Get thee behind me, fool friend – 7 Sins Challenge

Chapitre 5 : La gourmandise - Another one bites the... crust

3536 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/03/2024 16:59

Cette fanfiction est une réponse au challenge "7 sins : les sept péchés capitaux" qui se déroule actuellement sur le forum de FFR

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LA GOURMANDISE

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ANOTHER ONE BITES THE… CRUST

 

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L'ange ne bougeait pas et fixait pensivement la tasse de fine porcelaine. Ses motifs floraux entrelacés l'absorbaient dans une transe presque hypnotique où s'épanouissait une myriade de questions. Toutes plus anxieuses les unes que les autres. Et si... Et si... Et si ?

Si Dieu me voyait ? Si Dieu me condamnait pour avoir... ?

C’était bien certain qu'aucun ange n'était spécifiquement prévu pour faire une telle chose. Bien certain. Le bout de ses phalanges effleura sa lèvre. La culpabilité tournoyait sous son crâne et enflammait ses joues.

Gabriel avait osé, lui.

Modèle de rectitude dorsale embarrassée, l'être céleste glissa un petit coup d’œil vers l'autre occupant de la librairie, modèle d'avachissement spinal, jeté en vrac au travers du plus joli des fauteuils des lieux.

Cela ne devait pas être confortable mais peut-être que pour un démon comme pour un ange, le confort était-il superflu ?

Le déchu pliait et dépliait un quotidien au nom guère engageant, parcourant les articles en diagonale, et non sans émettre tout du long des commentaires qui tombaient comme des couperets acides et grincheux.

« C'est pas possible... A quoi bon vendre son âme si c'est pour être encore plus moche qu'avant ? Tiens, si je m'écoutais je lui collerais une seconde hypothèque sur la sienne, à cette vieille peau, emballée dans une liposuccion gratuite ».

Ou : « Ha, pauvre Astaroth, vas-y, épate-moi avec ton projet de fonte instantanée de tous les cierges de Westminster ! Mais qui m'a fichu un tocard pareil ? Ohé ? Thomas Edison ? Jamais entendu parler ? ».

Ou encore, après un ricanement : « ‘Les jumeaux Baal et Astarté lancent un groupe de musique gothico-sataniste baptisé The Baastarts... On s'attend à des conversions en masse’. Bien joué les mioches. C'est brillant et au moins, ça ne ment pas sur la marchandise ».[1]

Il tourna encore quelques pages en marmonnant d'un ton intéressé quelque chose comme « soldes sur les cactées chez Clifton » [2] et puis soudain, le nez toujours dans les petites annonces, il demanda:

— Peut-être que tu pourrais chercher un colocataire ?

Il n'obtint pas de réponse.

— Essaie d'écrire « logement situé au 221B Baker Street », il devrait débouler un tas de gugusses barbants qui devraient être ton type.

Toujours pas de réponse. Vexé, Crowley baissa le journal.

— Eh, je te cause ! Tu ne vas pas commencer à m'ignorer, toi aussi. Qu'est-ce que t'en penses, Junior ?

Muriel le regarda avec ses grands yeux doux de petit chevreau paniqué.

— Quoi ? Ne me dis pas que tu es toujours en train de buguer parce que tu as mangé une demi-miette de scone ?

Il s'aplatit une main sur la figure en soupirant.

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Tout avait commencé quand Nina avait débarqué avec une assiette d'épais petits gâteaux tout frais. A la fois délicieusement croustillants dehors, indécemment moelleux dedans et généreusement parsemés de petits raisins secs, les effluves de ces pousse-au-crime ne tardèrent pas à se répandre en embaumant le seuil de la boutique.

Crowley avait tourné la tête et dit :

— Désolé Nina, il n'est pas là. Vous pouvez remballer vos pâtisseries.

— Ah bon ? Quel dommage, avec lui j'aurais su tout de suite... Vous êtes sûr de ne pas en vouloir, M. Crowley ? Ils sont pur beurre et j'ai fait gonfler les raisins dans du rhum...

— C'est charmant mais je suis au régime. Mettez-moi juste un Triple-Six, comme d'habitude.

Depuis le départ d'Aziraphale, Crowley noyait son chagrin et son espoir dans le café, pas dans la boulimie. La tentatrice fit voler ses longues et fines tresses en pivotant. Elle et son plateau odorant s'étaient tournés vers Muriel.

— Et la jeune stagiaire de M. Fell ? Vous voulez goûter, mademoiselle ? Ils sortent du four. Nouvelle recette de Jaimie Oliver ! J'ai besoin d'un avis avant de les proposer aux clients. S'il vous plait, dites oui !

Les mains moites pressées sur ses genoux, la petite brune aux cheveux courts avait affiché un très grand sourire crispé, et semblé quêter de l'aide auprès du démon pour qu'il la sorte de ce mauvais pas.

— Elle en sera ravie, avait effrontément répondu celui-ci pour elle. Mettez-en deux à côté de son chocolat chaud et partez donc évangéliser le quartier avec la bible de Saint Oliver !

Nina s'était penchée dangereusement près et lui avait tendu un gâteau. L'ange s'était sentie prise au piège quand avec un regard d'espoir, la patronne du café avait dit :

— Goûtez et dites-moi !

Au bord de l'apoplexie (ce qui n'est pas si loin de l'apocalypse), Muriel avait mis une dent dans le fondant divin du scone et fait semblant de mâcher deux ou trois fois.

— Alors ?

— Je... Je n'ai jamais rien goûté de tel de toute ma vie.

Masqué derrière son quotidien sulfureux, Crowley s'était fendu d'un sourire sardonique. Ah, ces anges et leur manie de ne jamais (trop) mentir !

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Nina repartie, Muriel ne savait pas quoi faire. Avait-elle le droit de recracher ? A force d'attendre et faute de trouver une solution qui ne l'embarrassait pas, elle finit par avaler en plissant les yeux avec une grimace. Par malheur, elle avait croqué dans un petit fruit ratatiné. Son goût lui avait évoqué comme une vapeur agressive et sucrée qui lui emplissait la gorge et les narines de l'intérieur. C'était... très perturbant.

Et là M. Crowley avait parlé à son journal – ce qui n'était pas très différent d'un livre et ressemblait juste à un registre à feuilles volantes. Comme il disait des choses incompréhensibles, elle s'était tenue silencieuse avant de comprendre qu'il s'adressait à elle.

Il s'était passé une main sur la figure, puis avait rechaussé ses lunettes noires. Pour sa part, Muriel n'était pas dérangée par les yeux de M. Crowley qu'elle ne trouvait pas plus bizarres que tout ce qui l'entourait, somme toute. Mais en sa présence, il ne se laissait pas aller et les remettait très souvent. Peut-être parce que c'était un privilège qu'il ne réservait qu'à l'Archange Suprême. Ou parce que les scribes n'avaient pas d'accréditation de haut niveau.

Il se remit debout d'un mouvement fluide pour la toiser de toute sa hauteur d'un air indéchiffrable. Sans doute pour se faire un avis, il piocha un scone et croqua dedans, mâcha en opinant, et puis déclara :

— T'as tort, Officier Constable, ils sont vraiment pas mal, hein ?... T'as pas aimé ?

Des larmes perlant aux cils, l'ange secoua la tête.

— Et le chocolat chaud, non plus ?

— Je ne sais pas trop.

.°.


Crowley avait reporté son poids sur une jambe, se frottant pensivement le menton pendant qu'il ourdissait de réitérer son Plan Inusable qui lui avait déjà permis de corrompre un premier ange au péché de gourmandise...

— On va faire un truc. Viens avec moi... Allez bouge-toi, s'impatienta-t-il en claquant des doigts rapidement. Direction la cuisine.

Trop obéissante pour son bien, l'ange arriva bien vite, empruntée dans sa jupette beige d'un autre âge. Il lui tira une chaise et pour lui dire de prendre place.

— Mu, nous allons faire quelque chose de très important aujourd'hui.

— Je m'appelle Muriel, M. Crowley...

— Écoute, dans Muriel il y a « Uriel » et il est hors de question que je prononce ce nom à tout bout de champ. Mu, c'est très bien, c'est le nom d'une ancienne civilisation. Bon c’est vrai qu’ils n’ont pas eu de bol. Tout leur continent s’est effondré dans l’Océan Pacifique. Et je n’y étais même pas pour quelque chose. Je me souviens que leur grand-prêtre avait la grosse tête et qu’il faisait la gueule en permanence. Un très très bon client à moi. Quand il a fait construire toutes ces statues de lui au sommet d'une montagne, je n'avais jamais imaginé que c'était un visionnaire. C'est tout ce qu'il en est resté, rêva-t-il les yeux dans le vague. Bref.

— Je préfère quand même Muriel, si ça ne vous embête pas.

Par miracle, il étendit la table en longueur et la fit se recouvrir d'une abondance de victuailles d'un claquement de mains, un tantinet ostentatoire.

— Si tu n'aimes pas les scones aux raisins, ce n'est pas grave. Il faut juste qu'on découvre ce que tu aimerais manger... si tu étais humaine. Cette enveloppe que tu as là, ne serais-tu pas curieuse de découvrir s'il y avait une saveur qui lui plaisait ? ajouta-t-il d'un ton enjôleur.

— Je ne sais pas trop.

— Je veux bien te refiler un tuyau : les humains aiment beaucoup échanger autour de la nourriture, et s'inviter à la partager. Si tu dois rester dans le coin, il faut au moins que tu connaisses les bases théoriques. Sinon, tu pourrais les vexer et passer pour une excentrique comme moi. C'est ce que tu veux ?

Muriel secoua la tête avec un « Oh non ! » et il pensa que c'était surtout le « comme moi » qui l'effrayait plus que « excentrique ».

— Parfait. Parce qu’honnêtement, pour le moment, quand tu essaies de te faire passer pour humaine, ça craint un max. Imagine, si Là-Haut on découvrait que tu tenais mal l'Ambassade et que tu te faisais remarquer en rendant les voisins de la rue soupçonneux... Tu pourrais avoir de gros ennuis, même si le nouveau Suprême t’aime bien.

— C'est gentil de vouloir m'aider en retour. Vous savez pour...

Elle esquissa un petit mouvement pour désigner le plafond et il devina qu'elle faisait allusion au moment où il s'était permis d’entrer au Paradis et consulter le dossier de Gabriel.

— Ne dis pas ce genre de chose ! s'écria-t-il un doigt levé. Mais... ce que je peux faire, c'est te montrer comment t'intégrer plus facilement. Et comme ça, tu pourrais te faire des amis.

— Merci M. Crowley mais je n'en ai pas besoin, je suis très bien comme je suis ! s'anima-t-elle.

— C'est ce que tu penses maintenant. Mais quand tu auras passé tes premiers milliers d'années « très bien comme tu es », tu changeras peut-être d'avis.

Elle rit comme si tout cela lui paraissait incongru.

— Mais les humains ne vivent pas si longtemps, je le sais très bien !

— Ouais, répondit-il avec une pointe d’acidité. Il parait que c'est comme ça : rien ne dure éternellement. Et certainement pas les amis. Mais passons à autre chose. Regarde tout ce qu'il y a sur cette table. Les formes, les couleurs, montre-moi ceux qui te semblent plus particulièrement répugnants.

Muriel se tordit les mains avec nervosité sans oser le regarder directement. Elle tendit les bras paumes écartées en faisant un petit geste circulaire en direction de la table dont le contenu aurait damné Aziraphale, puis ramena vite les mains contre elle.

— Tout ça ?

Crowley inspira profondément, puis un sourire infernalement moqueur aux lèvres, bomba le torse et lissa le devant de son gilet noir.

— Challenge accepté ! susurra-t-il avec un clin d’œil par-dessus ses verres fumés.

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Assis sur le bord de la table, le démon avait tombé la veste. En manches de chemise ceinturées par d'antiques brassards élastiques, le col tunisien de sa chemise noire entrouvert, les cheveux en rébellion… avec son calepin griffonné dans une main et un crayon sur l'oreille, il avait vaguement l'air d'un bookmaker des années 30.

— Bon. Pas ça, pas ça, pas ça, éliminait-il en rayant les items de sa liste et faisant disparaître les aliments de la table... Tomate ?

— C'est trop rouge.

— Raisin ?

— C'est très noir, ça fait un peu peur...

— Pff. Bon, OK, pas raisin. C'est pourtant un fruit, tu as dit "rien d'animal"... Une pomme pas rouge… Granny Smith ?

— C'est trop vert ! Ce n'est pas possible.

Le Tentateur plissa les yeux. Trop vert ? Mû par une subite inspiration, il prit la pomme et en retira la peau en faisant un joli ruban.

— Et là ?

— Oui, je veux bien maintenant.

Et la lumière fut. Muriel sélectionnait la nourriture à la couleur : uniquement des machins blancs, beige ou jaune pâle. Et ne voulait rien entendre à propos de la viande ou tout animal quel qu’il soit.

— Ok, je vais te mettre de côté du Moissac, on ne sait jamais... Bon, alors si je résume : pas de médaillon de veau aux morilles, pas de suprême de chapon, dinde farcie au foie et à l'armagnac, pas de filets de Saint Pierre à la crème – ne me regarde pas comme ça, c'est un poisson... – ni cabillaud en papillote au beurre blanc... Même si tout ça, c'est blanc ?

— Voilà !

— Bon, alors... banane, noix de coco, pomme pelée, chou-fleur, chou rave, endive, champignon de Paris, courgette épluchée, navets, pommes de terre, pousses de soja, blanc de poireau, asperge, ail, blanc d'œuf, sucre, du coup je mets "meringue"... Lait d'avoine, lait d'amandes... Fromages ? Fromage blanc, faisselle et compagnie ? Cheddar, mozzarella... Pas de persillé tu vas me dire qu'il y a « du bleu dedans »... Chèvre ?

— C'est un animal, M. Crowley.

— Non, c'est un fromage fait à base de son lait.

Elle se décomposa, avec une mine horrifiée.

— Quoi ? Le fromage et le lait, ça vient des animaux ?

Crowley fit la grimace et claqua des dents, pour se désimpatienter. Il traça un trait nerveux sur les fromages. Ce n’était pas avec cette liste qu’il arriverait à quoi que ce soit. Est-ce que le chou bouilli (parce que le beurre, figurez-vous, ça venait de la vache) avait de quoi engendrer le moindre péché ? C’était mal barré.

Peut-être parce que la barre était trop haute, justement.

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Aziraphale avait eu un déraisonnable apriori positif à son égard, une confiance dont le déchu s’émouvait parfois, tantôt grisé, tantôt effrayé. Il l’avait découvert assez violemment lorsqu’ils s’étaient retrouvés ensemble lors de la mise à l’épreuve de Job. Peut-être l’un des jalons les plus cruciaux de leur vie. C’était assez symptomatique que le Ciel considère que le plus important des cadeaux qu’il lui ait faits, le premier, soit étiqueté comme l’initiation au péché de gourmandise. Le vrai péché n’était pas là. Pour eux deux, cela avait été une révélation. Pas exactement la même. Ce jour-là, Crawly avait découvert comment fonctionnait l’ange aux zones grises, et à quoi il réagissait de façon positive. Bon, une once de manipulation avait peut-être pu s’y glisser mais...

Mais quand vous êtes un paria rejeté par votre créateur, rencontrer une telle confiance aveugle en face de soi, c’est… c’est l’une des rares choses qui peut vous permettre de tenir. Il avait voulu le remercier, par quelque chose de physique qui avait un sens plus profond : un offrande qui allait au-delà d’un bout de viande. Le cadeau de faire ses propres choix et de prendre ses propres décisions. Aux yeux du Ciel, il était sans doute là, le vrai péché, remettre les choses en question. Avant d’être déchu, Crawly avait été un ingénieur de l’univers, un scientifique, et c’est le propre de la science de ne rien tenir pour acquis et de poser des questions pour comprendre… Où cela l’avait-il mené d’être simplement ce qu’il était ?

Ce jour-là, Crawly [3] avait découvert quelque chose d’extrêmement important. Que grâce à cette confiance folle, l’ange et lui pouvaient être capables de s’associer pour faire ce qui leur semblait être le Bien et de fonctionner en équipe pour y parvenir. Et que pour enseigner à celui-là à développer son propre jugement et apporter ses propres réponses, il était prêt à avoir une patience d’ange… Il avait tout le temps du monde, lui qui était même capable de l’arrêter un moment.

Offrir un cadeau, rendre des services, c’était le moyen de revivre la fois où avec un petit morceau de viande accepté avec réticence mais somme toute assez de confiance, Aziraphale avait prouvé qu’il croyait en lui. C’était à la fois merveilleux et tragique. Merveilleux de se sentir digne de foi, tragique parce que cette foi était placée sur l’ange qu’il n’était plus.

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Muriel, il la connaissait depuis trop peu de temps. Et elle n’avait pas les bases des contradictions intérieures qu’avait manifestées Aziraphale, depuis le moment où il avait donné son épée à Adam et Eve… Muriel n’en était pas là. Elle était juste l’exemple que le Paradis n’était pas constitué uniquement des êtres à l’arrogance froide qui le dirigeaient

Venir à la librairie quelques heures, observer son innocence de temps en temps, lui permettait de faire une pause et d’oublier qu’il était gris comme un smog londonien depuis des jours. Que le moindre alcool avait un goût de cendres. Et que son crâne lui semblait devenu trop étroit pour ses migraines…

Elle était le rappel qu’il ne pouvait pas se permettre d’être manichéen, vu la façon dont Aziraphale et lui « dansaient » sur le concept depuis des siècles. Une révérence, un pas en avant, un pas en arrière, un pas en avant, bref contact, on échange sa place, on se sépare, un pas en arrière…

Il espérait.

Il espérait avoir bien compris ce que l’ange semblait avoir silencieusement marmonné en le regardant, juste avant de reprendre l’ascenseur vers le Ciel, vers son nouveau boulot. Il espérait que ce bref mouvement de lèvres était le même qu’il lui avait adressé sur une scène de music-hall en 1941. Stupide espoir.

Mais à force de devoir rayer de la liste de son calepin toutes ces choses délicieuses dont il savait pertinemment qu’Aziraphale les aurait adorées, il recommençait à douter.

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Il n’aurait pas dû.

Deux heures plus tard, après avoir expurgé toute couleur (vive ou pas vive) de son assiette, tout animal et sous-produit animal, Muriel avait à nouveau séparé le bon grain de l'ivraie. Et en considérant ce qui avait été sauvé de son dégoût effrayé, il se dérida enfin.

— Junior, c’est bon, on a trouvé !

— Tant mieux, je n’en peux plus. Est-ce que je ne vais pas être malade ?

— Avec une cuiller à café de tout ? Non ! Nous, on ne tombe pas malades, laissa-t-il échapper, c'est seulement les humains... Le truc, c’est que tu n’es pas très gâteaux parce que tu aimes le sel plus que le sucre, éventuellement l’acidulé. D’ici quelques temps, tu pourrais accepter ce qui a une légère couleur comme le concombre, du radis, des trucs dans le genre...

— Oh non, ça m'étonnerait, gloussa-t-elle. J’ai mangé assez d’aliments pour des années. Je n’ai pas envie de recommencer.

Crowley fit de son mieux pour accueillir cette constatation sans qu’une fumée incongrue ne lui sorte par les oreilles. Muriel n’était pas prête, il le savait, mais cette petite mécanique bien huilée en lui le poussa à demander d’un ton faussement désappointé.

— Vraiment ? Même pas ces jolis petits pétales dorés jaune clair là-bas ?

Il attrapa une coupelle et en prit quelques-unes. L’ange baissa les yeux et rosit offrant sans le savoir au démon une minuscule étincelle de confiance en lui. Elle avait mangé trois chips de son plein gré. Techniquement, pour un ange, ça devait bien compter pour de la gourmandise, non ?

— Délicieux mais ça donne soif… oh ! Sacré nom… Mu, mais j’y pense… On n’a pas essayé les boissons ! Bière ? Cidre brut ? Champagne ? demanda-t-il en faisant apparaître des petits verres.

— Non, non. Merci. C’est un peu trop… jaune.

Le sourire du démon taquin s’élargit car il adorait se saouler en bonne compagnie.

— Bien sûr ! Où avais-je la tête ? Limonade Margarita Malibu-Vodka ?

 

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Notes de l'auteure

[1] Je de mots sur l’anglais « bastards » (bâtards)

[2] Clifton nurseries, une jardinerie à l’est de Regent’s park, pas très loin des canards.

[3] C’est volontaire si je l’écris ainsi dans ces quelques paragraphes. Il apparait que son « changement de nom » est survenu entre Job et la Crucifixion.

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