sont pas suffisamment profonds.

— Il faudrait le détruire de l’intérieur alors ? suggéra Remus. Avec une sorte de poison par exemple ?

 

La jeune femme et Sirius reportèrent leur attention sur leur ami. Sélène réfléchissait.

— Ce n’est pas une mauvaise idée et ça vaudrait le coup qu’on essaie, mais il faudrait un poison à la fois rapide, mortel et extrêmement puissant.

— Je vais chercher nos grimoires, décréta Remus avant de se détourner.

 

A ce moment-là, une lettre arriva par le conduit de la cheminée. Les flammes de l’âtre léchèrent l’enveloppe, mais Sélène fut suffisamment réactive pour sauver le pli qui lui était adressé.

— Ça vient de la famille Malefoy, reconnut Sélène en examinant la lettre.

 

Sélène la décacheta et la parcourut rapidement. Mais au fil de la lecture, son visage s’assombrit. 

— Je suis invitée pour une réunion de travail ce soir, annonça-t-elle.

— NON !! s'opposa Sirius, inquiet, se précipitant pour lire l'invitation à son tour.

— Je ne peux pas refuser. Et je te l'ai dit ce matin, je suis sûre qu'il y a un autre Horcruxe chez eux, c’est notre prochaine étape, répondit-elle, galvanisée par leur trouvaille de la journée.

— C'est trop dangereux, contra son fiancé.

— Je ne risque rien, j'ai réussi à gagner leur confiance. Et puis je serai déguisée, Sirius.

 

Le jeune homme la regarda, anxieux. Il savait bien qu'elle avait raison, que c'était la façon la plus simple et la plus rapide de mettre la main sur le deuxième fragment d'âme, si peu de temps après avoir trouvé le premier. Mais au fond de lui, il n'arrivait pas à faire taire ce mauvais pressentiment qui lui serrait le cœur comme un étau.

— Il y aura qui à cette réunion ? Et si quelqu’un finit par te reconnaître ?

— C’est un risque à prendre. Ca fait presque trois ans que je les côtoie et je sais bien que tôt ou tard, ils finiront par se rendre compte de la supercherie. Mais il est encore temps d'aller chercher cet Horcruxe là-bas. C'est notre chance, on ne peut pas la laisser passer, tu le sais.

— Sélène à raison. L'enquête sur ton évasion est lancée, ce n'est qu'une question de jours avant que l'identité de Skye Fallon ne soit révélée, ajouta Remus qui revenait avec quelques livres dans les bras.

 

Sirius baissa la tête, toujours déchiré entre son inquiétude pour sa compagne et l’objectif qu’ils s’étaient fixé. Sélène s'avança vers lui et posa la main sur sa joue râpeuse. Il baissa la tête pour poser son front contre le sien. Elle murmura :

— Il ne m'arrivera rien. Je ne t'ai pas retrouvé pour ne passer qu'une seule nuit entre tes bras. J'en veux plus. Beaucoup plus. Alors je trouverai toujours un moyen de revenir vers toi.

— Tu me le promets ?

— Je te le jure ! promit-elle avant de l'embrasser tendrement.

 

A contre cœur, Sirius hocha la tête et rejoignit Remus qui s’était installé à la table pour trouver dans ses livres un poison qui pourrait réunir toutes les caractéristiques qu’ils recherchaient. Sélène, elle, se dirigea vers la salle de bain pour entamer sa transformation, préoccupée.

 

Les doutes de Sirius l’avaient touchée plus qu’elle ne l’avait avoué. Ses craintes étaient d’autant plus vives que dorénavant, plus rien n’avait été planifié, ils allaient avancer à tâtons et elle détestait ça. Elle avait mis toute une année après l’arrestation de Sirius pour mettre son plan sur pied et apprivoiser ses angoisses. Une année entière pour réfléchir à toutes les éventualités. Elle n’avait rien voulu laisser au hasard. Jusqu’à présent, ses actions avaient donc été soigneusement pensées, travaillées dans les moindres détails et malgré tout, il y avait eu des ratés : elle s’était retrouvée à Sainte-Mangouste, blessée, à découvert, obligée d’oublietter une guérisseuse.

 

Elle soupira, tentant de se reconcentrer et de maîtriser ses mains tremblantes. Puis, devant le miroir témoin de sa transformation, elle sortit tous ses artifices Moldus : ses fausses joues, son faux nez, son maquillage et consciencieusement, elle répéta les gestes qu’elle connaissait par cœur.

 

Coller. Appliquer. Camoufler. Maquiller.

 

Puis finalement, ses iris turquoise disparurent derrière les lentilles noires. Elle tira ses cheveux en arrière pour masquer la douceur et la jeunesse de son visage et le rendre plus austère. Elle revêtit ensuite une tenue sombre, le noir étant la couleur prisée par les Mangemorts… Cliché.

 

Elle s’inspecta une dernière fois dans la glace puis, satisfaite, rejoignit les deux hommes dans la grande salle attenante. Elle les observa quelques instants en silence : ils étaient tous les deux penchés sur les gros manuels de Remus et lançaient par moment des coups d’œil en direction du médaillon. Elle sourit, pendant un instant elle se sentit de retour quatre ans plus tôt, lors de la première guerre. Mais pourtant, tout était différent. Ils avaient tous subit des injustices, Sirius plus que tout autre. Et pourtant, il était là, sans une once d’hésitation, à reprendre la bataille. Il aurait pourtant eu toutes les raisons du monde de tout arrêter. Elle l’admirait tant. Ce fut sa voix qui la sortit de sa rêverie :  

— Il doit forcément y avoir une autre solution que le venin de Basilic. Un truc plus facile à obtenir. Moins mortel surtout…

— C’est pourtant le poison le plus puissant et avec l’antidote le plus rare qu’il soit… Sélène pourrait sans doute réussir à fabriquer un poison tout aussi efficace, mais ça prendrait des mois. Il nous a fallu plus d’un an pour créer la potion qui t’a fait sortir d’Azkaban… Le venin de Basilic semble être le plus simple, peut-être que Dumbledore…. Proposa Remus.

— NON ! protesta Sélène.

 

Ils sursautèrent et se tournent vers elle. Après quelques secondes d’hésitation, Sirius hocha la tête pour acquiescer et Remus les regarda tour à tour avant de soupirer, dépité.

— Franchement… Dumbledore pourrait être notre allié le plus puissant. Il est le seul à s’être opposé à Voldemort à l’époque. Il est le seul à lui avoir réellement fait peur… Alors oui, il a fait des erreurs, mais Dumbledore est un être humain, on a tous tendance à l’oublier…

— Je t’ai raconté ce qu’il s’est passé dans le bureau de Croupton, Remus … opposa la jeune femme.

 

Remus accusa le coup puis finit par rétorquer :

— Oui, mais Dumbledore n’y est pour rien… Il t’a sauvé la vie ce jour-là…

— Il était là et il s’est détourné de moi. Je l’ai supplié de me croire et il n’a rien fait. Ni pour moi, ni pour Sirius… Alors oui, il est peut-être revenu en entendant mes cris. C'est lui qui a éteint le Feudeymon, mais il aurait pu l’empêcher… J'avais confiance en lui… Et lui, nous a condamnés sans hésiter.

— Ta réaction est excessive, Sélène… Il a fait ce qu’il pouvait avec les informations qu’il avait… Tu ne peux pas lui en vouloir pour ça… Dis-lui, Sirius.

 

L’interpellé sursauta. Il avait espéré ne pas être mêlé à cela. Il était partagé entre la volonté de soutenir sa compagne et pourtant, il savait au fond de lui que Remus avait raison. Lui-même n’en avait jamais voulu au directeur, c’était même la preuve que leur plan avait marché, après tout. Il sentait le regard de Sélène peser sur lui et il sut que son hésitation à répondre parlait pour lui. Il se tourna vers elle pour se justifier, mais elle détourna le regard, tête baissée, déçue.

— Sélène… commença-t-il.

— Te fatigue pas, Sirius, j’ai compris… Il faut que j’y aille de toutes façons…

 

Elle fuyait la conversation, il en était conscient, mais il n’avait pas le courage de la confronter. Leurs retrouvailles étaient encore trop récentes et il marchait sur des œufs pour s’adapter aux nouveaux traits de caractère qu’il découvrait chez elle.

 

Remus se racla la gorge, conscient d’avoir créé une tension entre ses amis. Il s’avança pour inspecter Sélène, comme il en avait pris l’habitude durant ces trois dernières années, pour voir si tous les détails de son personnage étaient bien reproduits. Sélène s’y prêta de mauvaise grâce, s’obstinant à éviter son regard. Remus finit par hocher la tête et émit son verdict :

— Parfait !

 

Elle s’apprêta à partir et le cœur de Sirius se serra. Pendant l’inspection de Remus, l’inquiétude s’était à nouveau emparée de lui. Timidement, il lui prit la main pour la retenir et la força à le regarder avant de l’attirer vers lui et de la serrer contre sa poitrine.

— Sois prudente, supplia-t-il à son oreille.

 

Vaincue, elle appuya sa tête contre son torse et savoura son étreinte quelques secondes en fermant les yeux, y puisant force et courage, puis hocha la tête. Elle l’embrassa rapidement avant de rompre leur étreinte et monta au rez-de-chaussée après un rapide signe de la main.

 

Sur le seuil de sa maison, Sélène se concentra et transplana dans le Sud-Ouest de l’Angleterre, dans le Wiltshire, juste devant l'entrée du manoir des Malefoy. Elle resserra son châle autour de ses épaules, frissonnant dans le crépuscule de cette fin d’automne. 

 

Après quelques secondes, le gigantesque portail en fer forgé s’ouvrit devant elle, comme s’il avait détecté sa présence. Plus loin, tout semblait lugubre : la haie, le jardin et la grande silhouette terne et sombre du manoir. Elle inspira un grand coup et commença à avancer, les graviers de l'allée crissant sous ses pas. Le bruit l’irrita davantage que les fois précédentes. Elle fronça les sourcils.

 

Le chemin rectiligne menait droit à l’entrée et, au fur et à mesure qu'elle s'approchait, elle avait le sentiment que tout le domaine se refermait sur elle. La nuit était tombée et la perception du manoir n’était plus du tout la même. Les hautes tours qui la surplombaient lui conféraient des allures lugubres de demeure hantée. Elle déglutit. Son rythme cardiaque augmenta.

 

La visite de ce soir était primordiale et ce serait sans doute la dernière qu’elle ferait. Elle n’avait pas le droit à l’erreur. L’enjeu était trop grand désormais. Sortir Sirius de prison, ça avait été la partie facile. Maintenant, il s’agissait de sauver le monde magique du retour de Voldemort, et ça, ça allait être bien plus ardu… Elle se concentra et profita de son approche pour se vider la tête et reprendre le contrôle de ses émotions : elle était déjà venue, elle connaissait les lieux, ses issues et quelques passages secrets. Petit à petit, son cœur se calma et elle reprit le rôle froid et distant de Skye Fallon.

 

Elle arrivait au pied des marches du perron quand la porte d’entrée s’ouvrit, à l’image de la gueule d’un ogre prêt à la dévorer. Dans l’embrasure, elle distingua une petite silhouette aux grandes oreilles qui, lorsqu’elle eut atteint la dernière marche se prosterna devant elle.

— Soyez la bienvenue, Madame. Dobby va vous conduire auprès du maître.

 

Sélène jeta un coup d’œil rapide autour d’elle avant de s’autoriser un sourire à l’elfe de maison. Elle murmura :

— Bonjour Dobby, je suis contente de voir un visage ami ce soir.

 

A ces mots, les grands yeux globuleux de l’elfe de maison, qui s’était redressé, se remplirent de larmes. Il se mit sur la pointe des pieds et murmura lui aussi, conspirateur :

— Dobby doit prévenir son amie. Vous n’auriez pas dû venir ici, Mademoiselle.

 

Sélène fronça les sourcils et l’elfe poursuivit, conspirateur :

— Dobby a entendu le Maître parler à ses invités. Le Maître est mécontent.

 

Puis l’elfe se précipita pour saisir le porte parapluie et se frapper le crâne avec. Rapidement, Sélène lui retira son arme improvisée et lui demanda, inquiète :

— Qui d’autre est venu ce soir, Dobby ?

 

Mais la voix de Lucius Malefoy résonna dans le manoir et fit sursauter l’elfe de maison qui, sur le point de répondre à la jeune femme, couina et s’empressa de fermer la porte avant d’entraîner la jeune femme profondément dans la grande bâtisse, vers là où se trouvait le bureau du maître de maison.

Suivant docilement le serviteur, Sélène laissa ses yeux errer dans le vestibule et sur les tapisseries des couloirs, tout en jetant des regards à l’intérieur des pièces aux portes ouvertes. Concentrée, elle se fit attentive au moindre détail, parce qu’elle le savait : le deuxième Horcruxe se trouvait là, caché parmi tous ces objets de magie noire qui se perdaient dans le luxe et le faste affiché ostensiblement. Mais comment parvenir à mettre la main dessus et le voler ? Surtout que si Dobby avait dit vrai, elle n’était pas autant en sécurité que ce qu’elle avait pu affirmer à Sirius avant de partir. Et il ne lui restait que quelques pas à faire avant d’arriver dans le bureau de Lucius Malefoy. Il lui fallait trouver une solution. Vite.

 

Son regard se reporta vers l’elfe de maison devant elle. Elle s’était tout de suite rendue compte qu’il était maltraité ici, plus que la plupart de ces congénères dans les autres maisons. Mais, contrairement à eux, Dobby rêvait de liberté. Elle l’avait surpris un jour, qui parlait seul dans un couloir. Il avait eu peur qu’elle ne le dénonce à son maître mais elle n’en avait rien fait et avait ainsi gagné un peu le respect de la créature.

Dobby, quant à lui, l’avait surprise dans une salle de bain, alors qu’elle recollait ses prothèses et retouchait son maquillage. Ce jour-là, elle avait fait le pari d’avoir confiance en lui, comme lui avait eu confiance en elle et elle avait eu raison : l’elfe ne l’avait jamais trahie.

 

Soudain, Sélène s’arrêta. Dobby l’imita, en jetant des coups d’œil apeurés vers la porte au fond du long couloir. Sélène se pencha vers lui et murmura :

— J’ai besoin de ton aide, Dobby.

 

L’elfe jeta encore une fois un regard peu rassuré vers le bureau de son maître puis reporta son attention sur la sorcière en hochant vigoureusement la tête.

— J’ai besoin de trouver un objet ici. Un objet qui dégagerait une mauvaise énergie. Un objet qui aurait pu appartenir à …

 

La sorcière s’interrompit quand elle vit les yeux déjà proéminents de la créature s’agrandir encore davantage sous le choc et la terreur de ce qu’elle s’apprêtait à dire. Il se mit à trembler et à gémir devant elle. Sélène s’accroupit.

— Chuuut, Dobby, intima-t-elle rapidement. Je sais que tu as entendu ce que j’ai découvert dans le livre que ton maître t’a demandé de voler au Ministère. Je sais que tu sais ce que cela veut dire. Le Seigneur des Ténèbres peut revenir et il ne faut absolument pas qu’il y parvienne. Je dois tout faire pour empêcher cela et tu peux m’aider.

— Dobby n’a pas envie que le Seigneur Noir revienne. Dobby se rappelle comment c’était quand Il était encore au pouvoir. Les elfes étaient traités comme de la vermine. Oh… Dobby est toujours traité comme de la vermine, Miss, mais pour les autres, la situation s’est amélioré quand Harry Potter a survécu à Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. *   

 

Le cœur de Sélène se serra à la mention de Harry.

— Je ne veux pas non plus qu’il revienne. C’est moi qui aurais dû prendre soin de Harry et on me l’a enlevé, Dobby. Je me battrai sans relâche pour le récupérer. Mais pour ça il faut que je retrouve cet objet. Tu m’aideras ?

— Il y a beaucoup d’objets ayant appartenu à Celui-Dont-Il-Ne-Faut-Pas-Prononcer-Le-Nom ici, Miss.

— Je sais, ton maître s’en est suffisamment vanté. Quoi qu’il en soit, l’objet que je cherche a eu de l’importance pour Lui. Ce doit être quelque chose d’intime. Quelque chose aussi qui est beaucoup plus noir et plus dangereux que le reste.

— Dobby va chercher, Mademoiselle, parmi tous les objets que le maître a caché dans la cave.

— Merci, Dobby, murmura Sélène, souriante, avant de déposer un baiser sur le front de l’elfe de maison.

 

Ce dernier rougit avant de foncer se cogner la tête contre le mur, en punition pour trahir la confiance de son maître. Sélène le saisit par les épaules et le reconcentra, doucement mais fermement, sur sa tâche première : la conduire auprès de Lucius. Dobby s’exécuta encore un peu chancelant et tituba vers la porte au fond du couloir. Il y entra en se courbant en avant et Sélène le suivit.

 

Elle balaya la pièce du regard et son cœur battit encore plus vite. Finalement, Sirius avait eu raison de s’inquiéter, elle venait de se jeter dans la gueule du loup.

 

Si le maître de maison n’était pas encore arrivé, dans les fauteuils en face de l’imposant bureau en bois d’ébène qui trônait au centre de la pièce, Sélène vit deux hommes. Tous deux d’anciens camarades de classe à Poudlard. Tous les deux capables de la reconnaître. Elle déglutit.

 

Le premier se tourna vers elle. Il n’avait pas beaucoup changé depuis leur scolarité, mais elle était grandement surprise de le trouver ici, la Gazette du Sorcier ayant titré sa mort quelques mois plus tôt.

— Vous semblez surprise de me voir, Miss Fallon, dit-il avec un sourire sadique sur le visage.

— Humm… Il me semblait en effet que vous étiez mort à Azkaban en début d'année, répondit la jeune femme.

— Aaaaaah, Lucius ne vous a rien dit alors ? Remarquez, si j’avais su que vous viendriez nous rendre visite en prison, j’aurais demandé à mon père d’attendre pour m’en faire sortir…

 

Surprise, Sélène sursauta.

— Pardon ? Votre père ? Cela ne correspond pas vraiment à l’idée que l’on peut se faire du personnage. Bartemius Croupton Senior est plutôt connu pour son intransigeance. Et il aurait fait cela pour vous ?

 

C’était une question rhétorique plus qu’autre chose. Croupton Senior était une personne sévère, inflexible : le dos de la jeune femme ne s’en souvenait que trop bien. Barty Croupton Junior éclata d’un rire sans joie :

— Moi ? Bien sûr que non, la seule personne pour qui mon père avait de l’affection, c’était ma mère. Mais ma mère avait de l’affection pour moi. Du coup, quand elle sut qu’elle allait mourir, elle lui demanda, comme dernière volonté, de me faire sortir de prison.**

 

Barty Croupton Junior fit une pause pour ménager son effet. Sélène serra les mâchoires et ne dit rien, attendant qu’il poursuive.

— Il l’a donc fait et grâce à du Polynectar, il a procédé à l’échange. Je suis sorti d’Azkaban et elle y est restée. Et me voici devant vous !! termina-t-il d’un ton triomphal.

 

L’homme sourit mais Sélène n'eut pas l'hypocrisie de lui rendre. Le ton méprisant qu’il avait utilisé la révulsait. Comment pouvait-on avoir si peu d’humanité ! Pourtant, là devant elle, avec ses taches de rousseur et ses cheveux en bataille, ses mains occupées à jouer avec une petite voiture que les enfants Moldus affectionnait tant, il aurait encore pu passer pour un adolescent espiègle mais ses yeux étaient froids et fous.

— Quoi qu’il en soit, reprit Croupton Junior, Lucius nous a dit que c’était grâce à vous que nous avions pu avoir connaissance des Horcruxes. La réparation que vous avez faite sur le livre est fabuleuse et nous a éclairé sur beaucoup de points. Nous avons bon espoir de retrouver notre maître incessamment sous peu. Quel dommage que vous ne soyez plus là pour voir par vous-même les résultats.

 

Le cœur de Sélène se figea. Qu’entendait-il par-là ?

 

— Allons, allons, Barty, cela n’est pas une façon d’accueillir notre invitée, reprocha le deuxième homme d’une voix doucereuse que Sélène n’avait plus entendue depuis des années.

 

Elle déglutit, ça allait de mal en pis. Après les menaces à peine dissimulées, elle se trouvait maintenant en face du pire ennemi de Sirius. Elle tourna la tête vers celui qui avait parlé, assis dans le deuxième fauteuil. Après toutes ces années, Severus Rogue n’avait pas changé : toujours aussi mince, le teint cireux, les dents jaunes et les cheveux gras. Elle réprima un frisson.

 

Mais quand leurs yeux se croisèrent, une sensation de vertige la prit et elle recula de quelques pas, jusqu’à s’adosser à la bibliothèque. Rogue, en face d’elle, fronça les sourcils. Il s’était imperceptiblement redressé et ses longs doigts fins, qu’il avait tenu liés devant lui, se détachèrent pour se reposer sur les accoudoirs, crispés. Il lança un regard rapide et discret vers Barty Junior qui ne semblait rien avoir remarqué.

 

La porte claqua soudain et Sélène se tourna vers le nouvel arrivant. Lucius Malefoy se tenait devant la porte qu’il venait de refermer violemment. Ses yeux gris étaient orageux, ne cachant rien de sa colère.

— Ah, Mademoiselle Fallon, merci d’être venue. J’aurais besoin de vous pour clarifier certains points. Je suis allé au Ministère aujourd’hui et j’ai eu la chance de croiser Madame la Ministre. Elle sortait du bureau des Aurors et m’a invectivé dans le couloir. Avez-vous une idée de ses raisons, ma chère ?

 

Le ton était menaçant et sa main se crispait sur le pommeau de sa canne, où Sélène savait qu’il y rangeait sa baguette. La jeune femme réfléchit à toute allure, ses yeux cherchant une issue. Elle entendit le rire sadique de Barty Croupton sur sa droite. Elle sentait le regard de Rogue posé sur elle. Comme elle ne disait toujours rien, Malefoy reprit la parole :

— Elle me reprochait de lui avoir recommandé un fantôme, surprenant n’est-ce pas ? Les Aurors enquêtent sur vous et la seule Skye Fallon qu’ils connaissent est une enfant de sept ans, morte il y a plus de vingt ans…

 

Sélène s’était préparée à ce genre d’attaque. Elle savait que cela arriverait tôt ou tard. Elle reprit son assurance, leva le menton, fière et hautaine, puis renifla de mépris sans quitter Malefoy des yeux :

— Alors c’est cela que vous me reprochez ? Que les Aurors ne trouvent rien sur moi ? Vous devriez plutôt en être satisfait… Ah ! On peut dire que mes chers parents ont correctement fait leurs devoirs à l’époque en m’effaçant des dossiers du Ministère. Pratique d’être des membres éminents du Magenmagot, n’est-ce pas ?

 

Malefoy cilla, intrigué par sa réponse. Il se retourna vers Rogue qui lui fit un signe de tête puis reporta son attention vers la jeune femme qui lui souriait, arrogante.

— Vous n’avez vraiment rien à m’envier niveau manipulation, Mademoiselle. Mais voyez-vous, j’ai un atout dans ma manche dont vous n’avez aucune idée. Encore mieux que du Veritaserum. Voyez-vous, mon cher Severus, ici présent, est un Legilimens accompli et ça, vous ne pouvez pas le contrer. Vous n’êtes pas celle que vous prétendez être.

 

D’un coup sec du poignet, Malefoy dévissa le pommeau de sa canne et sortit sa baguette qu’il pointa sur Sélène, le regard mauvais. Sélène perdit son sourire et se figea, les yeux fixés sur la baguette menaçante de Malefoy : elle savait qu’elle n’avait plus d’échappatoire. Ses pensées volèrent vers Sirius et son cœur se serra. Elle n’allait finalement pas pouvoir tenir sa promesse.

 

OoooO

 

Sirius et Remus était en train de manger dans la cuisine du rez-de-chaussée quand des coups se firent entendre à la porte. Sirius sauta sur ses pieds et se précipita pour ouvrir mais Remus s’interposa.

— Sélène ne toque pas… dit-il simplement en le tenant par le bras.

 

Sirius blêmit, réalisant soudain ce que cela sous-entendait. Et ses craintes furent confirmées quelques instants plus tard :

— Mademoiselle Fallon, c’est Rufus Scrimgeour, du bureau des Aurors, j’aimerais vous interroger au sujet de l’incident à Azkaban, ouvrez !

 

A ces mots, Remus tira Sirius en arrière, loin de la fenêtre, vers l’accès à la cave, mais d’autres voix se firent entendre :

— Black est à l’intérieur, je l’ai vu !! Par la fenêtre, il est là !!

 

La porte d’entrée explosa et Sirius profita du temps que Scrimgeour mit à le repérer pour lui lancer un Expelliarmus qui l’envoya voler jusqu’à l’orée de la forêt. Pendant ce temps, Remus répara la porte et lança bon nombre de sortilèges de protection pour empêcher les Aurors de rentrer et les deux amis battirent en retraite dans la cave.

 

Au sous-sol, l’alarme anti-intrusion leur vrillait les tympans. Ils échangèrent un regard, catastrophés. Ils venaient eux-mêmes de s’enfermer au sous-sol sans autre issue que celle qu’ils venaient de fuir. 

 


* Extrait du tome 2, HP et la chambre des secrets

** Extrait du tome 4, HP et la coupe de feu

Laisser un commentaire ?