Dollhouse

Chapitre 36 : Six pieds sous terre

14920 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/04/2024 20:21

Nous avions pris un verre tous ensemble, et Blaise avait mis de la musique. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais bien. Sincèrement et simplement bien. Peut-être que je n’avais plus besoin de repousser Granger de la sorte, et peut-être que je pouvais trouver le moyen de la protéger tout en étant avec elle. Peut-être que Rogue était un allié, et peut-être que je pouvais simplement passer une agréable soirée avec mes amis, après avoir passé un merveilleux moment avec la femme que j’aimais. Alors je me délectais du spectacle quand Blaise tendit sa main à Pansy, sur les genoux de Theo, et qu’il la fit danser et tournoyer dans notre salle commune sur les rythmes magnifiques de la musique qu’il passait. Et je les regardais, les larges sourires sur les visages de tous mes amis, la sérénité, l’amour et l’apaisement transpirant de leurs auras. J’écoutais le rire de Pansy retentir alors que Blaise la faisait tournoyer de son bras musclé, et j’ancrais dans mes souvenirs les plus précieux les sourires magnifiques qui décoraient leurs somptueux visages. Puis Theodore se leva de son fauteuil à son tour, et il n’eut rien besoin de dire pour que Blaise lui cède sa place, et les yeux enamourés de Pansy se posèrent sur lui, lui qui la regardait déjà avec des yeux brûlants d’amour, quand il se saisit d’une de ses mains et de sa taille, et qu’il la fit danser à son tour, d’une façon bien plus romantique, et bien plus intime cette fois. Elle se noya dans ses yeux, et lui dans les siens, et Blaise et moi ne pouvions rien faire d’autre que d’être témoins de l’intensité et la pureté de l’amour qu’ils partageaient. Il attira son corps contre le sien, et il la fit danser pendant plusieurs minutes sans que leurs yeux ne se quittent une seule seconde, et le spectacle qu’ils nous offraient apaisa mon âme, et me donna de l’espoir. Ce que ces deux-là avaient prouvait qu’un amour pur et sincère, qui combattait les pires démons qui puissent être existait. Alors je les regardais, je regardais la façon dont les yeux de Theo brûlaient pour elle, et l’amour qui se dégageait de ses yeux à elle. J’étais témoin du lien évident qu’il y avait entre leurs deux âmes, et la vulnérabilité avec laquelle ils s’aimaient. En risquant tout. En se donnant tout. En faisant tomber toute barrière. Sans la moindre retenue. Sans le moindre « et si… » environnant. Sans le moindre doute. Du pur et brut amour qui n’avait pour limite que la durée de leurs vies mutuelles. Et soudain, Theodore cessa de danser. Et soudain, mon cœur s’emballa dans mon poitrail. Et soudain, il baissa les yeux sur son bras gauche. Et soudain, il leva les yeux vers moi, et je savais qu’il voulait savoir si comme lui, ma Marque me brûlait. Et elle ne me brûlait pas. Elle ne brûlait que sur lui. Et sur aucun autre d’entre nous. Et soudain, toute la sérénité et l’amour environnant s’évanouit. Et il ne restait plus que la terreur. 

Les yeux graves de Theo ne quittèrent pas les miens, et j’étais incapable de quitter les siens quand il demanda alors que chacun d’entre nous comprit ce qu’il se passait : 

-       Est-ce que vos bras brûlent ? 

Il connaissait la réponse à sa question. Nous la connaissions tous. Et la voix presque tremblante avec laquelle il avait posé la question nous l’apprenait à tous. Mon estomac se tordit si fort dans mon ventre qu’il m’en faisait soudainement mal, mais mes yeux ne quittaient pas mon frère. Ils ne pouvaient pas le quitter. Parce que je ne savais plus pendant combien de temps je le verrai, en vie devant moi. Et il ne cessait de me regarder, lui aussi, parfaitement conscient de ce qu’il se passait. Pansy, qui se tenait juste à côté de lui, fixait le bras de sa moitié, ses yeux déjà rougis, immobile. Et Blaise, qui tenait son verre dans sa main, demeurait parfaitement immobile également, ses yeux rivés sur notre ami qui était appelé, seul, par le Seigneur des Ténèbres. Notre ami qui allait devenir le Grand Intendant. Mon frère que j’allais peut-être perdre ce soir. 

Aucun d’entre nous ne répondit à sa question, et il avait sa réponse. La musique continuait de retentir dans la pièce, mais je ne l’entendais plus. Je ne voyais que lui, comme s’il n’y avait plus rien autour, parce que rien d’autre n’importait que lui. Parce qu’il était là, encore, pour je ne savais combien de temps. Parce que je ne savais pas ce que le Seigneur des Ténèbres lui voulait, ni ce que mon frère allait traverser seul cette nuit. Et j’allais devoir rester là. Impuissant. Et le laisser aller retrouver le mage noir le plus dangereux de notre siècle, seul. Alors qu’il était là-dedans à cause de moi. Alors qu’il s’était lancé là-dedans pour me protéger, et qu’il s’y enfonçait encore plus, seul, pour nous protéger là-encore. Ma respiration s’était coupée, et quand bien même je sentais les sensations désagréables de l’angoisse monter en moi, je les bloquais. Je les bloquais parce qu’il allait devoir partir. Il ne pouvait pas le faire attendre. Pire encore, il ne pouvait pas ne pas y aller. Ce n’était pas une option. Ce n’était jamais une option, lorsqu’il appelait. Il devait y aller, et il devait être fort. Il ne pouvait pas s’inquiéter pour moi, ni pour aucun d’entre nous. Je ne pouvais pas craquer et partir en crise devant lui. Je ne pouvais céder aux angoisses qui m’envahissaient, les pires qui soient, celles de le perdre lui, parce qu’il devait être fort. Aussi fort qu’il pouvait l’être. Et que lui montrer mes faiblesses en cet instant ne serait que le mettre en difficulté. Parce qu’il ne partirait pas si je lui montrais à quel point j’avais besoin de lui. Parce que c’était ainsi qu’il était, mon frère. Rien ne passerait jamais avant le fait que j’aie besoin de lui. Pas même putain de Voldemort. 

Le temps s’était suspendu entre nous, alors que les yeux bleus de Theo étaient vissés aux miens, nous interdisant un instant de les séparer. Parce que nous savions parfaitement, et nous le savions tous les deux, que dès l’instant où nos regards se sépareraient, il partirait. Alors nous nous accrochions à cet instant comme s’il durerait éternellement, espérant qu’il durerait éternellement, sachant parfaitement qu’il ne se passerait que quelques secondes avant qu’il ne doive me quitter. Avant qu’il ne doive nous quitter. Mais tant que ses yeux étaient enfoncés dans les miens, il était là. Tant que ses yeux demeuraient enfoncés dans les miens, il était en vie. Il n’était encore rien d’autre que mon frère, la personne la plus précieuse que j’avais, et la seule que je savais être absolument incapable de perdre. Pas le soldat du Seigneur des Ténèbres. Pas son Grand Intendant. Rien d’autre que mon frère. Alors je ne le lâchai pas, et il ne me lâcha pas non plus. L’intensité du regard qu’il m’adressait empêchait toute possibilité de déni de la situation de ma part. Je ne pouvais pas me dire des choses aussi simples que « tout ira bien », « c’est Theodore », « ce n’est rien de grave ». Il n’y avait pas de place pour du déni, très peu même pour de l’espoir. Le Seigneur des Ténèbres l’appelait, et il n’appelait que lui. Et aucun d’entre nous ne savions ce qu’il allait traverser, seul, cette nuit. Et cette pensée me retournait l’estomac. Il allait y aller, seul. Il serait seul. Seul face à lui. Et je ne serai pas là. Je ne serai pas à ses côtés. Je ne pourrais pas m’assurer qu’il rentre auprès de sa femme. Je ne serai pas à ses côtés pour combattre quoi que ce soit qui l’attendait. Et ce n’était pas juste. Ce n’était pas juste parce qu’il était tout ce dont j’avais besoin dans cette vie et dans toutes celles d’après. Parce qu’il n’existait qu’une seule personne sur cette planète qui pouvait me détruire intégralement, et ce n’était pas le Seigneur des Ténèbres. C’était lui. C’était mon frère. Par son absence, il pouvait m’anéantir. Alors je le regardai. Je le regardai, parce que c’était tout ce qu’il me restait. C’était la seule chose à laquelle je pouvais m’accrocher, dans ce présent anxiogène. Alors je regardai ses cheveux noirs tomber sur ses sourcils parfaitement tracés, et je regardai le bleu incroyable de ses yeux qui ne me lâchait pas. Je regardai la finesse de son nez et la forme pulpeuse de sa bouche. Je regardai la pâleur de sa peau et la façon dont sa mâchoire était incroyablement taillée. Et je me rappelai qu’il était la personne la plus forte que je connaissais. Qu’il était la personne la plus capable que je connaissais. Qu’il était la personne la plus sure que je connaissais. Qu’il était la personne la plus courageuse que je connaissais. La personne la plus intelligente, de bien des façons, que je connaissais. La personne la plus sage que je connaissais. Et le soldat le plus redoutable que je n’avais jamais pu rencontrer. Je pris une profonde inspiration par le nez, et lorsqu’il observa que de l’air passa effectivement jusque dans mes poumons, il acquiesça discrètement en ma direction, et finalement, il détourna les yeux de moi. 

J’eu le sentiment qu’on me le volait, à cet instant où il quitta mes yeux. Qu’on me le prenait. Qu’il me le prenait, le Seigneur des Ténèbres. Mais il me reviendrait. Il devait me revenir. Il était la personne la plus forte que je n’avais jamais rencontré. Il me reviendrait. Il me reviendrait toujours. Il était indestructible, me forçai-je à penser. Oui, il était indestructible. Personne ne pouvait le briser, à part peut-être le bout de femme qui se tenait toujours à côté de lui, figée. Il était tel un super-héros à qui rien ne pouvait arriver, parce qu’il était le héros. Le héros sans qui l’histoire ne pouvait pas continuer. Alors il reviendrait, parce que sans lui, l’histoire s’arrêterait. 

-       Je dois y aller, déclara la voix dominante de Theo. 

La voix de l’homme qui prenait toutes les responsabilités du monde sur ses épaules, et qui les assumaient. La voix de l’homme qui allait peut-être à l’abattoir, et qui n’avait même pas peur de le faire. La voix de l’homme qui faisait ce qui devait être fait, toujours, en toutes circonstances, peu important ce que cela impliquait où lui demandait. Il avait fait le tri dans son esprit. Et il était prêt. La tonalité de sa voix me l’apprenait, sans le moindre doute. C’était le Grand Intendant. Le guerrier le plus redoutable qui soit. Et il devait effectivement y aller. Mais il reviendrait. Parce que nous serions toujours là pour l’attendre. Parce que nous aurions toujours besoin de lui. Alors il reviendrait. Il reviendrait pour nous. 

Je concentrai l’intégralité de mon attention sur Pansy à partir de cet instant. Elle tentait désespérément de ne rien montrer quand Theodore commença à se diriger vers la porte de notre salle commune alors que nous l’accompagnions tous jusqu’à celle-ci. Elle tentait de ne rien montrer parce qu’elle savait. Elle savait qu’il devait être concentré. Qu’il devait être fort et fermé. Elle savait qu’elle ne pouvait pas le perturber en lui montrant la détresse évidente qu’elle ressentait, parce qu’elle était terrorisée. Nous l’étions tous. Mais nos peurs ne feraient que le rendre plus vulnérable si nous les laissions s’exprimer alors qu’il était encore là. Et elle le savait parfaitement. Elle se tint droite devant lui, le visage aussi fermé qu’elle le pouvait, et elle le regardait alors qu’il lui faisait face. Elle ne put retenir une unique larme de couler le long de sa joue alors qu’il rencontrait finalement ses grands yeux verts. Elle était forte. Elle était forte pour son homme. La véritable femme d’un guerrier. Une guerrière. Elle porta une main tremblante vers son propre visage pour essuyer la larme qui coulait le long de sa joue, mais Theodore la devança d’une main qui elle, ne tremblait pas. Il essuya lentement la larme sur sa joue sans quitter ses yeux, et elle chuchota avec tout son amour, et toute son angoisse qu’elle tentait de contenir : 

-       Aller, vas-y. 

Il encadra son visage pâle de ses deux mains puissantes et affirma de sa voix de Grand Intendant, celle qui ne laissait pas la place au doute : 

-       Je vais revenir. 

Une nouvelle larme coula le long de la joue de Pansy qui ne lui répondit rien, mais acquiesça faiblement. Elle avait peur de ne pas pouvoir le croire, et mon cœur se brisa en mille morceaux dans mon poitrail. Elle le laissait partir parce qu’il le fallait. Elle se contenait parce qu’il le fallait. Mais elle était détruite. Tout cela la détruisait. Et c’était évident pour qui que ce soit poserait les yeux sur elle. Peu importait à quel point elle avait envie de lui demander de rester. Peu importait à quel point elle avait envie de le supplier de rester avec elle. Elle le laissait partir. Elle baissa les yeux un instant, incapable de soutenir son regard, et sa voix vibrante raisonna une nouvelle fois alors qu’il ne lâchait pas son visage : 

-       Regarde-moi. Je vais revenir. 

Elle acquiesça encore alors que ses sourcils se fronçaient sur son front, traduisant la douleur qu’elle ressentait et la difficulté avec laquelle elle essayait désespérément de contenir cette douleur en elle. 

-       Fais-moi confiance. Je vais revenir, promit-il encore. 

Il déposa un baiser appuyé sur le front de la femme qu’il aimait de la façon la plus violente qui puisse être, puis il laissa ses mains glisser de ses joues. Il sourit à Blaise et acquiesça vers lui avant de poser des yeux graves sur moi une nouvelle fois. La façon dont il me regarda m’obligea à pénétrer son esprit, parce que je savais que c’était ce qu’il me demandait. Dès que je fus à l’intérieur de sa tête, il m’ordonna : 

-       Tu prends soin d’elle le temps de mon absence. 

J’acquiesçai silencieusement avant de l’avertir :

-       Si tu reviens pas, je te tue. 

Il m’adressa un somptueux sourire confiant et dit d’une voix joueuse : 

-       Tu peux toujours essayer. 

Je me forçai à lui rendre son sourire, quand bien même je ne savais pas où je trouvais la force en moi de lui adresser un tel geste dans ces circonstances, puis je lui adressai les mots dont j’avais besoin pour me rassurer : 

-       Je te verrai demain. 

Son sourire se fit plus tendre quand il me répondit : 

-       Et tous les jours d’après. 

Il m’ouvrit ses bras et m’y enferma en une étreinte puissante. J’inspirai profondément pour remplir mon nez de son odeur de musc, cette odeur si caractéristique de sa peau que je connaissais depuis que je savais marcher. Cette odeur qui m’apaisait toujours tant. Cette odeur qui me rappelait que j’étais à la maison quand j’étais dans ses bras. Et je priai. En cet instant je priai, je priai pour qu’il me revienne. Je priai pour que je puisse rentrer à la maison, lorsqu’il repasserait le bas de cette porte. Je priai de pouvoir retrouver ces bras qui m’affirmaient que j’étais en sécurité. Parce que sans lui je n’avais plus de chez moi. Il me reviendrait. Il allait revenir. Il l’avait promis. Il allait revenir. 

Il se retourna, et disparu derrière la porte, s’enfonçant dans les ténèbres, seul face aux démons qui l’attendaient au bout de son voyage. Je sentis mon cœur se serrer violemment dans mon poitrail, et je tournai immédiatement le regard vers Pansy. Je devais m’occuper d’elle pendant qu’il n’était pas là. Il me l’avait demandé. Et tant que mon attention serait entièrement sur elle, mes propres angoisses ne seraient que secondaires, et je tiendrais jusqu’à son retour. Dès que la porte de notre salle commune se ferma derrière lui, elle ferma les yeux, ses sourcils froncés sur son front. Plusieurs larmes coulèrent le long de ses joues alors qu’elle restait figée devant cette porte, juste là où il se tenait il n’y avait que quelques courtes secondes de cela, et elle garda les yeux fermés tandis qu’ils pleuraient malgré elle. Elle écoutait ses pas s’éloigner, compris-je alors. Elle tenait jusqu’à ce qu’elle entende qu’il était parti. Je tendis l’oreille, moi aussi. Et j’entendis chacun des pas lourds de Theodore s’avançant vers notre Maître. Le corps de Pansy commença doucement à trembler alors qu’elle demeurait immobile devant la porte, ses yeux fermement clos, et dès que je ne pus plus entendre les pas de son âme-sœur, elle s’écroula sur le sol. Sa bouche s’ouvrit et un cri douloureux étouffé sorti d’elle alors qu’elle cherchait de l’air, d’imposantes larmes coulant le long de ses joues. Elle avait tenu jusqu’à ce qu’il parte. Elle s’était retenue jusqu’à ce qu’il parte. Et désormais il était parti. Et elle était détruite. Une nouvelle fois, mon cœur se brisa dans mon poitrail, mais elle avait besoin de moi. Elle avait besoin de nous. Blaise et moi tombions tous deux accroupis auprès d’elle alors qu’elle encerclait son ventre de ses deux bras comme s’il lui procurait une douleur abominable, la douleur due à la terreur de perdre l’homme qu’elle aimait. Ses jambes étaient repliées sur elle, et elle ne pouvait retenir les bruits déchirants qui sortaient d’elle alors qu’elle sanglotait violemment. L’intégralité de sa douleur et de sa terreur pouvaient enfin s’exprimer, maintenant qu’il était parti. Elle avait tenu pour lui. Mais tout cela la détruisait. Qu’il devienne le Grand Intendant, cela la détruisait. Et alors que je tombais à genoux devant elle, tentant de poser des mains rassurantes sur ses jambes, je réalisai à quel point elle avait dit la vérité, lorsqu’elle lui avait dit qu’elle ne pouvait pas le supporter, mais qu’elle le ferait quand même, parce qu’elle n’avait pas le choix. Parce qu’elle l’aimait trop pour pouvoir se soustraire à son amour. Peu importait les conséquences que cela aurait sur elle. Peu importait à quel point cela la détruisait de l’intérieur. Six pieds sous terre, elle continuerait de le soutenir. Six pieds sous terre, elle continuerait de tenir bon pour lui. Six pieds sous terre, elle continuerait de se tenir à ses côtés. Six pieds sous terre, elle continuerait de l’aimer. Et elle pleurerait. Et elle hurlerait. Et elle perdrait la tête. Mais jusqu’à ce que son cœur cesse de battre, elle se tiendrait à ses côtés. Et elle marcherait jusqu’aux confins des enfers en lui tenant la main, en sachant pertinemment qu’elle serait brûlée vive au bout du chemin. 

Les sanglots violents secouaient l’intégralité de son corps frêle alors qu’elle demeurait repliée sur elle-même, tombée sur le sol de notre salle commune, et le son assourdissant de sa douleur remplissait la pièce de la pire façon qu’il soit. Et bientôt, elle manqua d’air et son torse vint rencontrer ses cuisses repliées à la recherche d’un peu d’air. Elle faisait une crise d’angoisse. 

-       Pansy, tentai-je de l’appeler en saisissant plus fermement ses genoux. 

-       Bébé, essaya un Blaise dont la douleur qu’il ressentait pour sa meilleure amie était lisible sur l’expression paniquée de son visage. 

Il se tenait à côté d’elle, passant des mains effrénées dans ses cheveux ainsi que sur ses joues. 

-       Bébé, regarde-moi, suppliait-il dans toute son impuissance devant la violence de la douleur de notre amie. 

Ses propres yeux rougirent, mais nous devions être forts pour elle. Nous devions nous occuper d’elle. Elle avait besoin de nous. Elle qui était toujours, toujours présente pour nous. Elle qui était restée au chevet de Blaise des jours et des jours lorsqu’il avait perdu sa mère. Elle qui avait prononcé les mots qu’il ne pouvait pas dire à son enterrement. Elle qui avait toujours eu l’honnêteté de me dire mes quatre vérités quand tout le monde prenait des gants avec moi, mais qui toujours assurait derrière et demeurait là pour moi. Elle tenait toujours bon pour nous tous. Elle partageait toujours chacune de nos peines, et elle restait toujours à nos côtés, tout le temps qu’il le fallait, depuis notre première année à Poudlard. Et c’était elle qui avait besoin de nous cette fois. 

Elle ouvrit difficilement des yeux rouge écarlate et tourna le visage vers Blaise qui continuait de l’appeler et de caresser frénétiquement ses cheveux, mais ses sanglots ne se calmèrent pas, et elle ne pouvait toujours pas respirer. 

-       C’est Theo, chuchota-t-il en continuant de caresser ses cheveux. C’est Theo, répéta-t-il, il va revenir. Tout ira bien, il va revenir. 

Elle avala difficilement sa salive et quelques-unes des larmes qu’elle ne pouvait s’arrêter de pleurer et qui tombaient au creux de ses lèvres, et elle ne quitta pas les yeux de Blaise. Elle cherchait de la force en eux. Elle cherchait de la foi en eux. Je caressai ses genoux en appuyant sur ceux-ci, cherchant à lui faire sentir mon contact, cherchant à la faire revenir dans le présent. Cherchant à la connecter à une autre sensation que celles imposées par sa terreur et sa douleur. 

-       Il le veut à ses côtés, ajoutai-je en cherchant des faits. 

Les faits étaient la seule chose à laquelle je pouvais m’accrocher et qui fonctionnait lorsque je traversais des crises d’angoisse comme celle dans laquelle elle était coincée. Parce que lorsque nous étions dans un tel état, nous ne parvenions plus à réfléchir clairement. La seule chose que notre cerveau nous laissait percevoir était quantité de scénarios plus catastrophiques les uns que les autres, sans que nous puissions l’arrêter. Mais les faits étaient tangibles. Ils étaient réels. Des faits. C’était tout ce qu’il nous restait. Tout ce à quoi nous pouvions nous accrocher. Les faits. 

-       Il ne lui fera pas le moindre mal, il n’est pas en danger, lui assurai-je en me concentrant sur les faits. Il veut lui confier le poste le plus important qu’il y a parmi ses rangs. Il a besoin de lui. Il ne lui fera pas de mal, parce qu’il a besoin de lui. 

Ses grands yeux verts inondés de larmes se fixaient sur les miens, et elle écoutait attentivement ce que je disais, tentant de le prendre en compte malgré le fait qu’elle ne pouvait cesser de sangloter. C’était vrai, je le supposai, d’une certaine manière. Le Seigneur des Ténèbres avait besoin de lui. Il l’envisageait pour être son bras droit. Il n’allait pas le tuer. Il ne pouvait pas le tuer. Il avait besoin de lui, me répétai-je à moi-même. Je savais de l’expérience de mon père que cela ne signifiait pas pour autant qu’il était en sécurité. Je savais de cette expérience que cela signifiait probablement même qu’il était peut-être plus en danger que n’importe qui d’autre dans ses rangs, parce qu’il n’avait pas le droit à la moindre putain d’erreur. Mais Theo ne faisait pas d’erreur. Theo ne faisait jamais d’erreur. Sa baguette ne tremblait jamais. Il ne doutait jamais. Il n’échouait jamais, pas lorsqu’il était question de violence et de devoirs. Il faisait ce qu’il avait à faire, toujours. Et tant qu’il continuerait à le faire, il serait en sécurité. Oui, il serait en sécurité. Le simple fait qu’il soit Theodore Nott faisait qu’il était en sécurité. Personne ne pouvait le détruire. Personne, à part la fille qui pleurait à mes pieds. 

-       Il est fort, continua Blaise. Il est plus fort que n’importe qui d’autre dans les rangs, et c’est pour ça qu’il le veut. Mais c’est aussi pour ça qu’il va rentrer, Pansy, lui assura-t-il. 

Elle sembla pouvoir commencer à inspirer un peu d’air, et la violence de ses sanglots se calma d’un degré presque imperceptible pour qui que ce soit qui ne connaissait pas ce qu’elle traversait en cet instant. Mais moi, je connaissais. Je savais parfaitement l’état dans lequel elle était. L’impuissance dans laquelle elle était. L’impression d’être en train de mourir qui contrôlait son corps et son esprit. Et je savais qu’elle commençait doucement, tout doucement, à se calmer un peu. 

-       Vous…, tenta-t-elle de parler sans pouvoir terminer sa phrase en cet instant alors que de nouveaux sanglots la secouaient. 

-       Chut…, la reprit Blaise, respire. D’abord, respire, ordonna-t-il alors que les traits de son propre visage continuaient de traduire la douleur qu’il partageait pour sa meilleure amie. 

Elle lui obéit, et nous respirions tous deux en cœur avec elle. Nous en avions tous secrètement besoin, quand bien même c’était elle qui était dans le pire état. C’était son homme. Elle devait regarder son homme partir elle ne savait où, pour faire elle ne savait quoi, appelé par le pire mage noir de tous les temps, qui voulait faire de lui son bras droit. Oui, il y avait de quoi perdre la raison. Il y avait de quoi pleurer, et il y avait de quoi angoisser. Et je savais, de la douleur dans mon estomac que je ressentais et qui ne me quittait pas, que si j’arrêtais de me concentrer sur Pansy l’espace de quelques secondes seulement, je serai exactement dans le même état qu’elle. Parce que notre Theo était parti, et que nous ne savions pas quand, ni comment il allait revenir, si tenté qu’il reviendrait. 

-       C’est ça, respire, l’encouragea Blaise alors que ses sanglots se calmèrent encore d’un degré. 

Les lèvres de Pansy tremblaient à chaque inspiration qu’elle prenait, et elles tremblaient plus encore quand elle tentait d’expirer, de lourdes larmes continuant de couler le long de ses joues pâles. Je me concentrai sur la couleur de ses yeux un instant, tentant de mettre à nouveau de côté la peur que mon frère ne me revienne pas. Le vert saisissant de ses yeux était accentué par les larmes qu’elle pleurait, le blanc de ses globes devenu rouge. Saisissants, c’était le mot qui décrivait ses yeux. Et leur couleur n’était que plus accentuée par la noirceur de ses cheveux qui encadraient son visage, et que Blaise caressait toujours. Il ne laisserait pas ces yeux. Il n’abandonnerait jamais ces yeux. Il rentrerait toujours pour ces yeux qui pleuraient aussi violemment qu’ils brûlaient pour lui. Oui. Tant que ces yeux-là demeureraient ouverts, il rentrerait. Je m’accrochai aussi fort à cette dernière pensée que je m’accrochai aux genoux tremblants de Pansy, tentant désespérément de la ramener dans le présent avec nous. Un présent dans lequel Theodore allait bien. 

-       Il ne lui fera rien, lui assura Blaise alors qu’il saisit son crâne pour y déposer des baisers appuyés tandis qu’il continuait de caresser ses cheveux. Il est en sécurité, il ne lui fera rien. 

Les mains de Pansy vinrent se renfermer autour de l’avant-bras de Blaise qui encadrait son visage, et elle s’accrocha à lui, ainsi qu’à ses mots, de toutes ses forces. Mais ses sourcils demeuraient douloureusement froncés, et elle continuait de pleurer toute sa terreur, et toute son impuissance. Elle laissa ses grands yeux verts s’enfoncer dans les miens, et elle ne les lâcha pas, tout comme elle ne lâcha pas le bras de Blaise. Et elle s’accrocha à nous, autant de temps qu’il lui fallut. Et nous ne la lâchions pas, nous non plus. Elle acquiesça en ma direction alors qu’elle continuait de pleurer, puis elle chuchota avec le peu de voix qu’elle avait :

-       Il va rentrer, me dit-elle. 

J’acquiesçai en retour, une larme perlant sur ma propre joue. Et je ne lâchai pas ses yeux, et elle ne lâcha pas les miens. 

-       Il va rentrer, lui confirmai-je. 

Elle mordu sa lèvre inférieure de toutes ses forces alors qu’elle tentait de pleurer ses dernières larmes, acquiesçant encore à mes mots. Blaise continuait de déposer des baisers soutenants sur son crâne, et il ne lui retira pas son bras. Parce qu’elle s’accrochait à nous comme elle le pouvait. Parce qu’elle s’accrochait à l’espoir comme elle le pouvait. Parce qu’elle était terrorisée, et qu’elle avait besoin d’un filet de sécurité. Parce qu’elle était terrorisée, et qu’elle avait besoin de nous pour l’empêcher de sombrer. Parce qu’elle tombait, et qu’elle avait besoin de nous pour la relever. Et je réalisai en cet instant qu’elle était tout aussi incapable de le perdre que je l’étais. Et que si nous le perdions, ni Blaise, ni personne, ne pourrait nous relever. Elle brûlait pour lui, et ce feu la consumait. La violence de son amour pour lui la consumait. Moi, j’étais condamné depuis longtemps. Mais elle, elle sombrait dorénavant avec moi depuis qu’elle était devenue sienne. Réellement sienne. Et elle se perdrait elle-même, si elle le perdait un jour. Et il n’y avait plus rien que nous pouvions faire pour limiter ces dégâts-là. Parce que c’était Theodore Nott, et qu’il n’y avait personne d’autre comme lui. Parce que c’était lui. C’était lui, le protagoniste de mon histoire, tout comme il était celui de la sienne, à elle. Et les yeux de Pansy ne quittèrent pas les miens, et je savais qu’elle savait, tout autant que moi, que nous étions condamnés. Condamnés à mourir d’inquiétude pour lui. Condamnés à nous demander quand est-ce qu’il rentrerait de ses missions. Condamnés à nous demander s’il rentrerait de ses missions. Mais que nous le ferions. Nous l’attendrions. Nous l’attendrions toujours. Peu importait l’état dans lequel nous serions. Peu importait ce que nous traverserions en attendant le retour du Grand Intendant. Nos cœurs continueraient de saigner en attendant son retour. Nous continuerions de saigner jusqu’à ce qu’il nous revienne. A chaque fois. Parce que c’était lui. C’était lui, et c’était tout. 

Alors elle s’accrochait à mes yeux, parce qu’elle savait que je pouvais ressentir ce qu’elle ressentait. Elle savait que j’aimais cet homme-là de toute la force de mon âme, moi aussi. Et elle trouvait dans mes yeux un peu de la force dont elle avait besoin, parce qu’en cet instant je savais qu’il allait rentrer. Il le devait. Il rentrerait pour elle, et il rentrerait pour moi. Il l’avait promis. Et Theodore Nott ne faisait pas de promesse qu’il n’était pas sûr de pouvoir tenir. Il ne m’avait jamais mentis. Il ne m’avait jamais assuré quelque chose qui ne s’était pas réalisé. Jamais, de toute notre vie. Lorsqu’il ne savait pas, il ne promettait pas. Il avait promis qu’il ne me laisserait pas. Alors il ne me laisserait pas. 

Finalement, les sanglots de Pansy se calmèrent doucement, et lentement, très lentement, elle commença à respirer à nouveau. Blaise lâcha son visage et nous restions assit avec elle par terre un moment, l’entourant de tout notre amour. Et nous resterions avec elle jusqu’à ce qu’il rentre. Et je me concentrerai sur elle jusqu’à ce qu’il rentre, refoulant ma propre terreur. Ma propre incapacité de le perdre. Parce que ce n’était pas une option que je pouvais envisager sans perdre la raison. Toute raison. 

Blaise finit par se lever, et nous servit trois verres qu’il posa sur la table basse. Il entoura ses bras sur le ventre de Pansy et l’aida à se soulever du sol, et je me levai avec eux. Il l’aida à s’asseoir sur le canapé de ses jambes tremblantes alors que des larmes silencieuses continuaient de couler sur ses joues, et il prit place à sa gauche, et moi à sa droite. Il laissa son bras reposer autour de ses épaules, et porta à ses lèvres le verre qu’il avait rempli pour elle, dont elle prit une gorgée. Sa tête trouva du repos, appuyée contre le bras de Blaise, puis quand elle put parler, elle chuchota : 

-       Vous ne comprenez pas… S’il est Grand Intendant, si par miracle il ne meurt pas de la main des autres Mangemorts où du camp adverse… Il ne sera jamais libre. A l’issue de la Guerre, quelle que soit l’issue, parce qu’il sera jugé, et il sera envoyé à Azkaban. Il ne sera jamais libre, chuchota-t-elle alors qu’une nouvelle larme perla le long de sa joue. 

Et ce fut comme si je venais d’être frappé de plein fouet par un train. Parce que je ne l’avais pas réalisé. Je n’y avais jamais songé. Nous autres aurions des circonstances atténuantes. Nous étions des enfants sous la coupe du pire mage noir de tous les temps. Nous pouvions compter sur la contrainte. Nous pourrions défendre nos actes. Nous pourrions plaider que nous n’avions pas le choix. Que c’était cela, ou nos vies, ainsi que celles de nos proches. Ils seraient plus enclins à nous pardonner, si c’était l’Ordre qui gagnait. Mais si Theo était le Grand Intendant, il ne serait jamais pardonné. Il devra commettre des actes d’une telle atrocité qu’il ne sera jamais pardonné. Il serait le bras droit du Seigneur des Ténèbres. Connu et craint de tous. La gravité de ses actes ne serait jamais pardonnée, qu’il ait le même âge que nous ou non. Ils ne pourraient jamais, jamais laisser le bras droit s’en tirer. Jamais. Il ne serait jamais libre. Et si c’était les Mangemorts qui remportaient la Guerre, il ne serait jamais libre non plus. Dans tous les cas, il était condamné. 

Les douleurs dans mon estomac s’intensifièrent violemment face à cette réalisation, et l’air commença à me manquer. Mon frère ne serait jamais libre. Le pire n’était pas qu’il devienne le Grand Intendant. C’était qu’à partir du moment où il le deviendrait, il ne serait plus jamais rien d’autre que cela. Le Grand Intendant. Condamné par l’Ordre et emprisonné par le Seigneur des Ténèbres. C’était cela, la position qu’il lui offrait. Une condamnation à vie. Et il la prendrait, même s’il en était conscient. Il l’était probablement d’ailleurs, totalement conscient. Il l’était toujours. Sage, lucide, et conscient. Et il le faisait quand même. Pour nous. Pour nous protéger. Au prix de sa vie. Au prix de son âme. Au prix de son rêve d’une vie avec Pansy. Il le faisait quand même. Des larmes montèrent à mes yeux alors que l’angoisse grandissait en moi, et ce fut le moment où les sanglots de Pansy recommencèrent à se manifester en une nouvelle crise d’angoisse. Je me tournais vers elle, et mettais de côté ma propre douleur. Ma propre terreur. Parce que tant que je pouvais me concentrer sur elle, je pouvais tenir. Je pouvais continuer. 

-       Eh, tentai-je doucement. On trouvera une solution, mentis-je alors qu’elle recommençait à être secouée par sa peine. On fuira le pays, et on passera le reste de nos vies à fuir s’il le faut. 

Oui, nous fuirions. Je m’accrochai à cette dernière pensée. La part intellectuelle de moi me hurlait que l’intégralité du monde serait à sa recherche et que nous ne pourrions jamais leur échapper éternellement, mais en cet instant je choisissais de ne pas l’écouter. Parce que si je l’écoutais, j’allais sombrer moi aussi. Nous fuirions. Nous trouverons des solutions. Et nous fuirions avec lui. Jusqu’à notre mort s’il le fallait. 

-       On ne les laissera jamais l’attraper, renchéri Blaise. Jamais, tu m’entends ? 

Elle acquiesça doucement, mais elle ne pouvait toujours pas s’arrêter de pleurer. Non, on ne les laissera jamais l’attraper. Je ne les laisserais jamais l’attraper. Jamais. J’exterminerai jusqu’à la dernière putain de vie, jusqu’au dernier putain d’homme, jusqu’à la dernière putain de femme, et jusqu’au dernier putain d’enfant s’il le fallait. Je ne les laisserai jamais, jamais avoir mon frère. En cet instant, je m’en faisais la promesse. Si nous traversions cela, si nous survivions à cela, et si le Seigneur des Ténèbres était vaincu, je ne les laisserais jamais l’attraper. 

-       Regarde-moi, ordonnai-je à Pansy d’une voix assertive. 

Elle rencontra mes yeux graves de ses yeux pleins de douleur. 

-       Je ne les laisserais jamais l’attraper. Je te le promets. Jamais. 

La force de ma conviction vibra en elle, et ses sanglots s’apaisèrent une nouvelle fois. Elle garda le contact avec mes yeux un moment, s’assurant de la véracité de mes paroles, et de la force avec laquelle je lui faisais une telle promesse. Quand elle fut assurée que je ne lui mentais pas, et je ne lui mentais pas, elle détourna les yeux, sécha ses dernières larmes, et avala le contenu de son verre cul-sec. Blaise et moi imitions son geste. Il me semblait qu’en cet instant, nous en avions tous besoin.

Alors que nous attendions son retour, je réalisai une nouvelle fois que c’était réel. Cela, tout cela. C’était réel. C’était ma vie. Notre vie, désormais. Et ce que je voyais de Pansy, l’état dans lequel elle était, je ne pouvais pas imposer ça à Granger. Et je ne pouvais pas la mettre en danger. Parce que le danger était réel. Il ne prévenait pas. Mais il était toujours là. Constamment là. Et il ne prévenait pas lorsqu’il frappait. Il était en train de danser avec Pansy. Ils étaient en train de danser, se perdant dans les bras l’un de l’autre, alors que nous passions tous un magnifique moment. Ils étaient en train de danser quand le danger avait frappé. Et personne ne l’avait vu venir. Mais il finissait toujours par nous rattraper. Parce que c’était cela, notre réalité. Et que nous ne pouvions pas la fuir. Et plus les jours passaient, plus le danger grandissait. 

-       Tu te rappelles, quand il avait démonté ce septième année qui s’était moqué de ta coupe de cheveux alors qu’il n’était qu’en deuxième année ? tenta un Blaise épuisé avec un sourire vers Pansy, cherchant à lui faire penser à des choses plus joyeuses. 

Elle eut la force en elle de rire doucement à l’évocation de ce souvenir. 

-       Ouais, il se battait toujours pour moi, dit-elle doucement en regardant dans le vide devant elle. 

-       Et il le fait toujours, soulevais-je tendrement. 

Elle me sourit avec le peu de vie qu’il restait en elle. 

-       Oui, il le fait toujours, confirma-t-elle en un murmure. 

-       Il aurait quand même pu se prendre de sacrées branlées au fil des ans, commenta Blaise avec le même sourire. 

Je pouffai. 

-       Tu parles, qui le peut ? 

-       Frérot, en deuxième année quand même, c’était une crevette encore, renchéri Blaise en gagnant un nouveau sourire de la part de Pansy. 

-       Une crevette peut-être, mais une crevette vive, continuai-je pour maintenir le sourire de notre amie en vie. 

-       Il n’a jamais eu peur du danger, chuchota-t-elle en gardant son regard dans le vide. 

-       Pas quand ça te concernait toi, non, lui accordai-je doucement. 

Elle leva vers moi ses grands yeux pleins de larmes. 

-       C’est pas parce qu’il n’en a pas peur que ça signifie qu’il n’y a pas de danger, murmura-t-elle alors. 

J’avalai difficilement ma salive, attrapai sa main froide et y déposait un baiser appuyé. 

-       Ton homme est indestructible. Tu l’as bien choisi, lui assurai-je. 

Je regardai une larme unique couler le long de sa joue alors qu’elle me fixait de ses grands yeux verts épuisés, et elle acquiesça difficilement à mes mots. Elle pinça les lèvres avant de me répondre en un murmure : 

-       Il a intérêt à l’être. 

Blaise posa son visage au creux de son épaule, et elle laissa sa tête reposer contre la sienne alors que de nouvelles larmes perlaient délicatement sur ses joues. Et moi, je gardais fermement sa main froide entre mes deux mains tremblantes que je tentai de contrôler aussi fort que je le pouvais. Parce que peu importait à quel point j’occupais ma tête avec Pansy, mon corps lui, n’oubliait pas. Mon corps, lui, ne se détendait pas. Mon corps, lui, angoissait de ce que je ne m’autorisai pas à penser. 

Des heures interminables passèrent, et au fur et à mesure de ces heures Pansy alternait entre crise d’angoisse et épuisement le plus total. Son esprit ne parvenait pas à demeurer calme, et ses pensées ne restaient jamais bien longtemps apaisées. Et dès qu’elle songeait au temps qu’il passait, elle se mettait à angoisser à nouveau, et elle sanglotait à nouveau, et elle ne pouvait à nouveau plus respirer. Et Blaise et moi tentions autant que nous le pouvions de lui promettre que tout irait bien, et que Theodore allait rentrer, malgré le fait que nous étions nous aussi de plus en plus tendus à chaque heure qui passait. Mais elle, elle était détruite. Détruite par l’attente. Détruire par le fait de ne pas savoir s’il allait rentrer. Dans quel état il allait rentrer. Détruite par le fait de savoir que quoi qu’il se passerait, s’il devenait Grand Intendant, il ne serait plus jamais libre. Alors nous la contenions, comme nous le pouvions. Et nous accueillions sa peine, autant que nous le pouvions. Et nous recevions son angoisse et sa douleur comme nous le pouvions. Parce que nous ne pouvions rien faire d’autre, rien faire d’autre qu’attendre qu’il rentre. 

La nuit continua de passer, de nouvelles heures interminables pendant lesquelles nous ne pouvions pas dormir, et Theodore ne rentra toujours pas. Nous étions tous les trois en train de boire un nouveau verre après une nouvelle crise d’angoisse de Pansy quand je le sentis soudain. Le danger. Je le sentis prendre le contrôle de mon corps, m’envahir d’une vague de chaleur et de terreur plus violente que jamais. Et elle ne m’appartenait pas. Ce danger ne m’appartenait pas. Cette terreur ne m’appartenait pas. C’était la sienne. Je le savais. Je me redressai vivement sur le canapé alors que mon corps se mit intégralement à trembler, et je sentis les yeux de Blaise et Pansy se tourner soudainement vers moi. Je peinais à respirer, mais tentais de le cacher. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose de très grave se passait. Quelque chose de très, très grave. Il était en danger. Je ne pouvais pas expliquer comment je le savais, mais je le ressentais dans l’intégralité de mon corps. Sa vie était en danger. Ce n’était pas qu’il n’allait pas bien, comme j’avais parfois pu le sentir. Non, il était en danger. Sa vie était en danger de mort imminent. Et il était terrorisé. Je me levai vivement, essayant de garder à l’esprit que je ne pouvais pas, je ne pouvais pas affoler Pansy. 

-       J’ai besoin d’aller prendre l’air un instant, mentis-je alors en me dirigeant vers la porte de notre salle commune. 

Je savais qu’ils me regardaient avec des yeux interdits quand bien même je n’étais pas en capacité de me retourner vers eux, ni même de les rassurer. Il avait besoin de moi. Il était en danger de mort. Il avait besoin de moi, même si j’ignorai où il était. Je le ressentais violemment dans chaque cellule de mon corps. Je respirai difficilement, comme si j’avais été violemment frappé dans le ventre, et comme si on appuyait sur ma gorge. Et j’étais terrorisé, en plus de ressentir intensément la terreur que lui, mon frère, ressentait. Non, il ne pouvait pas mourir. Je devais le trouver. Je ne pouvais pas céder à la panique qui m’assaillait. Je ne pouvais pas m’écrouler. Une fois que j’eu passé la porte, je me mis à courir à toute vitesse dans le château, priant que mes jambes ne me lâchent pas. Priant d’avoir la force en moi de ne pas m’écrouler avant de pouvoir le sauver. Il avait besoin de moi, me répétai-je alors que je sentais des larmes couler sur mes joues. Il avait besoin de moi. Je devais aller le trouver. Maintenant. Je devais le trouver immédiatement. Où qu’il soit, je devais y aller, et je devais le trouver. Il fallait que je puisse quitter l’enceinte du château au plus vite, et que je puisse transplaner. Je devais transplaner jusqu’à lui. Je le trouverai. Où qu’il soit, je le trouverai. J’avais besoin de mon dragon. Il me porterait bien plus rapidement hors de l’enceinte du château que les Sombrals, le temps que j’aille jusqu’à eux, et le temps qu’ils m’éloignent de l’enceinte. Mon dragon devait grandir. C’était maintenant. C’était le moment. J’avais besoin de Ragnar. J’avais besoin qu’il grandisse et qu’il devienne un vrai dragon. Theo en avait besoin. Nous en avions besoin. Parce qu’il allait mourir. Je le sentais, dans l’intégralité de mon corps, et dans la totalité de mon âme. C’était maintenant. C’était le moment. Je courrai de toutes mes forces vers l’animalerie, sentant les larmes continuer de couler sur mes joues quand une ombre noire sorti de nulle part et me barra le chemin en me saisissant de deux bras puissants. Je levai des yeux paniqués vers Rogue, qui se tenait devant moi, m’entourant de ses bras. 

-       Lâchez-moi, lui ordonnai-je alors que je pleurai. 

-       Que se passe-t-il ? me demanda-t-il avec un regard grave. 

-       J’ai pas le temps ! hurlai-je alors que la panique me gagnait. Lâchez-moi ! criai-je en me débattant. 

Il ne me lâcha pas et me serra contre lui plus fermement encore alors que mes sanglots raisonnaient dans le couloir. 

-       LÂCHEZ-MOI ! hurlai-je en tentant désespérément de me défaire de son étreinte alors que je sentais le danger grandir. LÂCHEZ-MOI ! 

-       Vous n’irez nulle part tant que vous ne me direz pas ce qu’il se passe, appuya-t-il d’une voix grave, et pourtant au demeurant toujours incroyablement calme. 

Je levai mes yeux pleins de larmes vers lui alors que je continuais de pleurer. 

-       Il a Theo, lâchai-je dans un sanglot. Et il est… il est en danger, je le sens. Je dois le trouver, alors…, lâchez-moi, je vous en prie. Lâchez-moi, l’implorai-je. 

Il me regarda quelques secondes, quelques trop longues secondes pendant lesquelles je ne partais pas à la recherche de mon frère. 

-       Vous ne pouvez pas y aller s’il ne vous a pas appelé, chuchota-t-il. 

Je fis frénétiquement non de la tête alors que je recommençai à me débattre dans ses bras. 

-       JE M’EN FOUS ! LÂCHEZ-MOI ! hurlai-je encore. 

-       Comment comptez-vous le trouver ? me questionna-t-il encore sans me lâcher. 

-       Mon dragon y arrivera, pleurai-je, maintenant lâchez-moi, s’il vous plaît, vous devez me…

Et je n’eus pas besoin de terminer ma phrase, il me lâcha, et dès l’instant où je ne sentis plus ses bras autour de moi mes jambes reprirent leur course plus rapidement encore. Des larmes plus lourdes coulèrent sur mes joues alors que je poussais mon corps épuisé au-delà de ses limites, paniquant pour la vie de mon frère que je sentais toujours en danger. J’arrive. Tiens bon, tentai-je désespérément de lui dire. Je viens te chercher. J’arrive, mon frère. Je courrais de toutes mes forces jusqu’à l’animalerie, sachant que mon dragon serait prêt. Il serait prêt pour moi, parce que c’était là l’épreuve de ma vie pour laquelle j’avais besoin de lui. Parce que Theodore allait mourir, et qu’il avait besoin de moi. Il avait besoin de nous. Parce que je ne pouvais pas le laisser mourir. Je ne pouvais pas le sentir mourir. Je ne pouvais pas vivre dans un monde dans lequel Theodore Nott n’était plus. Je ne pouvais pas survivre à son absence. Alors il le fallait. Il fallait que mon dragon soit prêt. Il fallait qu’il soit prêt pour moi, parce que c’était maintenant, c’était à cet instant que je devenais le guerrier qu’il attendait. C’était maintenant, le tournant de ma vie pour lequel j’avais besoin de lui. Je balançai violemment mon corps contre l’épaisse porte en bois de l’animalerie et courait jusqu’à la cage de mon dragon. Mon cœur cessa de battre un instant dans mon poitrail, et mes bras tombèrent lourdement autour de mon corps. Ragnar demeurait toujours aussi petit. Et Kira, le serpent de Theo, s’acharnait sur sa cage, essayant désespérément d’en sortir. 

-       Non, non, non, non, pleurai-je en découvrant Ragnar. J’ai besoin de toi, lui chuchotai-je alors. J’ai besoin de toi, j’ai besoin de toi maintenant. MAINTENANT ! lui hurlai-je alors qu’il me regardait, à peine éveillé, sans bouger. MAINTENANT ! hurlai-je encore sur la petite bête. MAINTENAAANT ! m’écriai-je en frappant les barreaux de sa cage de toute mes forces. 

Il ne broncha pas. Et il ne se mit pas à grandir. Theodore allait mourir. J’allais perdre mon frère. Non. J’arrive. J’arrive, il va grandir, je te le promets, j’arrive. Je pouvais toujours sentir la vague de chaleur qui enveloppait l’intégralité de mon corps, cette terreur, cette terreur qui était la sienne alors qu’il était seul face à son destin. Seul face à la mort. Et qu’il avait besoin de moi. Et que moi, j’étais là, impuissant, face à mon dragon qui n’avait pas grandi d’un seul centimètre. Et Kira s’élançait violemment contre les barreaux épais de sa cage, son museau saignant alors qu’elle sentait elle aussi le risque qu’il y avait actuellement pour la vie de son maître. Et il était seul. Je devais être là. Je devais être avec lui. Il était seul. Il était terrifié. Il était en danger. Et il était seul. 

-       ALLER ! hurlai-je encore sur la cage que je frappais une nouvelle fois alors que de violents sanglots me secouaient. ALLER ! ALLER !

Je sentis des mains douces se renfermer sur mes épaules. Ses mains à elle, je les reconnaitrais parmi des milliers. Mais ses mains ne pouvaient rien pour moi en cet instant. 

-       Drago, chuchota-t-elle avec douleur. 

-       J’AI BESOIN DE TOI ! continuai-je d’hurler sur mon dragon en frappant sa cage. GRANDIS ! lui ordonnai-je en sanglotant. J’AI BESOIN DE TOI ! THEO A BESOIN DE MOI ! JE T’EN SUPPLIE, pleurai-je de toute mon impuissance, JE T’EN SUPPLIE J’AI BESOIN DE TOI, hurlai-je en continuant de frapper sa cage de toutes mes forces, TU DOIS LE TROUVER ! JE T’EN SUPPLIE, GRANDIS ! 

Mais il ne grandissait pas. 

-       ALLER ! hurla ma voix qui se brisait alors que les dernières forces de mon corps rencontraient violemment les barreaux de la cage de mon dragon. ALLER ! GRANDIS ! GRANDIS, MAINTENANT ! ALLER ! 

Il ne grandit pas. Mon corps s’écroula le long de sa cage alors que je demeurai impuissant, et qu’il demeurait petit, et que mon frère demeurait en danger. Il allait mourir. Il allait mourir parce que je n’avais pas pu venir le sauver. J’allais perdre mon frère. Et je l’avais senti. Je le savais. Je l’avais senti dans mon corps, et je n’avais rien fait. Je n’avais rien fait. Et il était seul. Et il était terrorisé. Et je l’avais laissé. Je lui avais fait défaut. De violents sanglots me secouèrent alors que je chuchotai avec le peu de force qu’il me restait : 

-       Je t’en supplie… 

Ma voix se brisa alors que mes genoux rencontraient le sol, les bras de Granger m’encerclant, sa poitrine s’écrasant contre mon dos en une accolade qui n’avait rien de réconfortant. Et elle me serra. Elle me serra de toutes ses forces, et Kira continua d’essayer de démonter sa cage alors que je sanglotais sur le sol de celle de Ragnar. Elle ne pouvait rien faire, elle non plus. Elle ne pouvait pas transplaner. Elle se perdrait simplement à essayer de le retrouver, probablement à des centaines de kilomètres de là, si ce n’était des milliers. Et il était seul. Et il allait mourir. Pitié, pitié ne me laisse pas, pleurai-je vers lui. Tu n’as pas le droit de me laisser. Je t’en supplie, ne meurs pas, suppliai-je comme s’il pouvait m’entendre. Et Granger me serrait, sans rien dire, elle me serrait contre son corps, et je sanglotais, totalement impuissant sur le sol de mon dragon qui me faisait défaut alors que je perdais mon frère. Et soudain, aussi soudainement que j’avais senti le danger, je le sentis s’évanouir. Et à l’exact même moment, Kira cessa de s’acharner sur sa cage, et elle s’enroula sur elle-même, blessée. Le danger était fini. Et il n’était pas mort. Je ne pouvais pas expliquer comment je le savais, mais je le savais, c’était tout. Il n’était pas mort. Mon frère n’était pas mort. Theo n’était pas mort. Et avec cette réalisation, et avec les sensations abominables du danger qui quittèrent mon corps, je m’écroulai contre le corps de Granger, et je sanglotais dans ses bras. Un soulagement intense traversa mon corps, et avec lui l’épuisement et la terreur de perdre mon frère entraîna en moi les plus gros sanglots que je n’avais jamais pleurés. Et elle me serra contre elle, encore, sans rien dire. Et elle déposa des baisers sur mon épaule, et elle me serra. Et elle ne me lâcha pas, assise sur le sol derrière moi. Et elle ne me lâcha pas un seul instant. 

Elle ne me lâcha pas pendant de longues minutes, peut-être même pendant près d’une heure encore interminable, jusqu’à ce que je n’aie plus de force en moi pour pleurer. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de moi. Et lorsque mon état se stabilisa doucement, je me tournai lentement vers elle. Elle avait les joues mouillées de larmes, elle aussi. 

-       Comment tu as su ? chuchotai-je alors. 

Elle lécha les dernières larmes qui salaient ses lèvres avant de me répondre. Je réalisai qu’elle était en pyjama. Elle dormait.

-       J’ai reçu un message d’un Patronus qui me disait que tu étais là, et que tu avais besoin de moi. 

Je la regardai un instant, interdit, mon cerveau épuisé incapable de comprendre ce qu’elle disait. 

-       Quel Patronus ? demandai-je alors. 

-       Une biche. Est-ce que…, est-ce que c’est celui de Theo ? 

Je fis non de la tête. 

-       Le Patronus de Theo c’est le Léviathan. 

-       Qu’est-ce que c’est ? tenta-t-elle de me faire parler pour que j’arrête de perdre la tête. 

Et je la laissai faire, parce que j’en avais effectivement besoin. Parce que je perdais effectivement la tête. 

-       C’est une créature qui est évoquée dans les écrits des Dieux, lui expliquai-je alors en me concentrant. C’est une sorte…, respirai-je encore difficilement, une sorte d’immense bête aquatique, mi-dragon, mi-serpent, mi-crocodile. Personne ne sait s’il existe ou existait vraiment, mais c’est le monstre le plus réputé de tous les monstres jamais décrits par l’homme. 

Elle le savait très bien, elle voulait simplement me faire parler. Occuper mon esprit. 

-       Qu’est-ce que ça signifie ? demanda-t-elle encore doucement. 

J’inspirai profondément et me concentrai sur notre discussion pour continuer, cherchant dans ma mémoire tout ce que je savais du Patronus de mon frère : 

-       Il est souvent considéré comme un cataclysme terrifiant qui pourrait complètement modifier la planète entière, capable d’en bousculer jusqu’à l’ordre établi et la géographie, si ce n’est d’anéantir le monde. Il est aussi beaucoup décrit comme le principal démon des enfers. Les trois quarts du temps il est décrit comme le pire des monstres qui soit, et le plus terrifiant mais…, il existe un ouvrage peu connu qui le présente comme une créature incomprise qui essaye juste de faire ce qu’il faut pour protéger ses fonds marins des envahisseurs. Quitte à anéantir le monde entier pour son peuple. 

Elle me sourit tendrement. 

-       Je trouve que ça lui correspond bien. 

Je ne répondis rien, tentant de m’accrocher à quoi que ce soit qu’il me restait. Et je n’avais pas l’impression qu’il me restait grand-chose. J’étais épuisé. Vidé. Il devait rentrer. Je devais le voir. Il fallait qu’il rentre maintenant. J’avais besoin de voir mon frère. C’était tout ce qu’il me fallait. La seule chose qui pouvait me sauver. Je devais voir mon frère. 

-       Comment vous avez appris à faire apparaître des Patronus corporels ? continua-t-elle de demander devant mon silence, sachant que j’étais reparti dans les tréfonds de mon esprit embrumé. 

-       Ma mère, répondis-je alors. Elle nous entraîne à nous défendre depuis qu’on… 

Je m’interrompais immédiatement, sentant sa présence se rapprocher de moi. Là-encore, je ne pouvais pas l’expliquer. Je le sentais, c’était tout. 

-       Il arrive, lâchai-je alors en me concentrant sur les sensations physiques que je sentais en moi. 

Oui, il revenait. Le jour allait bientôt se lever, et il revenait. Il revenait. Je me levais frénétiquement, et elle m’imita alors que je commençais à marcher jusqu’à ma salle commune. 

-       Je te raccompagne, proposa-t-elle sans que je ne l’entende vraiment. 

Il rentrait. C’était la seule chose qui comptait. La seule chose qui occupait mon esprit. Il revenait. Elle courut avec moi jusqu’à l’entrée de ma salle commune, et elle tira mon poignet alors que j’allais la passer sans la considérer. Elle me regarda gravement, et elle chuchota :

-       Je ne dormirais pas. Je garde mon cahier avec moi, si tu as besoin de moi, tu m’écris. 

J’acquiesçai et l’enfermai dans mes bras, déposai un baiser sur son crâne, et pénétrai dans ma salle commune. Lorsque j’ouvris la porte, Blaise et Pansy se levèrent vivement, attendant quelqu’un d’autre que moi. La déception fut lisible sur le visage épuisé et marqué des larmes violentes que Pansy avait pleurées toute la nuit. Elle était en piteux état. 

-       Il arrive, leur appris-je cependant. 

Je le savais, c’était tout. Il arrivait. Il revenait pour nous. J’ignorai ce qu’il avait traversait, ou comment il avait fait pour nous revenir, mais il revenait. Pansy me regarda avec incompréhension, et à l’instant où j’allais passer pour un putain de malade à lui expliquer que je sentais que son homme était dans le coin, la porte derrière moi s’ouvrit, et Theo pénétra dans notre salle commune. 

-       Oh mon dieu, chuchota Pansy qui courut jusqu’à lui et sauta à son cou. 

Il la reçu dans ses bras comme s’il l’avait attendue exactement comme cela, sachant pertinemment que c’était ce qu’elle ferait, et il l’enferma contre lui, et la serra fort. Il inspira profondément son odeur et ferma ses beaux yeux bleus un instant, se rechargeant dans les bras de sa bien-aimée. Et moi, je demeurai figé. Il était couvert de sang. Il était couvert de sang, de la tête aux pieds. Ses cheveux étaient collés entre eux en des mèches épaisses parce qu’ils étaient pleins de sang séché. Son visage était rouge de sang. Son cou était intégralement rouge de sang. La chemise blanche qu’il portait lorsqu’il était parti était intégralement tâchée de sang. Le pantalon noir de costume qu’il portait était mouillé de sang. Ses chaussures étaient recouvertes de sang. Rien de tout cela ne semblait déranger Pansy le moins du monde, qui demeurait pendue à ses bras. Et moi je demeurai figé, me demandant ce que mon frère venait de traverser. 

Pansy passa des mains frénétiques sur l’intégralité du corps de Theo dès qu’elle eut pu sentir son cœur battre contre elle, cherchant à vérifier si tout ce sang lui appartenait. S’il était blessé quelque part. Il n’avait pas l’air de l’être. Et aucun de ce sang n’avait l’air de lui appartenir. Il la regardait gravement, lui aussi. Il fixait son visage, et il découvrait avec horreur l’état dans lequel sa moitié était, à cause de ce qu’il lui faisait traverser. A cause du fait qu’il devienne le bras droit du Seigneur des Ténèbres. Et il le voyait. Il ne pouvait pas faire autrement que de le voir, surtout pas lui. Il voyait sur chaque trace de ses joues, sur les gonflements de ses yeux, sur la rougeur de ses globes et sur les tremblements de son corps l’état dans lequel elle était. Et il devinait l’état dans lequel elle avait été pendant toute son absence. Et si je ne savais pas encore ce qu’il avait dû faire pour être recouvert d’autant de sang, je savais néanmoins que rien de ce qu’il venait de traverser n’était plus douloureux que la réalité à laquelle il se confrontait en cet instant, en regardant celle qu’il aimait détruite de l’intérieur. Par ce qu’il considérait être de sa faute. 

-       Tu vas bien, constata-t-elle frénétiquement en continuant de le tripoter de partout avec l’air d’une véritable folle. Tu vas bien, répéta-t-elle doucement. 

-       Je vais bien, confirma-t-il d’une voix basse qu’il voulut tendre. 

Elle leva ses grands yeux verts vers lui. Elle avait l’air de voir une vision divine, quelque chose de l’ordre des Dieux. 

-       Tu vas bien, chuchota-t-elle encore. 

Il encadra le visage abimé de la femme de ses rêves et approcha lentement ses lèvres des siennes. Cela ne semblait avoir d’importance ni pour l’un, ni pour l’autre que ces lèvres soient tâchées de sang quand ils échangèrent un tendre et langoureux baiser traduisant la difficulté avec laquelle ils avaient vécu cette séparation.

-       Je t’avais dit que j’allais revenir, chuchota-t-il à ses lèvres. 

Elle avala ses mots comme elle recevait ses baisers, noyée dans l’intensité de tout ce qu’il avait à lui donner, qu’il s’agisse de mots, de regards, ou de caresses. Et lorsqu’enfin leurs lèvres parvinrent à se séparer, il posa les yeux sur moi. Je demeurai terrorisé. Et je demeurai interdit. Absolument immobile. Horrifié par l’état dans lequel il me revenait. Qu’avait-il dû faire ? Que s’était-il passé ? Pourquoi était-il autant couvert de sang ? Et pourquoi avait-il faillit mourir, à un moment donné dans cette interminable nuit ? Et il le vit, toutes ces questions qui m’animaient, et l’état dans lequel j’étais, moi également, lorsqu’il posa les yeux sur moi. Mais il y avait autre chose, dans ses grands yeux bleus qu’il posait sur moi. Quelque chose d’intense, quelque chose de l’ordre du soulagement. Quelque chose de l’ordre du « je suis rentré à la maison », dans les yeux qu’il posait sur moi. Oui, je n’en avais aucun doute. Cette nuit, il était passé à deux doigts de la mort. De nouvelles larmes montèrent à mes yeux lorsqu’ils reçurent son regard, et une vague intense de chaleur traversa l’intégralité de mon corps. Il était rentré, me répétai-je. Il était là. Je pouvais poser mes yeux sur lui, et je pouvais recevoir la chaleur de son regard. L’intensité de son regard. J’y avais encore droit. Il était là. En chair et en sang face à moi. Mais il était là. 

Pansy le vit, elle aussi, l’intensité du regard que nous partagions, et elle s’écarta du chemin juste avant que Theo ne m’ouvre ses bras dans lesquels je me réfugiais. Et je savais, je sentais, à l’instant où nos corps se rencontrèrent, qu’il en avait autant besoin que moi. Parce que lui aussi, il avait eu réellement peur, pour la première fois de sa vie, de ne pas rentrer. De ne pas me revenir. De me mentir. Il me serra de toutes ses forces contre son torse, et je le serrai avec tout mon amour, d’épaisses larmes dégoulinant de mes yeux fatigués. Et je me concentrai sur les battements de son cœur que je sentais contre mon torse, et je savais qu’il faisait de même. Il battait encore. Et j’inspirai l’odeur de musc de sa peau, et je savais qu’il faisait de même. Il vivait encore. Ma maison. Mon âme. L’autre moitié de moi sans laquelle je ne pouvais pas survivre. Il m’était revenu. A l’instant où je desserrai mon étreinte sur lui, il me serra plus fort. Et si j’avais encore eu besoin de la confirmation que sa vie avait faillit s’arrêter cette nuit, ce geste me le confirma plus que tout le reste. Et pendant encore un instant, il ne me lâcha pas. 

Lorsque nos corps furent rassasiés, Blaise lui servit un verre à son tour, et Pansy prit place sur les genoux de son homme, ne pouvait s’arrêter de triturer ses doigts. Blaise et moi étions face à eux sur le canapé. Et je ne le quittai pas des yeux. Il but l’intégralité de son verre d’une traite avant de nous raconter : 

-       C’était un test, commença-t-il de sa voix fatiguée. Il m’a d’abord reçu au manoir, et il m’a dit qu’il avait besoin de s’assurer que j’avais l’étoffe d’un Grand Intendant avant de me donner officiellement le poste. 

Le nœud dans mon estomac se serra plus fort à ses mots. Toute cette situation devenait beaucoup trop réelle. Beaucoup trop concrète. Le sang dont il était tâché ne laissait aucune place au déni, ni même à l’imagination de ce en quoi pouvait consister ce « test ». 

-       Il m’a présenté ça comme une sorte…, d’entretien d’embauche, continua-t-il en fixant son verre vide alors que nous étions tous pendus à ses lèvres. Il m’a dit qu’à l’issue de ce test, soit j’avais officiellement l’étoffe du Grand Intendant, soit je mourrai. Il ne m’en a pas dit plus, simplement de le retrouver au même endroit si je survivais, et il m’a fait transplaner dans une sorte de sous-sol dans lequel il y avait une dizaine d’Aurors, que j’imagine qu’ils avaient capturés, ou alors c’était un endroit où il savait qu’ils seraient, je ne sais pas. Et puis je me suis retrouvé seul face à eux, et il a fallu que je les tue tous pour pouvoir revenir, dit-il simplement. 

J’eu le sentiment que mon cœur cessa de battre alors que je le fixai. Des Aurors. Des professionnels. Les meilleurs soldats du Ministère. Des professionnels faits pour nous arrêter. Entraînés à nous combattre. Des professionnels dont c’était le métier de nous emprisonner. De nous éliminer. Et il était seul. 

-       Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Blaise doucement. 

Theodore leva les yeux vers lui et lui adressa un trop faible sourire. 

-       Eh bien, je suis revenu, lui répondit-il. 

-       Tu les as tous tués ? questionna une Pansy toujours aussi anxieuse, bien que rassurée de le sentir contre elle. 

Theo acquiesça en silence. 

-       Qu’est-ce qu’il t’a dit, quand tu y es retourné ? continua-t-elle. 

Je ne pouvais détourner mes yeux de lui, mais je ne pouvais pas sortir un traître mot de ma bouche. Il ne nous disait pas tout. Il ne racontait pas la partie de la nuit où il avait failli perdre la vie. L’ambiance était lourde. Électrique. Nous étions tous épuisés, incroyablement terrorisés, et on ne pouvait plus inquiets pour lui. Lui-même semblait épuisé. Vulnérable, d’une certaine façon. Vulnérable, parce que moi je savais, contrairement aux autres. Mais je n’étais pas sûr de vouloir savoir. Je n’étais pas sûr de pouvoir savoir, en cet instant. Parce qu’alors que je le regardai, la seule chose à laquelle je pouvais penser, c’était que j’avais faillis perdre mon frère ce soir. Que j’avais vraiment, vraiment faillis le perdre. Qu’il avait failli rompre sa promesse. Qu’il n’était pas, en fait, indestructible. Qu’il n’était pas immortel. Et ces pensées me terrorisaient. Elles m’écrasaient, et me terrorisaient. Parce qu’en pleine conscience de cause, en sachant très bien ce qu’il risquait, il le ferait quand même. En sachant parfaitement ce que cela me ferait, à moi, de le perdre. Et il avait failli m’abandonner ce soir. 

-       Qu’il était ravi de ne pas s’être trompé sur mon compte, répondit-il à Pansy. Et puis il m’a dit de rentrer à Poudlard, et de m’assurer que nous menions à bien nos missions le plus rapidement possible, parce que ses rangs n’attendaient plus que moi, acheva-t-il d’une voix plus basse. 

Je sentis ma mâchoire se serrer violemment sous l’effet de ses mots. C’était fait. C’était un deal acté. Il allait officiellement devenir son Grand Intendant. Et il ne serait plus jamais libre. Les yeux de Theo se fixèrent sur les miens, et je ne détournais pas le regard. Il voyait, dans la façon dont je le regardai, que je savais. Et il voyait, dans la façon dont je le regardai, ce que je ressentais. Mais cela n’y changerait rien. Il le ferait quand même. Parce que c’était ce qu’il était, au plus profond de son être. C’était ce qu’il était, au plus profond de son âme. Et il n’y avait rien que je puisse faire, rien que je puisse dire, qui pourrait le faire changer d’avis. Même si cela signifiait qu’il m’abandonnerait. 

Le temps flotta entre nous, nos regards ne se lâchant pas. Je ne vis pas les larmes qui coulèrent sur les joues de Pansy, ni l’angoisse qui grandissait en Blaise à côté de moi. Je ne voyais que lui, et je ne sentais que la terreur qui grandissait en moi. Je lui en voulais. Je lui en voulais terriblement. Il savait ce qu’il faisait. Il savait exactement ce qu’il faisait. Et il savait, depuis cette nuit, les risques réels de la décision qu’il prenait sans même me demander mon avis. Et il savait très bien ce que cela me faisait. Mais il le faisait quand même. Ce n’était pas juste. Rien de tout cela n’était juste. Pas même ce que je ressentais envers lui. Parce qu’en cet instant, alors que je le regardai, je le détestais probablement autant que je l’aimais.

-       Tu ne peux pas devenir Grand Intendant, chuchota alors une Pansy qui pleurait contre lui. Tu ne peux pas… 

Mais je ne la voyais pas. Je ne voyais que lui, et le sang bouillait dans mes veines. Il le voyait, lui aussi, ce que je ressentais, et il détourna difficilement les yeux de moi pour se concentrer sur celle qui pleurait sur ses genoux. 

-       Tout ira bien, promit-il encore. 

Encore. Encore, il promettait. Il promettait des choses qu’il ne savait plus s’il pourrait les tenir. Parce que ça nous dépassait. Ça le dépassait totalement, ce qu’il nous amenait là. Et il ne nous disait pas tout. Pensait-il que je l’ignorai, qu’il avait failli m’abandonner cette nuit ? Croyait-il que cela n’avait pas la moindre importance ? Qu’il était rentré, alors que tout allait bien ? Pensait-il n’avoir aucune limite ? Pensait-il que tout irait bien, là-encore, s’il mourrait ? Pensait-il sincèrement que je lui survivrais ? Croyait-il que je prendrais soin de Pansy pour lui ? Croyait-il sincèrement que je pourrais continuer de respirer, continuer de me lever, continuer de manger, si je le perdais ? S’il m’abandonnait ? Était-il égoïste au point de penser qu’un monde sans lui pouvait continuer de fonctionner ? Que mon monde à moi pouvait continuer de tourner sans lui ? Mon monde à moi, c’était lui. Comment pouvait-il consciemment mettre mon monde en danger ? 

-       Elle a raison, chuchota Blaise à côté de moi. Si tu deviens Grand Intendant, tu ne seras jamais libre. Si l’Ordre remporte la Guerre, avança-t-il froidement, tu seras jugé, et tu ne seras pas pardonné. 

Il reporta ses grands yeux bleus sur moi. Les miens ne l’avait jamais quitté. Mais lui il l’avait fait. Il m’avait quitté. Il m’avait mis en danger, quand il avait failli périr. Il avait mis ma propre vie en danger. Il mettait actuellement ma vie en danger, en mettant la sienne en première ligne des rangs du Seigneur des Ténèbres. Et je savais pertinemment que c’était qui il était. Que ça avait toujours été qui il était. Et que je l’aimais pour ça. Mais en cet instant, en cet instant précis alors que je savais que j’avais failli le perdre cette nuit, je le détestais pour ça. 

-       Ce n’est pas important, répondit Theo doucement sans quitter mes yeux. 

Ah. Ce n’était pas important. Sa vie n’était pas importante. Ma vie n’était pas importante. Je sentis l’intégralité de mon corps commencer à trembler, et bientôt je n’entendis quasiment plus rien, mes oreilles bourdonnant intensément. J’entendais vaguement Pansy se mettre à crier, ou peut-être était-ce Blaise. Quelqu’un, en tout cas, lui criait dessus. Mais il me regardait. Et je lui rendais l’intensité de son regard. Et je le détestais. Parce qu’il avait failli mourir. Parce qu’il savait que ce serait cela, son quotidien. Partir on ne savait ou, pour on ne savait combien de temps, seul, avec le monde entier contre lui, incluant les Mangemorts. Risquant sa vie à chaque heure de chaque jour. Risquant ma vie, à chaque heure de chaque jour. Et tout d’un coup, je ne pus plus le regarder. Parce que je ne pouvais pas le voir en ne sachant pas combien de temps il me restait à admirer sa beauté. A recevoir sa sagesse. Son amour, et sa protection. C’était réel. Ce n’était pas lointain. Ce n’était pas théorique. C’était réel. Il allait devenir Grand Intendant. Et le restant de mes jours, et le restant de mes nuits, serait exactement comme celle que je venais de subir. Interminables. A me demander s’il allait rentrer. A le sentir mourir, à chaque fois que cela se produirait. A le sentir physiquement mourir en moi, le jour où il périrait. Ou à le regarder être enfermé pour le restant de sa vie, sans ne jamais plus pouvoir le voir, pour m’avoir sauvé la vie, de milliers de façons différentes. 

Alors je me levai, avec le peu de force qu’il me restait. Je me levai, et je cessai de le regarder, parce qu’en cet instant, je ne pouvais plus. Je n’avais plus en moi ce qu’il me fallait de force pour le regarder en sachant tout cela. Et tout ce qu’il ne disait pas. J’entendais vaguement que les cris continuaient, mais j’étais incapable d’entendre ce qu’il se disait. Et Theo me regarda me lever, ignorant lui aussi la personne qui criait. Parce qu’il savait. Et moi, je m’écroulais. J’avais besoin d’elle. Je devais sortir de là, sortir de lui, sortir de la prison dans laquelle mon amour pour lui m’enfermai. J’avais besoin de respirer. Besoin de pleurer. Besoin de tout, sauf d’être en sa présence. Je montai les marches menant à mon dortoir, et me saisissais de mon carnet. Elle m’avait dit qu’elle ne dormirait pas. Elle ne devait pas dormir. J’avais besoin d’elle. En cet instant, plus que tout au monde, j’avais besoin d’elle. Alors je lui écrivais, et je lui demandai de me rejoindre dans la tour. J’allais perdre la tête. Je perdais toute raison, et je le sentais à l’intérieur de moi. J’avais besoin d’une ancre. J’avais besoin d’elle.

Lorsque je me retournai pour partir la rejoindre, il était là. Debout, à l’entrée du dortoir. Toujours couvert de sang. Parce que c’était ça, la réalité dans laquelle il s’enfonçait. C’était ça, les risques qu’il prenait. Et ce serait ça, constamment. Nous échangions un nouveau regard lourd pendant lequel aucun de nous ne dit ou ne fit quoi que ce soit, puis il chuchota : 

-       Je suis là. Je te laisse pas. 

Je sentis une larme couler le long de ma joue et ma mâchoire se serrer. Et je savais, au moment où je prononçai ces mots, que je les regretterai, mais je ne pus les retenir : 

-       Ne fais pas de promesse que tu ne pourras pas tenir. 

Une larme coula le long de sa propre joue. Mais il ne broncha pas. Il ne se démonta pas. Il ne baissa pas les yeux. Non, à la place, il répéta de sa voix si confiante : 

-       Je te laisserai pas Drago. 

J’essuyai la larme qui coulait sur mon visage d’un revers de main, reniflai et relevai le visage plus haut. Fermé. Inaccessible. Trop vulnérable. 

-       J’ai besoin de la voir, lui appris-je froidement. 

Il ne détourna pas les yeux de moi une seule seconde. 

-       J’ai besoin de la voir elle parce qu’à cet instant, à chaque fois que je te regarde, toujours en vie devant moi, j’ai une voix à l’intérieur de moi qui n’arrête pas de me demander combien de temps ça va encore durer. Et ça rend ça insupportable, de te regarder.

Et je la vis, cette nouvelle larme lourde qui coula sur sa joue alors que je passai devant lui pour quitter notre dortoir. Et je le sentis en moi, la façon déchirante dont son cœur se brisa à l’intérieur de lui. 


J'espère que ce chapitre vous aura mis autant en PLS que moi quand je l'ai écris, voilà des bisous d'amour mdr, 

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